DSK a troqué sa cellule pour un appartement new-yorkais au 71 Broadway, où il peut voir son épouse Anne Sinclair, sa famille et amis, mais reste sous surveillance constante, notamment d'un garde armé, en permanence avec lui. En outre, avec son bracelet électronique muni d'un GPS à la cheville, l'ancien ministre français ne peut pas sortir de l'immeuble, sauf cas de force majeure.
L'appartement, propriété de la société Stroz Friedberg chargée d'assurer sa mise en liberté surveillée, n'est qu'une solution temporaire. Dans quelques jours, il devrait déménager. C'est seulement alors qu'il pourra se rendre -sous escorte- chez le médecin, chez ses avocats ou à la synagogue, à condition d'en faire la demande au moins six heures à l'avance. Il ne pourra pas sortir entre 22h00 à 06h00 du matin.
Touristes attirés
Devant l'immeuble, les badauds et curieux se massaient samedi. Des touristes se faisaient prendre en photo. "Sur votre droite, l'immeuble où demeure le Français accusé de tentative de viol", indiquait au micro un guide touristique dans un bus à deux étages qui traversait Broadway.
Mais l'arrivée de Dominique Strauss-Kahn au 71 Broadway ne fait pas que des heureux. "Je n'aime pas vraiment ça. Je trouve ça un peu effrayant", a lancé Gemma Harding vendredi, une habitante dont la tenue de soirée a aimanté les flashes des nombreux photographes devant la résidence temporaire de Dominique Strauss-Kahn.
La jeune femme d'origine guinéenne qui accuse DSK, dont le nom n'a pas été publié sauf par certains médias français, est "effrayée" par la libération de son agresseur présumé, a déclaré son avocat, Jeff Shapiro.
L'ancien ministre de 62 ans restera "quelques jours" à Broadway, selon le juge Michael Obus. Dominique Strauss-Kahn quittera ensuite ce logement pour un autre appartement, où il devra rester pendant toute la durée de son parcours judiciaire.
Sous surveillance 24h/24
Le juge Obus avait signé vendredi l'ordonnance de libération de Dominique Strauss-Kahn, écroué depuis lundi à la prison de Rikers Island, après que ses avocats et son garant judiciaire eurent remis la caution d'un million de dollars, ainsi qu'un dépôt de garantie de cinq millions.
La justice avait autorisé jeudi sa libération si un ensemble de conditions étaient respectées. Outre la caution et le dépôt de garantie, ce dernier devait prouver qu'il allait vivre dans une résidence de Manhattan sous surveillance 24 heures sur 24.
La prochaine convocation de Dominique Strauss-Kahn devant la justice a été fixée au 6 juin. Lors de cette audition, il devra plaider coupable ou non coupable des sept chefs d'accusation pesant contre lui. S'il plaide coupable, il n'y aura pas de procès mais une condamnation à plusieurs années de prison, dont le nombre sera négocié avec le juge. S'il plaide non coupable, comme ses avocats l'ont suggéré, un procès aura lieu.
En France, l'écrivaine et journaliste Tristane Banon, qui a affirmé avoir été agressée sexuellement en 2002 par Dominique Strauss-Kahn, a renoncé à le poursuivre et n'ira pas témoigner contre lui aux Etats-Unis.
Pendant ce temps, les spéculations continuaient d'aller bon train sur la succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI (lire Direction du FMI ).
Appel des associations féministes
En France, des associations féministes ont lancé samedi avec le concours d'une brochette de personnalités un appel avec près de 6000 signatures, s'élevant contre "l'impunité qui règne dans notre pays quant à l'expression publique d'un sexisme décomplexé". Intitulé "Ils se lâchent, les femmes trinquent", et initié par Osez le féminisme!, Paroles de femmes et La barbe - qui a manifesté dès mercredi devant l'Assemblée nationale et le siège du PS -, cet appel se conclut par l'annonce d'un rassemblement au pied de Beaubourg, dimanche.
Quant à l'avenir politique français de l'ex-favori des sondages, "sur le plan politique, ce sera à Dominique Strauss-Kahn et à lui seul" de dire "s'il peut ou ne peut plus être candidat à la primaire du PS", a déclaré François Hollande, lui-même candidat aux primaires, prenant le contrepied des socialistes ayant déjà tiré un trait sur une candidature de DSK.
agences/vkiss
La vie de la plaignante sous enquête
Des détectives privés chevronnés au service de Dominique Strauss-Kahn ont commencé à enquêter sur la vie de la femme de chambre qui l'accuse de crimes sexuels dans l'espoir de discréditer son témoignage et ainsi innocenter l'ex-patron du FMI, selon des spécialistes. Les détectives ont pour mission de trouver les failles dans la version des faits avancée par le procureur. Ils vont tenter "d'en savoir plus sur la plaignante. Qui est-elle? Personne ne le sait à ce stade", explique Todd Henry, d'un cabinet d'avocats qui travaille avec des enquêteurs privés. "Ils vont probablement essayer de découvrir quels jours et à quelles heures elle travaillait, savoir s'ils ont eu des contacts par le passé, sexuels ou non" afin de prouver éventuellement qu'ils se connaissaient au moins un peu, dit-il.
Les détectives de DSK vont aussi tenter de savoir si la jeune femme a déjà été arrêtée, si elle consomme de la drogue, si elle boit beaucoup, des éléments "qui pourraient miner sa crédibilité", ajoute Todd Henry. Selon Frank Bress, professeur de Droit à la New York Law School, les détectives de M. Strauss-Kahn pourraient même aller en Guinée, pays d'origine de la jeune femme. "Ils voudront en savoir le plus possible sur son profil. Vous ne savez jamais ce que vous pouvez trouver", souligne-t-il. "Si vous avez les ressources, et il (D.Strauss-Kahn) les a, alors ces détectives ratissent partout où ils peuvent".
L'équipe de DSK pourrait aussi recourir à des médecins légistes afin d'étudier toutes les données disponibles comme des échantillons de sang, de salive, éventuellement de sperme, ou des traces de blessures. "Il est rare que des clients aient les meilleurs détectives et experts au monde à leur service", remarque Matthew Galluzzo, un ex-procureur devenu avocat. Mais le pire scénario pour l'équipe de défense de Dominique Strauss-Kahn serait de découvrir que la victime présumée est telle que son avocat la présente: une jeune immigrante, humble, qui travaille honnêtement pour se faire sa place au soleil en Amérique.