"De nouveaux renforts des forces de sécurité et de l'armée sont entrés à Deraa. Il y a un char sur la place Kaziet al-Balad, dans le centre", a indiqué à l'AFP un militant des droits de l'Homme. "Les tirs se poursuivent contre les habitants" de la ville située à 100 km au sud de Damas, a-t-il ajouté. "Des chars sont postés et des barrières installées aux entrées de la ville", empêchant les gens de pénétrer à Deraa, a encore dit le militant.
Les forces de sécurité syriennes se sont déployées mardi en tenue de combat et avec des camions équipés de mitrailleuses lourdes dans les rues de Douma, faubourg de la périphérie nord de Damas, a rapporté un témoin. Ce déploiement concerne plus de 2000 policiers, qui patrouillent dans les rues et ont installé des barrages pour effectuer des contrôles d'identité.
Selon ce témoin, des membres en civil de la police secrète sont munis de fusils d'assaut. Une figure de la contestation à Banias a dit craindre un assaut similaire contre cette ville du nord-ouest, où des milliers de personnes, selon lui, ont défilé en journée pour les libertés.
Près de 400 morts
Lundi, au moins 25 personnes avaient été tuées dans le pilonnage de Deraa, où plus de 3000 soldats appuyés par des blindés et des chars étaient arrivés avant l'aube, selon des militants. Depuis le début du mouvement de contestation le 15 mars, quelque 390 personnes ont été tuées, dont environ 160 depuis la levée de l'état d'urgence le 21 avril, selon un bilan compilé par l'AFP à partir d'ONG étrangères et de militants syriens.
L'opposant Mahmoud Issa, arrêté la semaine dernière à Homs (centre), a été traduit mardi devant la justice militaire pour possession d'un téléphone satellitaire. Des centaines de manifestants, de militants politiques et défenseurs de droits de l'Homme ont été arrêtés depuis la mi-mars, selon des ONG.
Réactions à l'étranger
A l'étranger, plusieurs pays se sont élevés contre la répression. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a condamné l'utilisation des armes à feu contre les manifestants, a-t-il écrit mardi dans un communiqué (voir encadré).
Rome et Paris sont "préoccupés" par la situation et appellent le régime du président Bachar el-Assad à "arrêter la répression violente", a déclaré le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi à l'issue d'un sommet franco-italien.
"On n'envoie pas des chars, l'armée face à des manifestants, la brutalité est inacceptable", a renchéri Nicolas Sarkozy. Mais le président français, dont le pays a été à la pointe de l'intervention internationale en Libye, a exclu une intervention militaire en Syrie sans une résolution préalable du Conseil de sécurité de l'ONU, "qui n'est pas facile à obtenir".
Réformes ou sanction
Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan a appelé le président al-Assad à avancer sur la voie des réformes. Les critiques occidentales sont restées discrètes, en partie de crainte qu'un effondrement de la minorité alaouite au pouvoir déclenche un conflit interconfessionnel dans ce pays à dominante sunnite.
Lundi, Washington avait toutefois dit réfléchir à "des sanctions ciblées" à l'encontre de hauts responsables syriens, tandis que le ministre britannique William Hague a assuré travailler avec ses partenaires européens sur la "possibilité de mesures supplémentaires".
Les Etats-Unis ont ordonné lundi soir aux familles des diplomates et au personnel non essentiel de son ambassade de Damas de quitter la Syrie, en raison de "l'instabilité et de la situation incertaine".
La Ligue arabe soutien les revendications
La Ligue arabe a dénoncé l'utilisation de la force contre les manifestants dans les pays arabes et pressé les gouvernements de ces pays d'engager des réformes. "Les peuples réclament la liberté et la démocratie. Ce sont des revendications qui méritent un soutien et non pas des balles contre leurs auteurs", a dit un porte-parole de l'organisation panarabe dans un communiqué reçu mardi par l'AFP.
"Ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte et ce qui se produit à l'heure actuelle en Syrie, en Libye, au Yémen et dans d'autres pays arabes est un signe qu'une nouvelle ère s'ouvre". "Cette situation dangereuse" sera examinée lors d'un conseil ministériel extraordinaire le 8 mai, a dit le porte-parole.
La Ligue a reporté un sommet des chefs d'Etat prévu initialement le 11 mai à Bagdad en raison des manifestations. Elle n'a pas fixé de nouvelle date.
Par ailleurs, des dizaines de Syriens ont manifesté mardi devant le siège de la Ligue arabe au Caire, réclamant l'intervention des pays arabes pour mettre fin à la répression des manifestations dans leur pays. "Liberté liberté, où est la Ligue arabe?", "Le peuple veut la chute du régime", scandaient notamment les protestataires.
agences/cmen
La Suisse condamne
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a exhorté mardi les autorités syriennes à mettre fin immédiatement à la répression et à respecter les droits fondamentaux des Syriens. Il a condamné l'utilisation des armes à feu contre les manifestants et demandé des enquêtes indépendantes sur les violences.
Dans son communiqué, le DFAE a également présenté ses condoléances aux familles ainsi qu'aux proches des centaines de tués lors de ces heurts. Il a par ailleurs invité les autorités syriennes à garantir l'accès des journalistes étrangers aux régions en crise afin de permettre à ces derniers de couvrir les événements.
Sur son site internet, le DFAE déconseille les séjours dans l'ensemble de la Syrie.