A la question de savoir si la victime présumée allait témoigner mercredi devant la chambre d'accusation chargée de décider de l'inculpation de Dominique Strauss-Kahn, l'avocat a répondu sur la chaîne de télévision américaine NBC: "A ma connaissance c'est aujourd'hui, oui".
De son côté, quatre jours après son interpellation à New York dans un avion en partance pour Paris, Dominique Strauss-Kahn attendait de comparaître à nouveau vendredi devant la justice qui pourrait lui signifier formellement son inculpation.
Deuxième nuit de prison pour DSK
Il a passé une deuxième nuit en prison, sous surveillance anti-suicide. Il est vêtu d'une combinaison carcérale grise d'une pièce, sans ceinture ni bouton. Il porte des chaussures sans lacet. La nuit, les gardiens doivent vérifier qu'il respire bien. Pour cela, ils peuvent être amenés à le réveiller, a dit à l'AFP Norman Seabrook, président d'un syndicat de gardiens de prison.
Dans le même temps, Jeff Shapiro, l'avocat de la plaignante, chargeait l'ancien ministre français à la télévision à propos des faits qui se seraient déroulés samedi à l'hôtel Sofitel de Manhattan. "Quand les jurés vont entendre son témoignage et la voir, quand elle pourra enfin raconter son histoire publiquement", ils vont se rendre compte "qu'il n'y a rien de consenti dans ce qui s'est passé dans cette chambre d'hôtel", a déclaré Me Shapiro sur la chaîne de télévision américaine NBC.
Lundi, devant la cour, l'avocat de M. Strauss-Kahn, Benjamin Brafman, a déclaré de façon ambiguë: "les preuves médico-légales, selon nous, ne coïncident pas avec un rapport forcé", sans qu'on sache si cette déclaration induisait une nouvelle ligne de défense reposant sur une relation consentie. Les procureurs ont pour leur part indiqué lundi qu'ils avaient des preuves montrant qu'il y avait eu une tentative de viol, s'appuyant notamment sur l'examen médical pratiquée sur la plaignante après les faits présumés.
Identité de la victime présumée inconnue
Une chambre d'accusation ("grand jury") de 16 à 23 jurés populaires doit se réunir en secret et en l'absence d'un juge, pour entendre les éléments de preuve de l'accusation et décider si Dominique Strauss-Kahn doit être inculpé. Si ce n'est pas le cas, il sortira libre du tribunal, bénéficiant d'un non-lieu.
Mais s'il est inculpé, le patron du FMI devra décider s'il plaide coupable ou non. S'il plaide non coupable, il y aura un procès, probablement dans quelques mois. S'il plaide coupable, sa peine sera négociée entre l'accusation et la défense.
L'identité de la femme de chambre âgée de 32 ans n'a pas été révélée par les autorités et elle n'a pas pris la parole depuis que l'affaire a éclaté samedi, mais son avocat a déclaré qu'elle était prête à pleinement coopérer à l'enquête et à la préparation du procès qui pourrait suivre. "Elle est prête à faire tout ce qu'on lui demandera de faire et à coopérer avec la police ou le ministère public", a dit Me Shapiro. "Elle n'a rien derrière la tête. Elle fait ça parce qu'elle pense qu'il faut le faire".
Démission du FMI exigée
Les accusations qui pèsent contre Dominique Strauss-Kahn, sa détention provisoire et la perspective d'un procès ont amené des responsables politiques américain, britannique et français à pousser le patron du FMI vers la sortie. "Il n'est évidemment pas en mesure de diriger le FMI", a déclaré le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner. "Dominique Strauss-Kahn devra prendre une décision sur son avenir", a estimé le chef de la diplomatie britannique, William Hague, "mais il est évidemment dans une position très, très difficile".
Cette question devrait être "réglée dans les jours qui viennent", a renchéri le chef du parti majoritaire UMP en France, Jean-François Copé. L'avocat de M. Strauss-Kahn à Washington, William Taylor, a refusé mercredi de dire quelles étaient les intentions du patron du FMI. "Je n'ai pas de commentaire là-dessus", a répondu M. Taylor, interrogé par l'AFP. "Je pense qu'au final ce sera résolu", a-t-il ajouté. "Nous sommes conscients du fait qu'il y a beaucoup de spéculations autour du statut du directeur général. Nous n'avons pas de commentaires sur ces spéculations", a affirmé mardi soir un porte-parole du FMI, William Murray, selon qui le Fonds n'a pas "eu de contact" avec lui depuis son arrestation (lire encadré).
Sept chefs d'accusation
DSK est visé par sept chefs d'accusation. Il est notamment accusé de tentative de viol et séquestration. Il a été placé en détention lundi par la juge Melissa Jackson, qui a refusé de le libérer même en échange d'une caution d'un million de dollars. La juge a évoqué un risque de fuite.
Le patron du FMI a été conduit lundi soir dans l'immense prison de Rikers Island, une île de l'East River, où il bénéficie d'une cellule individuelle, et n'est pas en contact avec les autres détenus.
Audiences en hausse
L'affaire a ébranlé la classe politique française à un an de la présidentielle, pour laquelle "DSK" faisait figure de favori, dans le cadre d'une éventuelle candidature socialiste.
