Dépendante du nucléaire pour moins de 25% de son électricité jusqu'en mars dernier, l'Allemagne compte actuellement 17 réacteurs. Les sept réacteurs les plus anciens -tous construits avant 1980-, déconnectés du réseau quatre jours après la catastrophe de Fukushima au Japon, ne seront pas relancés.
Sept autres réacteurs seront arrêtés d'ici 2021 et les trois derniers en 2022, a précisé le ministre de l'Environnement Norbert Röttgen en saluant l'accord issu d'une nuit de négociations entre les partis de la coalition au pouvoir (unions chrétiennes CDU-CSU et libéraux du FDP).
Un avenir plus sûre
La chancelière Angela Merkel avait décidé en 2010 de prolonger de 12 ans en moyenne la durée d'exploitation des centrales allemandes, et le dernier réacteur devait être arrêté en 2036. Mais l'accident de la centrale de Fukushima, suite au séisme et au tsunami dévastateurs du 11 mars, l'a incitée à un revirement complet.
Elle s'est ainsi rapprochée du calendrier fixé il y a une dizaine d'années par la coalition sociaux-démocrates/Verts alors au pouvoir, qui prévoyait de tourner définitivement la page du nucléaire d'ici 2021 en raison des risques inhérents à cette technologie. "Nous voulons que l'électricité de l'avenir soit sûre" et viable sur le plan économique, a précisé Angela Merkel lundi. "Nous devons emprunter un nouveau chemin".
Gros investissements
A l'heure actuelle, la part des énergies éolienne, solaire et hydroélectrique dans la production d'électricité en Allemagne s'élève à 17%. Mais le gouvernement s'est fixé pour objectif de la porter aux alentours des 50% dans les prochaines décennies. Un investissement de plusieurs milliards d'euros auquel s'ajouteront ceux dévolus à la construction de nouvelles centrales au gaz naturel et à une réforme du réseau allemand d'électricité.
En affichant ainsi sa détermination à remplacer progressivement le nucléaire par des énergies renouvelables, l'Allemagne sort du rang des grandes puissances industrialisées dépendantes de cette technologie. La semaine dernière, la Suisse -pays où 40% de l'électricité est d'origine nucléaire-, a annoncé sa volonté de fermer progressivement ses réacteurs au terme de leur durée de fonctionnement moyenne de 50 ans, ce qui porterait à l'horizon 2034 l'arrêt de la dernière centrale. L'Italie avait elle décidé de stopper la production d'énergie nucléaire après la catastrophe de Thernobyl en 1986.
Risques de blackout?
Vendredi, l'agence chargée de superviser le réseau électrique allemand a affirmé que le pays resterait autosuffisant, même sans les sept réacteurs qui resteront fermés et un huitième réacteur, à l'arrêt depuis plus d'un an en raison de travaux de maintenance.
Mais les exploitants de centrales comme les gestionnaires de lignes à haute tension ont mis en garde contre des risques de coupures de courant cet hiver. L'Agence fédérale des réseaux, qui contrôle les réseaux d'électricité, estime que "la situation restera sous contrôle pendant le semestre d'été mais que l'automne et l'hiver seront marqués par des tensions".
En effet, 5 des plus vieux réacteurs immédiatement arrêtés se trouvent dans les régions du Sud et de l'Ouest du pays, les plus industrialisées et densément peuplées, ce qui pose des problèmes de distribution.
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LES PISTES POUR REMPLACER L'ATOME
Pour abandonner d'ici à 2022 le nucléaire, l'Allemagne mise sur des économies d'énergies, de nouvelles centrales à gaz et des aides aux industriels.
- DES ECONOMIES D'ENERGIE: la chancelière Angela Merkel veut réduire de 10% d'ici à 2020 la consommation d'électricité des Allemands, grâce notamment à des appareils ménagers plus économes. L'Etat investit aussi 1,5 milliard d'euros dans l'isolation thermique de bâtiments.
- DE NOUVELLES CENTRALES : pour compenser la perte des 17 réacteurs nucléaires allemands, dont huit sont mis à l'arrêt immédiatement, l'Allemagne doit se doter d'ici à 2013 de centrales à gaz et au charbon d'une capacité totale de 10 gigawatts, et d'encore 10 gigawatts supplémentaires d'ici à 2020. Le gouvernement veut à cet effet mettre en place des procédures accélérées de permis de construire.
- DE NOUVELLES LIGNES A HAUTE TENSION: pour mieux raccorder les éoliennes appelées à se multiplier le long des côtes du Nord de l'Allemagne, le gouvernement veut accélérer la construction de réseaux électriques.
- DES EOLIENNES ET DES CAPACITES DE STOCKAGE: la banque publique KfW finance la construction de dix parcs éoliens en haute mer, des permis de construire doivent être délivrés plus facilement pour remplacer les éoliennes terrestres par des modèles plus puissants, et le gouvernement veut soutenir la recherche sur des capacités de stockage de l'électricité.
- DES AIDES AUX ENTREPRISES: un fonds de jusqu'à 500 millions d'euros doit permettre aux industries très gourmandes en énergie de faire face à la hausse prévisibles des prix de l'électricité.
- ET DES QUESTIONS NON RESOLUES: le gouvernement allemand ne se prononce pas sur l'épineux problème des déchets nucléaires, alors que jusqu'ici, l'Allemagne ne dispose que de sites de stockage provisoires.
La coalition gouvernementale se contente par ailleurs de réitérer son objectif de baisser de 40% les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 par rapport à 1990, mais sans vraiment expliquer comment l'Allemagne peut y parvenir si des centrales à gaz ou au charbon remplacent les réacteurs nucléaires, qui ne rejettent pas de CO2.
agences/cab
La Suède critique
Le ministre suédois de l'Environnement Andreas Carlgren a critiqué lundi la décision de l'Allemagne d'abandonner l'énergie nucléaire, qui va selon lui à contre-courant des efforts pour réduire les émissions de CO2.
L'Allemagne "va probablement devoir augmenter ses importations d'énergie nucléaire depuis la France et il y a un risque qu'elle ne parvienne pas à mettre fin aussi rapidement à sa dépendance aux énergies fossiles, notamment l'énergie produite à partir du charbon", estime Andreas Carlgren.
Le risque est "de manquer la question la plus importante: que nous arrivions à gérer la double difficulté de réduire notre dépendance au nucléaire tout en réduisant le changement climatique", selon le ministre suédois.
Le gouvernement suédois a décidé en février 2009 de revenir sur un moratoire sur le nucléaire datant de 1980, autorisant la modernisation et le remplacement de ses dix réacteurs nucléaires en activité.
Malgré la catastrophe de Fukushima au Japon, Stockholm, qui se veut en pointe dans la réduction des émissions de CO2, a maintenu son plan de relance de l'atome.
L'électricité en Allemagne
Les 17 réacteurs théoriquement encore en activité représentent 22% de la production d'électricité brute de l'Allemagne.
Les centrales au charbon assurent 43% de la production brute.
L'Allemagne a beaucoup subventionné les renouvelables, qui représentent maintenant 18% de la production électrique. L'éolien domine (6%), suivi par la biomasse (4,6%) et l'eau (4,2%).
La part du gaz naturel dans la production est de 14%. L'Allemagne ne produit pas de gaz naturel et doit donc l'importer. La Russie est son plus gros fournisseur, pour environ un tiers du gaz consommé.