Différents témoins affirment en effet que les victimes sont mortes lors d'une mutinerie au QG de la Sécurité. Dans l'hypothèse d'une tentative de mutinerie ou de défections pour aider les manifestants, le régime du président Bachar al-Assad serait "confronté à une rébellion d'ampleur différente", selon Mohamad Bazzi, du Centre des affaires étrangères (CFR) à New York.
"Cela pourrait amener le régime à faire usage d'une force encore plus brutale pour tenter d'écraser la révolte et ce pourrait être le tournant amenant la Syrie à une guerre civile, un conflit à grande échelle entre les sunnites et les alaouites, la minorité au pouvoir".
Assad se présente comme le seul garant de la stabilité
Mohamad Bazzi note toutefois que la tête de l'armée est monopolisée par des alaouites fidèles au clan Assad et que les minorités chrétienne, druze et chiite (qui constituent environ 15% de la population) ont tendance à considérer Assad comme une source de stabilité.
L'expert ajoute que les sunnites laïcs ne semblent pas être encore entrés dans la contestation. "Un début de scission dans l'armée pourrait les faire basculer", juge-t-il, car "Assad perdrait l'argument selon lequel il est le seul à pouvoir maintenir la stabilité".
Un diplomate européen à Washington note pour sa part que l'inquiétude grandit quant à une guerre civile qui se répandrait dans tout le pays. Selon lui, l'opposition syrienne est mieux organisée qu'au début des manifestations, sans qu'on puisse encore parler d'opposition structurée.
Les frontières, zones ultra-sensibles
Le dissident Amr al-Azm affirme quant à lui que le régime d'Assad redoute tout de même que les opposants se constituent un fief aux frontières. Cela expliquerait la violence particulière de la répression, d'abord à Deraa, aux confins de la Jordanie, et à Benyas, près du Liban, puis ces derniers jours à Jisr al-Choughour.
Parler de guerre civile est "très prématuré", conteste le blogueur et militant des droits de l'homme Nasser Weddady. Il rappelle que "la lutte pacifique et non-violente est l'objectif déclaré des manifestants". Selon lui, le régime d'Assad est aux abois: il invente toutes sortes d'histoires de conspiration et d'attentats pour justifier sa violence.
Et puis environ 1300 nouveaux réfugiés syriens sont arrivés en Turquie depuis mercredi. Ils sont désormais 1900 c'est ce qu'indique une source gouvernementale turque. Les autorités turques ont par ailleurs annoncé que leurs frontières resteraient ouvertes tout disant redouter un afflux massif de réfugiés.
L'appel du HCR
De son côté, la Haut Commissaire aux droits de l'homme Navi Pillay exhorte une fois de plus les autorités syriennes à cesser leurs attaques contre leur population. Elle condamne avec force la poursuite de la répression contre des manifestants pacifiques et cite les informations des ONG selon lesquelles le nombre d'hommes, de femmes et d'enfants tués depuis le mois de mars dépasse désormais les 1100.
Navi Pillay réitère sa demande aux autorités de Damas d'accepter la visite en Syrie d'une mission d'enquête, telle qu'elle avait été requise par le Conseil des droits de l'homme fin avril. Damas n'a toujours pas répondu, que ce soit positivement ou négativement.
agences/pym
Le pape s'adresse au régime syrien
Benoît XVI a exhorté jeudi les autorités syriennes à "reconnaître la dignité inaliénable de la personne humaine" et les a appelées à "tenir compte des insistances internationales" pour des réformes, en recevant le nouvel ambassadeur de Syrie, Hussan Edin Aala.
"La voie de l'unité et de la stabilité de chaque nation passe par la reconnaissance de la dignité inaliénable de toute personne humaine. Elle doit être au centre des institutions, des lois et de l'action des sociétés", a insisté Benoît XVI.
Le souverain pontife a rappelé que "la Syrie est un lieu cher et significatif pour les chrétiens, dès les origines de l'Église". "La Syrie a traditionnellement été un exemple de tolérance, de convivialité et de relations harmonieuses entre chrétiens et musulmans", a-t-il relevé.
Alain Juppé attaqué par Damas
Pour le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé "un régime qui tire au canon contre sa population perd sa légitimité. Nous souhaitons une Syrie stable mais nous pensons que la vraie stabilité n'est pas dans la répression. Elle est dans la réforme".
Déclarations qui fâchent le ministère syrien des Affaires étrangères: il se fend d'un communiqué jeudi dans lequel il estime que le chef de la diplomatie française se permet de déterminer la légitimité des responsables des différents pays. "Les déclarations de Monsieur Juppé évoquent un retour à l'époque révolue du colonialisme et des mandataires", ajoute le communiqué.
Mercredi, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Portugal ont déposé un projet de résolution condamnant la répression syrienne au Conseil de sécurité de l'ONU, malgré la menace de veto de la Russie.