Le président français Nicolas Sarkozy a demandé mercredi à ses ministres de "s'abstenir de commenter" l'affaire, de faire preuve de "dignité" et de "hauteur de vue", a rapporté François Baroin, porte-parole du gouvernement.
L'affaire continue de faire la Une dans le pays, et une grande majorité de Français (57%) considère que DSK est "victime d'un complot", selon un sondage CSA publié mercredi.
L'affaire est très suivie, comme le montrent les audiences des journaux télévisés depuis dimanche midi, selon les chiffres Médiamétrie fournis par les chaînes. Dimanche à 20H00, le journal de TF1 a été regardé par 8,4 millions de personnes, soit 1,2 million de téléspectateurs de plus que le dimanche précédent.
DSK nie tout
Les avocats de DSK, qui nient tous les faits, comptent s'organiser notamment autour de l'emploi du temps du patron du FMI.
Ses avocats assurent par exemple que celui-ci n'a pas voulu s'enfuir mais qu'il a déjeuné avec un proche avant de se rendre à l'aéroport où son vol pour Paris était déjà réservé et où il a été arrêté. Ils disent aussi qu'il a oublié à l'hôtel un de ses téléphones portables et a appelé le Sofitel pour qu'on le lui fasse porter à l'aéroport, ce qu'il n'aurait pas fait s'il était en fuite.
Des prélèvements ADN supplémentaires ont été effectués dimanche sur M. Strauss-Kahn, pour éventuellement détecter des traces de violence. S'il devait être condamné, le patron du FMI risque de 15 à 74 ans de prison pour l'ensemble des chefs d'accusation dont il fait l'objet.
DSK ETAIT BIEN CANDIDAT, SELON LIBERATION
DSK avait bel et bien décidé d'être candidat à l'élection présidentielle française de 2012, selon des propos prononcés par le patron du FMI en avril dernier et dévoilés mercredi par le quotidien français Libération. Le socialiste se disait "calme".
Dans un entretien qui n'avait pas vocation à être publié, Dominique Strauss-Khan disait en avril dernier se faire "un devoir (d'être candidat) pour un pays qui va tellement mal", rapporte Libération mercredi, qui dévoile ces propos compte tenu des circonstances.
"Je suis aujourd'hui la concordance de tout ce que veulent les Français, la compétence reconnue, le calme, l'expérience internationale", avait encore ajouté Dominique Strauss-Kahn. "La France est en déclin, pas en décadence", disait le socialiste. DSK est critique dans cet entretien avec Nicolas Sarkozy, qui a "cassé les principaux repères du modèle français".
Le socialiste exprimait des réserves quant aux qualités du chef de l'Etat français, à qui il reprochait de "jouer le coup d'après sans avoir fini de réfléchir au précédent" et de "ne pas aller au bout des choses".
Un rôle important promis à Aubry
Dominique Strauss-Kahn confirmait aussi dans l'article avoir passé une sorte de pacte avec Martine Aubry, mais implicite. "Nous n'avons pas échangé notre sang comme dans une cour de récréation, il aurait été suicidaire d'être candidats l'un contre l'autre", disait-il.
Il lui promettait "un rôle très important dans la campagne", mais se montrait plus sévère avec François Hollande, qui, selon lui, avait "fait une connerie" en présentant sa candidature aux primaires. "Le vainqueur de la primaire n'est tenu à rien par rapport à celui qui est arrivé second", disait encore DSK. François Hollande serait aujourd'hui le favori de la primaire, selon des sondages parus en France après l'arrestation de DSK.
agences/mej
Le FMI doit trouver un moyen d'obtenir le départ de DSK
Le Fonds monétaire international doit trouver le moyen d'obtenir le départ de son directeur général Dominique Strauss-Kahn, qui depuis sa prison de New York n'a donné aucune indication sur ses intentions quant à son poste.
La situation est inédite et complètement imprévue: le directeur général est sous les verrous, mais il est présumé innocent et nie tous les faits qui lui sont reprochés.
Des Etats membres évoquent ouvertement sa succession. Mais selon des sources internes au Fonds, beaucoup de questions se posent sur la manière de procéder si Dominique Strauss-Kahn ne démissionne pas.
"Dans ces conditions, la question est de savoir combien de temps tout cela peut durer", avait indiqué lundi à l'AFP une de ces sources. La question est aussi "de savoir si cela peut durer jusqu'à vendredi, mais ça n'est même pas certain".
Vendredi est le jour où DSK doit comparaître devant la justice de l'Etat de New York qui doit lui notifier son inculpation formelle. Son incapacité à exercer ses fonctions peut théoriquement conduire le conseil d'administration à le démettre.
Interrogé mercredi par l'AFP sur une éventuelle utilisation de cette procédure, un porte-parole du FMI a refusé de répondre.
Le conseil d'administration du FMI est composé des représentants de 24 pays et groupes de pays qui votent à la majorité qualifiée. Traditionnellement, ces administrateurs recherchent un consensus avant de mettre un vote à leur ordre du jour.
L'ordre du jour affiché mercredi sur le site internet de l'institution, et fixé pour la réunion du jour et les trois suivantes, portait sur le travail habituel de surveillance économique et d'aide aux Etats membres en difficulté.
Après une réunion "informelle" du conseil d'administration lundi, le Fonds n'a donné aucune indication sur la façon dont il comptait gérer le sort de son directeur général. Il dit travailler "normalement".