Une forte explosion a secoué la capitale libyenne samedi en milieu de matinée. Une colonne de fumée blanche s'est élevée peu après au dessus du secteur de Bab Al-Aziziya, résidence du colonel Kadhafi, cible depuis quatre jours de bombardements intensifs.
Plus tôt dans la nuit, deux détonations ont retenti dans la même secteur, où l'OTAN affirme avoir visé un "centre de commandement et de contrôle".
Sur le plan diplomatique, Tripoli a essuyé vendredi un nouveau revers majeur, après avoir été lâché par Moscou qui s'est alignée sur la position des Occidentaux pour réclamer le départ du colonel Kadhafi. "Le monde ne le considère plus comme le leader libyen", a déclaré le président russe Dimitri Medvedev qui participait au sommet du G8 à Deauville, en France.
Dimitri Medvedev, dont le pays refusait jusqu'alors de soutenir les appels américain et français à son départ, s'était abstenu lors du vote à l'ONU de la résolution 1973 autorisant des frappes internationales contre Tripoli.
Moscou propose une "médiation"
Le président russe a signé par ailleurs la déclaration finale du G8 affirmant que Mouammar Kadhafi avait "perdu toute légitimité", et a offert à ses partenaires sa "médiation" dans le conflit, annonçant l'envoi immédiat d'un émissaire à Benghazi, fief de la rébellion libyenne dans l'Est.
Mais à Tripoli, la portée de ce revirement a été minimisée par le vice-ministre aux Affaires étrangères, Khaled Kaaim. "Le G8 est un sommet économique. Nous ne sommes pas concernés par ses décisions", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.
Il a rejeté dans le même temps une éventuelle conciliation de Moscou, affirmant que Tripoli n'"acceptera aucune médiation qui marginalise le plan de paix de l'Union africaine (...) Toute initiative en dehors du cadre de l'UA sera rejetée y compris de la Russie".
Des hélicoptères britanniques mobilisés
En dépit du revirement russe, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, s'est montré sceptique quant aux perspectives de départ volontaire du dirigeant libyen. "Connaissant son état d'esprit, je ne pense pas qu'il soit prêt à céder", a-t-il dit.
A Deauville, le président américain Barack Obama, qui a appelé une nouvelle fois au départ du leader libyen, a averti que la coalition internationale allait "finir le travail" en Libye. Le premier ministre britannique David Cameron a indiqué de son côté que les opérations de l'OTAN en Libye entraient dans "une nouvelle phase" et que le déploiement d'hélicoptères Apache britanniques accroîtrait la pression sur Kadhafi.
Signe d'une volonté d'accélérer les opérations militaires en se rapprochant du sol, Paris et Londres vont dépêcher des hélicoptères de combat capables de cibler plus précisément les pro-Kadhafi en milieu urbain.
Mines autour de Misrata
Sur le terrain, l'OTAN a bombardé notamment une caserne de la Garde populaire, à proximité de la résidence de Kadhafi, non loin du centre de Tripoli. L'Alliance atlantique avait indiqué avoir visé un entrepôt de véhicules militaires.
Des pans des imposants murs d'enceinte de la caserne s'étaient écroulés par le souffle de dizaines de bombes larguées ces derniers jours sur le site truffé de hangars, que les autorités affirment avoir vidé. La ville d'Al-Qariet, dans la région de Mizdah, au sud de Tripoli, a été également la cible de raids, selon l'agence libyenne Jana.
Par ailleurs, deux rebelles ont été tués vendredi dans des affrontements avec des troupes loyales au colonel Kadhafi, à 285 km au sud-est d'Ajdabiya, elle-même à l'est du pays.
Les insurgés avaient déjà fait état de combats sporadiques autour de la ville de Jallo dans le sud-est, sous contrôle des rebelles. L'OTAN a accusé par ailleurs les forces pro-Kadhafi d'avoir posé "un champ de mines" autour de la ville stratégique de Misrata, afin "d'empêcher la population de circuler" et de "reprendre la ville" aux rebelles.
Sur le plan diplomatique, le Sénégal a reconnu le CNT "comme représentant légitime du peuple libyen", comme l'ont déjà fait la France, l'Italie, le Qatar, la Gambie, la Jordanie, et la Grande-Bretagne de facto.
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Réaction de l'épouse de Kadhafi
De son côté, Safia Farkash Kadhafi, la femme du dirigeant libyen, a fustigé vendredi les frappes aériennes qui ont tué son fils Seif al-Arab. Elle a accusé les forces de l'OTAN de commettre "des crimes de guerre".
"Je n'étais pas là. Mais j'aurais aimé y être, parce que cela m'aurait permis de mourir avec lui", a-t-elle déclaré sur la chaîne d'informations américaine CNN, interrogée par téléphone.
"Mon fils n'avait jamais manqué la prière du soir. Nous étions visés par des missiles tous les soirs et les frappes commençaient au moment de la prière du soir", a affirmé la femme du colonel Kadhafi, dont les apparitions dans les médias sont rarissimes.
La coalition menée par l'OTAN "cherche des excuses pour viser Mouammar", a-t-elle accusé, suggérant que l'alliance atlantique viole le mandat de l'ONU qui n'autorise d'intervention que dans le cadre de la protection des civils.