"Vive la Syrie ! A bas le boucher Bachar el Assad, le traître à son pays !", ont scandé samedi des milliers de personnes à Izra'a aux obsèques de manifestants abattus la veille par les forces de sécurité.
"Nous avons essuyé une série de coups de feu alors que nous approchions d'Izra'a pour participer aux funérailles des martyrs", ont expliqué des contestataires. Les forces de sécurité ont également fait feu sur un cortège funèbre à Harasta, près de la capitale Damas, où a eu lieu un "sitin" visant à obtenir la libération d'insurgés arrêtés ces dernières semaines. Des manifestants ont occupé d'autres locaux après les obsèques de quatre habitants d'Irbine, non loin de Damas.
La journée de vendredi a de loin été la plus sanglante après plus d'un mois de manifestations en Syrie. Au moins cent personnes y ont trouvé la mort sous les balles de la police, ont indiqué samedi des membres d'ONG.
Depuis le début des troubles le 18 mars, le bilan total des victimes s'établit à 300 morts, toujours selon des ONG.
L'atmosphère demeurait tendue samedi à Damas. Beaucoup d'habitants sont restés chez eux. "Cela fait boule de neige. La colère monte, la rue est en ébullition", a indiqué un des manifestants.
Plusieurs démissions
Deux députés, originaires de Deraa, la ville où a commencé la contestation, ont annoncé samedi sur la chaîne de télévision alJazira qu'ils démissionnaient pour protester contre le bilan de la répression. "La méthode sécuritaire ne marche pas", a dit l'un d'eux, Khalil al Rifaei.
Les parlementaires syriens sont désignés de fait par les autorités. Jamais apparemment une démission n'avait été enregistrée parmi eux jusqu'au mouvement de contestation qui a lieu aujourd'hui en Syrie.
Une autre démission a fait grand bruit samedi, celle de Rizik Abdel-Rahim Abazid, le mufti de la province de Deraa nommé par le gouvernement, la plus haute autorité religieuse de la ville. Il a démissionné en signe de protestation. "Il faut absolument que les autorités répondent à toutes les demandes" du peuple, a-t-il dit.
Mesure "inutile"
La levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 en Syrie, promulguée jeudi par le président Assad, est la plus grande concession du régime depuis le début des manifestations.
Les militants regroupés dans les Comités de coordination locaux ont jugé "inutile" la mesure prise par le président syrien sans la libération de milliers de prisonniers politiques, dont la plupart n'ont pas été jugés, et le démantèlement de l'appareil de sécurité.
Les militants ont fait savoir que l'abolition du monopole exercé par le parti Baas sur le pouvoir et la création d'un système démocratique étaient essentiels pour que cesse la répression.
Pour Malcolm Smart, directeur d'Amnesty International pour le Proche-Orient et l'Afrique du nord, "les autorités doivent cesser de s'en prendre à des manifestants pacifiques et permettre aux Syriens de se réunir librement comme le prévoit le droit international".
agences/olhor
LES ETATS-UNIS, LA FRANCE ET L'UNION EUROPEENNE CONDAMNENT LES VIOLENCES
"Les Etats-Unis condamnent dans les termes les plus forts le recours à la force par le gouvernement syrien contre des manifestants. Ce recours révoltant à la violence pour lutter contre des manifestations doit cesser immédiatement", a déclaré Barack Obama dans un communiqué.
Les autorités syriennes ont regretté samedi les déclarations "manquant d'objectivité" faites par le président américain Barack Obama sur la situation en Syrie en proie à un mouvement de contestation sans précédent du régime.
"La Syrie regrette le communiqué publié par le président américain au sujet de la situation en Syrie, car il n'est pas basé sur une vision objective des faits réels sur le terrain", a indiqué un responsable syrien non identifié, cité par l'agence officielle Sana.
Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a condamné lui aussi samedi "la répression aveugle et brutale" en Syrie et appelé les autorités syriennes "à renoncer à l'usage de la violence".
"La France condamne les violences extrêmes exercées par les forces de sécurité syriennes qui ont provoqué la mort de nombreux manifestants pacifiques le 22 avril. Les responsables et les auteurs de ces crimes devront répondre de leurs actes", déclare le ministre dans un communiqué.
"Cette répression aveugle et brutale contredit la levée de l'état d'urgence. Nous appelons instamment les autorités syriennes à renoncer à l'usage de la violence et à respecter les droits et libertés fondamentales de leurs citoyens conformément à leurs engagements internationaux, particulièrement le droit de manifester pacifiquement et la liberté de la presse", ajoute-t-il.
"Seul un dialogue politique inclusif et des réformes répondant aux aspirations légitimes du peuple syrien peuvent permettre de préserver la stabilité du pays qui est dans l'intérêt de tous", conclut-il.
Pour sa part, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a condamné samedi les violences "intolérables" en Syrie, jugeant "essentiel" que Damas entame dès à présent "des réformes politiques profondes".
La Russie a quant à elle appelé samedi à une accélération des réformes en Syrie, pays avec lequel elle entretient de longue date des liens étroits.
Moscou "s'inquiète de l'intensification des tensions et des signes de confrontation qui cause des souffrances à des personnes innocentes", a écrit le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
DANS LES AUTRES PAYS ARABES
YEMEN: L'opposition parlementaire yéménite a annoncé samedi qu'elle acceptait un plan de sortie de crise proposé par les monarchies arabes du Golfe à l'exception d'un point prévoyant la formation, avec sa participation, d'un gouvernement d'union nationale. Le président contesté du Yémen, Ali Abdallah Saleh, avait insisté vendredi sur sa "légitimité constitutionnelle".
Vingt soldats avaient été tués en 24 heures entre jeudi et vendredi dans plusieurs attaques menées au Yémen, selon un nouveau bilan communiqué vendredi par des responsables militaires.
Par ailleurs, deux jeunes manifestants auraient été blessés par des tirs de l'armée en tentant de dresser samedi une barricade à Aden, dans le sud du Yémen, a indiqué une source médicale. Une grève générale y était observée à l'appel des opposants.
EGYPTE: Vendredi, le Procureur général d'Egypte avait décidé de prolonger de 15 jours la détention de l'ancien président Hosni Moubarak, dans le cadre de l'enquête sur la répression des manifestations anti-régime en Egypte.