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Côte d'Ivoire: une tâche immense pour Ouattara

Le président Alassane Ouattara s'est adressé à la nation lundi soir dans son quartier général du Golf Hotel. [KEYSTONE - Aristide Bodegla]
Le président Alassane Ouattara s'est adressé à la nation lundi soir, promettant que Laurent Gbagbo serait jugé. - [KEYSTONE - Aristide Bodegla]
Au lendemain de la chute de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara est confronté en Côte d'Ivoire à une tâche immense: réconcilier et reconstruire un pays déchiré par quatre mois de guerre civile et dont l'économie est à genoux.

Si la reddition de Laurent Gbagbo suscite un grand espoir de paix à Abidjan, nombreux sont ceux qui estiment que les rues de la métropole ivoirienne ne retrouveront pas le calme avant plusieurs jours, voire des semaines. La bataille d'Abidjan a précipité la capitale économique au bord d'une catastrophe humanitaire, avec des quartiers livrés aux pillages.

Des tirs d'armes lourdes ont encore retenti mardi en fin de matinée dans les quartiers du Plateau et de Cocody, deux bastions de l'ex-président Laurent Gbagbo, selon plusieurs témoins.

Un des proches de Laurent Gbagbo, l'ex-ministre de l'Intérieur Désiré Tagro, est décédé mardi dans des circonstances encore troubles, au lendemain de son arrestation avec Laurent Gbagbo à Abidjan, selon des sources concordantes. Les pro-Gbagbo affirment qu'il a été assassiné. Pour le camp Outtara, il serait mort après une tentative de suicide. 

Laurent Gbagbo toujours à Abidjan

L'ancien président déchu de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo est toujours à l'hôtel du Golf à Abidjan et n'a pas été transporté hors de la ville comme l'avaient indiqué dans un premier temps, mardi, par erreur les Nations Unies.

Laurent Gbagbo, après son arrestation lundi, avait été conduit par les forces du président élu Alassane Ouattara dans une suite de l'hôtel du Golf où il est toujours, a précisé Farhan Haq, un porte-parole de l'ONU.

04 12 ivoire key [Aristide Bodegla]
04 12 ivoire key [Aristide Bodegla]

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Le premier défi du président Alassane Ouattara sera de rétablir la sécurité à travers le pays. C'est dans cet esprit qu'il a appelé lundi soir, lors d'une allocution retransmise par sa chaîne de télévision TCI, ses compatriotes à s'abstenir de tout acte de violences et de représailles.

"Notre pays vient de tourner une page douloureuse de son histoire. Après plus de quatre mois de crise post-électorale émaillée par tant de pertes de vies humaines, nous voici enfin à l'aube d'une nouvelle ère d'espérance", a-t-il dit. Avant d'exhorter les derniers partisans de Laurent Gbagbo à déposer les armes.

Occasion historique

En écho, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a estimé que la Côte d'Ivoire disposait désormais d'une "occasion historique" pour promouvoir la réconciliation nationale, établir un gouvernement d'unité nationale et rétablir l'autorité de l'Etat.

Ban Ki-Moon a demandé à Alassane Ouattara, reconnu internationalement comme le président élu après le scrutin du 28 novembre, d'éviter un nouveau "bain de sang" et des représailles. Les quatre mois de crise ont fait au moins 800 morts dont la moitié à Abidjan, selon l'ONU.

Le président sortant Laurent Gbagbo a lancé un appel similaire dans une brève intervention retransmise lundi soir par la chaîne de télévision de son adversaire.

Faire redémarrer le cacao

Parallèlement à l'épineuse question de la réconciliation nationale, Alassane Ouattara devra composer avec une économie rendue exsangue par quatre mois et demi de conflit. A Abidjan, les habitants manquent de tout.

Contraints de se terrer chez eux au cours des dix derniers jours d'intenses combats, ils manquent surtout d'eau, de nourriture et de médicaments. Qui plus est, les coupures d'électricité sont fréquentes. Sans une réponse rapide du pouvoir en place, la situation humanitaire pourrait devenir catastrophique à Abidjan.

Alassane Ouattara devra en outre s'employer à faire redémarrer progressivement les exportations de cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial.

