Au terme de l'exercice d'avril 2010 à mars 2011, Tepco a affiché une perte nette 13,8 milliards de francs, la pire jamais enregistrée par un groupe japonais non financier.
Le tentaculaire groupe Tepco a notamment été forcé de prendre en compte des dépréciations massives d'actifs résultant de l'arrêt brutal et définitif d'au moins quatre des six réacteurs de la centrale Fukushima Daiichi, endommagée par le séisme et le tsunami géant du 11 mars.
Ont également sévèrement plombé ses finances: les dépenses requises pour déployer des moyens exceptionnels pour refroidir tant bien que mal les réacteurs de Fukushima et les piscines à combustible. Elle doit aussi financer le traitement de milliers de mètres cubes d'eau contaminée.
L'action a coulé en bourse
"La détérioration significative" des finances "soulève des doutes substantiels sur (notre) capacité à continuer de fonctionner", a prévenu l'opérateur. Il a cependant assuré qu'il continuerait sa restructuration conformément aux desiderata du gouvernement.
A la Bourse de Tokyo, l'action s'est effondrée de 83% depuis le 11 mars. Avant l'accident, Tepco espérait terminer l'exercice sur un bénéfice net de 110 milliards de yens (plus d'un milliard de francs), une hypothèse ruinée le 11 mars par la catastrophe naturelle qui a dévasté le nord-est du Japon et provoqué le plus grave accident nucléaire depuis celui de Tchernobyl il y a 25 ans en Ukraine.
Le groupe, qui va bénéficier d'avances de fonds de la part de l'Etat pour indemniser rapidement les victimes, est incapable de faire des prévisions financières pour les mois à venir, la situation dans la centrale étant impossible à stabiliser avant au moins six mois.
Congé maladie peu après le drame
Tepco a annoncé que le remplacement de Masataka Shimizu par Toshio Nishizawa, une décision qui doit être confirmée lors de l'assemblée générale des actionnaires fin juin. "Le public a perdu confiance dans l'énergie nucléaire", a déclaré le désormais ex-patron lors d'une conférence de presse. "Nous avons jugé que la direction devait prendre toute la responsabilité", a-t-il poursuivi pour justifier son départ contraint.
Pour son successeur désigné, "nous traversons la pire crise de notre histoire". "Nous allons tout faire pour stopper cet accident et mettre en oeuvre les mesures prévues", a promis Toshio Nishizawa.
Masataka Shimizu va se retirer en laissant l'entreprise au bord du gouffre, après avoir été critiqué pour sa gestion de la crise. L'homme n'a pas toujours été aux commandes en raison de problèmes médicaux et d'une hospitalisation dans les jours où se sont produites les explosions et autres avaries majeures à Fukushima.
Sans la catastrophe, Tepco serait bénéficiaire
Sans ce drame intervenu moins de trois semaines avant la fin de l'année budgétaire, Tepco aurait affiché des bénéfices. La compagnie est en effet restée bénéficiaire sur le plan purement opérationnel, continuant malgré tout d'alimenter en électricité la région est du Japon, dont la mégapole tokyoïte et ses 35 millions d'habitants, et d'encaisser les factures.
Son chiffre d'affaires annuel s'est ainsi élevé de 7% par par rapport à celui de l'année précédente, à 59 milliards de francs. Tepco a dégagé un profit d'exploitation en progression de 40% sur un an à quelque 4,4 milliards de francs.
agence/jzim
Les fermiers doivent abandonner leur bétail
Dans la zone d'exclusion autour de la centrale, le silence des villages vidés de leurs habitants n'est troublé que par les mugissements du bétail, resté sur place. Depuis l'accident survenu à Fukushima, 85'000 personnes ont été évacuées des environs et une zone de 20 km de rayon autour du site nucléaire est interdite à la population, sauf pour de courtes visites.
Le petit village de Katsurao, bien qu'à 25 km au nord-ouest, a lui aussi été évacué et sera interdit d'accès à partir de fin mai. Déjà, plus personne ne s'y rend sauf quelques agriculteurs, qui veulent soigner leurs vaches, cochons et volailles. Plus de 10'000 bovins dans cette région, réputés pour leur viande tendre et leur lait crémeux, ont été abandonnés depuis les opérations d'évacuation réalisées dans l'urgence, selon les fermiers. Beaucoup sont morts de faim, prisonniers des étables.
Les agriculteurs sont confrontés à un choix cornélien: déplacer le bétail dans des régions non contaminées, une opération très coûteuse, abattre les bêtes ou les abandonner à leur sort. Les autorités locales n'ont pas donné d'ordre mais "recommandent fortement" aux fermiers de Katsurao de vider leurs étables avant fin mai, indiquent les responsables.
Si la viande est contaminée, ils ne pourront pas la vendre. Et même si elle ne l'est pas, elle ne rapportera pas grand chose: les animaux sont efflanqués et plusieurs errent autour des étables, à la recherche de nourriture. "Cette vache là-bas, elle va mourir dans quelques jours. Elle n'a plus la force de se joindre aux autres pour manger", déclare Shinji Sakuma, 55 ans, en pointant du doigt l'une de ses 70 vaches laitières, trop faible pour se tenir debout.
"Je suis en colère", ajoute cet homme, qui a monté son exploitation il y a 35 ans. "Nos bêtes n'ont rien fait de mal", dit-il en essuyant ses larmes. Les autorités n'ont toujours pas annoncé le montant des compensations pour les agriculteurs affectés par le désastre, mais le gouvernement a indiqué que l'opérateur de la centrale, Tepco, devra payer pour la totalités des dégâts.