La répression a été particulièrement violente dans la localité de Maaret al-Nouman, proche de celle de Jisr al-Choughour dans le gouvernorat d'Idleb (nord-ouest), où au moins 10 civils ont été tués par les troupes qui ont tiré des dizaines de milliers de manifestants, selon des témoins et des militants. Un onzième est mort dans un village avoisinant, ont-ils précisé.
Des hélicoptères tirent sur la foule
Le père de l'un des manifestants tués a affirmé à l'AFP que son fils avait été "touché à la poitrine par un tireur embusqué". Il a affirmé ainsi que d'autres militants sur place que des hélicoptères de l'armée avaient tiré sur la foule. "Les hélicoptères bombardent la ville", a affirmé l'un d'eux.
Selon le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel-Rahmane, les manifestants à Maaret al-Nouman ont réussi à prendre le contrôle d'une station de police après la fuite des forces de sécurité. Des hélicoptères sont ensuite intervenus pour tirer sur le bâtiment, a-t-il dit. La télévision d'Etat a, elle, fait état d'une attaque "de groupes terroristes armés contre un QG de la sécurité", les autorités accusant depuis le début de la révolte des "gangs armés" d'être à l'origine des troubles.
En raison des restrictions imposées par le régime, les journalistes ne peuvent circuler librement et les informations sont difficiles à confirmer de source indépendante. Le scénario à Maaret al-Nouman rappelle celui en début de semaine de Jisr al-Choughour, ville meurtrie de la même région, quasi-désertée par ses 50’000 habitants après des violences qui, selon Damas, ont fait 120 morts parmi les policiers. Les opposants ont attribué ces décès à une mutinerie à leur QG.
Milliers de manifestants
Le pouvoir a soutenu que l'opération militaire dans le secteur de Jisr Al-Choughour, était "à l'appel des habitants", pour "arrêter les groupes armés qui ont mis le feu à des récoltes". Mais un témoin a déclaré à l'AFP que les forces militaires bombardaient des villages autour de Jisr al-Choughour en avançant vers la ville, et accusé les soldats d'avoir mis eux-mêmes le feu à des champs de blé.
C'est pour appeler à défendre cette localité que des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à l'appel de militants pro-démocratie à travers le pays, des régions kurdes du nord, aux villes du centre-est Deir Ezzor et Abou Kamal, en passant par la capitale Damas. Et le régime a une nouvelle fois répondu par la force, faisant trois morts à Damas, neuf dans la ville côtière de Lattaquié et deux dans la province de Deraa (sud), épicentre de la contestation, selon l'OSDH.
Ces agissements ont fait sortir de sa retenue habituelle le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, pourtant "un ami" du président syrien, qui a décrit comme une "atrocité" la répression chez son voisin. Alors que la Turquie a décidé de garder les frontières ouvertes, des milliers de Syriens, dont beaucoup originaires de Jisr al-Choughour, s'y sont réfugiés ces derniers jours.
Mitraillages par hélicoptères, tirs sur les cortèges funéraires ou les ambulanciers, ils ont livré des témoignages édifiants sur les méthodes employées selon eux par le régime. Un secouriste syrien, touché d'une balle au dos alors qu'il évacuait un blessé à Jisr al-Choughour, a affirmé sur son lit d'hôpital en Turquie avoir vu "des centaines" de blessés, ainsi que "dizaines de morts, peut-être 100".
Pressions américaines
Face à cette répression brutale, les Etats-Unis, qui ont imposé des sanctions directes à al-Assad, "continuent à chercher le moyen d'accentuer la pression" sur lui, a indiqué le porte-parole du département d'Etat. "Ce qui compte, c'est de lui faire comprendre que la pression s'accroît face à ses actes", a-t-il dit, après que le secrétaire américain à la Défense Robert Gates eut remis en cause "la légitimité" du président syrien.
La Russie, qui a un droit de veto à l'ONU, est contre une résolution sur la Syrie où la répression a fait plus de 1200 morts et entraîné l'arrestation d'au moins 10’000 personnes et la fuite de milliers d'autres depuis le 15 mars, selon des ONG.
agences/bkel
Dans les autres pays
Libye
Vingt personnes ont été tuées et plus de 80 blessées dans un violent bombardement vendredi de la région de Misrata, enclave rebelle dans l'ouest du pays, par les forces du régime de Mouammar Kadhafi, ont indiqué des rebelles sur place.
Selon l'un d'eux, contacté au téléphone, le bombardement aux roquettes Grad, à l'artillerie lourde et aux obus de chars ont touché notamment le secteur de Dafnieh dans la région de Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli. Ce secteur est situé à 35 km à l'est du centre-ville de Misrata.
Selon la rébellion, les forces pro-Kadhafi sont stationnées à une dizaine de kilomètres de Dafnieh. "Les insurgés ont réussi à repousser une attaque contre ce secteur", a dit le membre de la rébellion en faisant état de "morts et de blessés parmi les pro-Kadhafi".
Yémen
Des dizaines de milliers de personnes ont marché dans la capitale pour "un nouveau Yémen" débarrassé du président Ali Abdallah Saleh, hospitalisé en Arabie saoudite depuis samedi dernier. Sur le boulevard Sittine, la foule conduite par les "jeunes de la révolution" scandait "le peuple veut un nouveau Yémen" et "le peuple veut un Conseil présidentiel transitoire".
La marche a eu lieu après la prière du vendredi. Le puissant chef dissident des tribus Hached, cheikh Sadek al-Ahmar, s'est incliné devant les dépouilles de 41 de ses partisans morts dans les affrontements avec les forces de l'ordre autour de sa résidence le 3 juin à Sanaa.
A quelques kilomètres de là, plusieurs milliers de partisans du président Saleh se sont rassemblés sur la place Saabine pour lui exprimer leur fidélité. Ils brandissaient des portraits du chef de l'Etat et des banderoles proclamant leur allégeance.