Les ministres européens des Affaires étrangères, réunis à Luxembourg, devaient promettre mardi au président Ouattara une aide économique à long terme pour l'aider à reconstruire un pays menacé par le chaos.

Commission vérité et réconciliation

La situation humanitaire est également très difficile à l'intérieur du pays, notamment dans l'Ouest. Les combattants des deux camps ont été accusés d'exactions par l'ONU et des ONG. Quelque 536 personnes ont été tuées depuis fin mars dans cette région, a indiqué le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme.

A Genève, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a nommé les trois experts chargés d'enquêter sur les crimes commis depuis le scrutin présidentiel. Dans son premier discours télévisé lundi soir, Alassane Ouattara a pour sa part dit vouloir mettre en place une commission vérité et réconciliation "qui fera la lumière sur tous les massacres, crimes et autres violations des droits de l'homme".

agences/lan


LES RÉACTIONS INTERNATIONALES

Plusieurs pays et institutions ont salué la chute du président sortant de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo, exprimant l'espoir qu'elle permette un nouveau départ pour le pays et insistant sur la réconciliation que devra mener Alassane Ouattara, le président internationalement reconnu.

Le président des Etats-Unis Barack Obama a salué l'arrestation de Laurent Gbagbo, dont il a dénoncé "les prétentions illégitimes au pouvoir", et a appelé "tous les groupes de miliciens" à déposer les armes. Ce dénouement "représente une victoire pour la volonté démocratique du peuple ivoirien, qui a souffert pendant bien trop longtemps" a-t-il dit. Barack Obama a également remercié l'ONU et la France pour les actions entreprises afin de "protéger les civils" en Côte d'Ivoire.

Le chef de l'ONU Ban Ki-moon, le 10 avril 2010 à Vienne.
Le chef de l'ONU Ban Ki-moon, le 10 avril 2010 à Vienne.

L'arrestation de Laurent Gbagbo marque la fin d'un chapitre malheureux "qui n'aurait jamais dû exister", a souligné lundi pour sa part

le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon

, soulignant au président Ouattara que "tout nouveau bain de sang devait être évité, maintenant que Laurent Gbagbo est entre les mains des forces présidentielles", et la "nécessité de s'assurer qu'il n'y aura pas de représailles contre les partisans pro-Gbagbo", a ajouté le porte-parole.

Plus tôt, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton avait jugé que cette arrestation "envoie un signal fort aux dictateurs" de la région et au-delà qu'ils ne "devraient pas mépriser" la voix de leurs peuples qui réclament des élections libres et justes.

L'Union européenne a applaudi l'arrestation et promis d'aider la Côte d'Ivoire à relancer au plus vite son économie pour contribuer à sa stabilité. "Nous nous sommes engagés à agir pour favoriser le retour de la paix dans ce pays. Nous fournirons un soutien à long terme à la Côte d'Ivoire pour la prospérité afin de garantir la stabilité et aider à reconstruire le pays", a déclaré la chef de la diplomatie de l'Union européenne Catherine Ashton dans un communiqué.

"Laurent Gbagbo a été mis en cause de manière crédible dans des crimes contre l'humanité et d'autres atrocités dont il devra répondre. Il ne devrait pas bénéficier d'un exil doré dans un pays qui le protégerait contre des poursuites au niveau national ou international", a affirmé le responsable Afrique de Human Rights Watch, Daniel Bekele.

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La France et l'UE débloquent 580 millions d'euros

La France et l'Union européenne ont débloqué mardi quelque 580 millions d'euros d'aide d'urgence en faveur de la Côte d'Ivoire afin de permettre au régime fragile du président ivoirien Alassane Ouattara de se stabiliser après l'affrontement avec Laurent Gbagbo.

La France va apporter dans les prochains jours "un soutien financier exceptionnel de 400 millions d'euros" pour aider notamment à satisfaire les besoins urgents des populations et de la ville d'Abidjan, a annoncé sa ministre des Finances Christine Lagarde.

De son côté, la Commission européenne a débloqué 180 millions d'euros, disponibles immédiatement pour aider à la reconstruction économique du pays, la réconciliation, la démocratie, lors d'une réunion à Luxembourg des ministres européens des Affaires étrangères.