Dominique Strauss-Kahn, souvent décrit comme la meilleure chance socialiste pour la présidentielle française de 2012, a été formellement "inculpé d'agression sexuelle, de séquestration de personne et de tentative de viol, sur la personne d'une jeune femme de 32 ans dans une chambre d'hôtel à New York", a précisé la police. Il a été entendu par un juge dimanche soir.
Le patron du FMI nie tous les faits qui lui sont reprochés et va plaider non coupable, a toutefois indiqué à l'un de ses avocats. Il a aussi précisé que Dominique Strauss-Kahn "allait bien". Son épouse Anne Sinclair a elle affirmé qu'elle ne croyait "pas une seconde" aux accusations qui sont portées contre son mari.
Jusqu'à 26 ans de prison?
Dominique Strauss-Kahn, âgé de 62 ans, est détenu depuis samedi après-midi après avoir été débarqué d'un vol Air France à destination de Paris dix minutes avant son décollage vers 17h. Il a été placé en garde à vue et se trouve toujours dans le commissariat de Harlem.
Selon des sources policières, Dominique Strauss-Kahn aurait quitté précipitamment l'hôtel Sofitel où il était descendu, en abandonnant son téléphone portable et ses effets personnels. Une femme de ménage a raconté à la police avoir été agressée par le directeur du FMI alors qu'il sortait nu de la salle de bain. La police a précisé que DSK a tenté de la violer, puis la femme s'est débattue. Il l'a alors poussée et l'a à nouveau agressée. La femme de chambre a ensuite pu s'échapper et a alerté la police.
Selon France 2, la femme de ménage âgée de 32 ans, est porto-ricaine d'origine et elle a une fille de 15 ans. La direction de l'hôtel Sofitel a indiqué qu'elle était employée depuis 3 ans et qu'elle donnait entière satisfaction.
Le politicien français a été inculpé de tentative de viol, une infraction punie de 15 à 20 ans de prison, de séquestration, punie de 3 à 5 ans, et d'agression sexuelle, passible d'un an. Cela peut donc aboutir théoriquement à un total de 26 ans si le juge décide d'additionner les peines.
Aucune commentaire du FMI
Le Fonds monétaire international a indiqué qu'il allait tenir de façon "informelle" une réunion extraordinaire dimanche de son conseil d'administration. "Conformément aux procédures normales du FMI, John Lipsky, premier directeur général adjoint, est directeur général par intérim quand le directeur général n'est pas à Washington. John Lipsky présidera la réunion informelle du conseil d'administration aujourd'hui", a ajouté le FMI.
L'organisation a assuré qu'elle restait "pleinement opérationnelle", après l'inculpation de son directeur général, en précisant qu'il ne ferait "pas de commentaire" sur l'affaire. "Dominique Strauss-Kahn a fait appel à un conseil juridique et le FMI n'a pas de commentaire à faire sur l'affaire", a ajouté une porte-parole, précisant que "toutes les demandes doivent être adressées à son avocat personnel et aux autorités locales".
Dominique Strauss-Kahn avait prévu une visite dimanche à Berlin et devait être reçu par la chancelière Angela Merkel. Il devait participer lundi à une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles, puis prononcer un discours mercredi au 12e Forum économique de Bruxelles, un événement organisé par la Commission européenne (lire aussi Fonds monétaire international).
Une affaire en 2008
Dominique Strauss-Kahn a été nommé en septembre 2007 à la tête du FMI pour un mandat de cinq ans pour réformer en profondeur cette institution. Economiste reconnu, sa candidature à la présidentielle française en 2012 pour porter les couleurs socialistes était plébiscitée dans les sondages. Mais quelle que soit la suite des événements, cette inculpation va complètement changer la donne (lire aussi Inculpation de Dominique Strauss-Kahn).
En 2008, le FMI avait commandé une enquête sur son directeur à la suite d'une relation extra-conjugale entre Dominique Strauss-Kahn et une ex-responsable du département Afrique. L'enquête a établi qu'elle n'avait bénéficié d'aucun traitement de faveur, et qu'"il n'y a pas eu de harcèlement, ni de favoritisme ni aucun autre abus de pouvoir." Mais le FMI lui avait alors reproché une "grave erreur de jugement", dans une affaire qui avait fait la Une de la presse mondiale.
agences/cer
"CHOC" POUR LA GAUCHE, "DISCREDIT" POUR LA DROITE
Martine Aubry
a évoqué un "coup de tonnerre" après l'inculpation de Dominique Strauss-Kahn, mais a demandé à tout le monde de "garder la décence nécessaire". La dirigeante du Parti socialiste français s'est dite "stupéfaite" et a demandé aux socialistes de "rester unis et responsables".
François Hollande a estimé qu'il fallait "se garder de toute conclusion prématurée". Le candidat à l'investiture socialiste pour l'élection présidentielle de 2012 a précisé qu'il avait appris cette nouvelle "avec stupéfaction", mais qu'il fallait "faire très attention". "Il y a eu une inculpation, mais qui n'est pas une preuve de culpabilité", a-t-il souligné.
Ségolène Royal a jugé qu'il serait "indécent de commenter les conséquences" de la "nouvelle bouleversante" et du "choc" que constitue l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn. "Attendons que la justice fasse son travail et ne transformons pas cet événement en feuilleton politique", a souligné la candidate du PS à la présidentielle 2007.
"Je ne pense pas, sauf si on découvrait quelque manipulation dans cette affaire, qu'il soit candidat aux élections présidentielles. Donc les choses vont changer, on va avoir une candidature de Martine Aubry contre François Hollande", a estimé Jacques Attali, ancien conseiller influent de François Mitterrand.
Le gouvernement, à travers son porte-parole François Baroin, a appelé à la "prudence" et au respect de "la présomption d'innocence". "Le gouvernement français respecte deux principes simples: celui d'une procédure judiciaire en cours sous l'autorité de la justice américaine, selon les modalités du droit américain, et le respect de la présomption d'innocence", a-t-il déclaré.
"Tout cela est confondant, navrant et infiniment troublant", a commenté le centriste François Bayrou, vraisemblable candidat à la présidentielle, évoquant les conséquences pour l'homme, son parti et "l'image de la France dans le monde".
C'est un "homme peu recommandable", "totalement déconsidéré", cette affaire est "très humiliante pour notre pays", a réagi le député du parti au pouvoir UMP Bernard Debré.
Pour Marine Le Pen, le patron du FMI est "définitivement discrédité comme candidat à la plus haute fonction de l'Etat". "Les faits qui sont reprochés à Dominique Strauss-Kahn, s'ils sont avérés, sont d'une très grande gravité. Il est définitivement discrédité comme candidat à la plus haute fonction de l'Etat", a dit la responsable du Front national. "D'autant qu'il n'est pas impossible que des paroles se libèrent", a-t-elle poursuivi. "Tout Paris, le Paris journalistique, le Paris politique, bruissent depuis des mois des rapports légèrement pathologiques que Dominique Strauss-Kahn semble entretenir à l'égard des femmes."