S'il est encore trop tôt pour anticiper l'avenir d'Al-Qaïda sans Ben Laden, une radicalisation de l'organisation semble probable, tant l'idéologie et la détermination d'Ayman al-Zawahri sont manifestes.
Dans un ouvrage paru en 2001 sous le titre "Chevaliers sous l'étendard du Prophète", il fixait ainsi l'objectif à long terme du mouvement jihadiste: infliger "autant de pertes que possible" aux Américains tout en prenant le contrôle d'un pays "pour lancer la bataille du rétablissement" de la loi islamique dans le monde musulman.
Si Oussama ben Laden avait de l'argent, des hommes et le genre de personnalité autour de laquelle on construit des cultes, Ayman al-Zawahri a toujours été l'idéologue d'Al-Qaïda. "Al-Zawahri a toujours été le mentor de Ben Laden, Ben Laden l'a toujours admiré", explique Bruce Hoffman, expert en terrorisme à l'université de Georgetown à Washington.
Au contraire de son camarade de lutte, né milliardaire et devenu jihadiste à l'âge adulte, Ayman al-Zawahri a voué la plus grande partie de sa vie à la guerre sainte, connaissant notamment la prison. "Il a passé du temps dans une prison égyptienne, il a été torturé. C'est un jihadiste depuis qu'il est adolescent, il a combattu toute sa vie et cela a façonné sa manière de voir le monde", souligne encore Bruce Hoffman.
Un diplôme de chirurgien
Né le 19 juin 1951 au Caire, Ayman al-Zawahri est issu d'une famille de médecins et d'enseignants appartenant à la classe moyenne égyptienne. Diplômé en médecine de l'université du Caire en 1974, il obtient son diplôme de chirurgie quatre ans plus tard.
L'homme est connu dans les milieux musulmans égyptiens depuis 1966 quand, à l'âge de 15 ans, il fut arrêté, puis relâché, pour son appartenance au mouvement interdit des Frères musulmans, le groupe fondamentaliste musulman le plus ancien dans le monde arabe. Dans les années 1970, chef du Djihad égyptien, il s'allie à d'autres cellules militantes pour former le Djihad islamique, puis, alors jeune médecin, effectue son premier voyage en Afghanistan en 1980.
Rencontre avec Ben Laden
C'est là, à la fin des années 1980, qu'il rencontre Ben Laden, posant alors les fondations de ce qui allait devenir Al-Qaïda. Il mène en parallèle ses propres actions,
Le 11 septembre 2001 le fait connaître du grand public. Mais, plus que son rôle avant les attentats, c'est par son action après l'invasion américaine de l'Afghanistan qu'il se distinguera, rebâtissant la direction du réseau dans les zones tribales de la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan.
Traqué comme Oussama Ben Laden, il se manifeste lui aussi par des enregistrements vidéo et audio, dans lesquels il expose la stratégie d'Al-Qaïda et appelle à l'unité dans les rangs djihadistes. Dans l'une d'elle, datée de janvier 2006, il se moque de l'ancien président George W. Bush, quelques semaines après un bombardement qui l'a manqué de peu au Pakistan. "Bush, sais-tu où je suis? Je suis avec les masses musulmanes et je participe à leur djihad jusqu'à ce que tu sois vaincu", y déclare-t-il.
agences/mej
"Il est presque certain qu'il y aura des représailles", admet la CIA
Les Etats-Unis et leurs alliés appelaient lundi à la vigilance après la mort d'Oussama Ben Laden. Ils craignent des représailles jugées presque inévitables par les experts, notamment parce que des numéros deux puissants pourraient prendre la place de Ben Laden à la tête de l'organisation terroriste.
Interpol, l'organisation de coopération policière internationale, a mis en garde contre la possibilité d'"un risque terroriste plus élevé", après l'élimination du chef d'Al-Qaïda, appelant ses pays membres à une "vigilance accrue".
"Le terroriste le plus recherché au monde n'est plus, mais la mort de Ben Laden ne signifie pas la disparition des organisations affiliées à Al-Qaïda ou inspirées par Al-Qaïda, qui continuent et vont continuer à s'impliquer dans des attaques terroristes à travers le monde", a souligné Interpol.
"Même si Ben Laden est mort, Al-Qaïda ne l'est pas. Il est presque certain que les terroristes vont tenter de le venger et nous devons rester vigilants et déterminés, et nous le serons", a affirmé lundi le directeur de la CIA, Leon Panetta, dont l'agence a dirigé la traque du chef d'Al-Qaïda. Un avis partagé par les services de renseignement suisses (lire: Terrorisme).
Plusieurs pays ont annoncé un renforcement de la sécurité de leurs intérêts à l'étranger, comme leur ambassades. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, estime qu'"il pourrait y avoir des éléments d'Al-Qaïda qui essaieront de montrer dans les semaines à venir qu'ils sont encore actifs".
"Il n'y a aucun doute sur le fait qu'Al-Qaïda va continuer à essayer de s'en prendre à nous. Il nous faut rester vigilants dans notre pays et à l'étranger, et nous le resterons", a mis en garde le président américain Barack Obama.
Pour Frank Faulkner, conférencier sur le terrorisme à l'université britannique de Derby, toute la question est de savoir "quand et où" auront lieu ces représailles. "Cela ne va pas venir tout de suite, mais Al-Qaïda voudra montrer qu'il a encore les capacités d'attaquer ses ennemis", juge-t-il.
"Les Etats-Unis vont souffrir car les jihadistes ont tendance à venger leurs chefs assassinés. Après la mort du chef d'Al-Qaïda en Irak, Abou Moussab al-Zarkaoui, en juin 2006, son successeur a commis pendant des mois une série d'attaques suicide", rappelle Mathieu Guidère, spécialiste français du monde arabe. "S'il y a vengeance, cela pourrait se faire par les branches d'Al-Qaïda au Yemen ou au Maghreb (Aqmi)", estime-t-il.