Selon le rapport de l'ONU, en deux ans, le Pérou est devenu le premier producteur de feuilles de coca, la matière première, en tonnage (119'000), et à présent quasiment en surface (61'200 hectares). La Colombie (62'000 hectares), a divisé sa surface cultivée par trois en dix ans. Au Pérou, elle a grimpé de 48%.
Selon le chef de l'organisme antidrogue
péruvien Romulo Pizarro, la production de cocaïne au Pérou était
"évaluée" à 330 tonnes en 2010, soit moins que la Colombie (350 tonnes
selon l'ONUDC). Mais le Pérou n'a saisi que 30 tonnes en 2010, la Colombie plus
de 100.
"En Colombie, les deux derniers gouvernements ont compris ce que
l'on n'a pas compris ici: le trafic de drogue est un problème très grave pour
la sécurité intérieure, la gouvernance, l'économie", estime Ruben Vargas,
expert péruvien en drogue et sécurité.
Guerre au narcotrafic
Une "guerre"
pourtant est livrée au Pérou. Dans les vallées de l'Apurimac et de l'Ene, 4000
soldats et policiers jouent au chat et à la souris avec des centaines de
guérilleros du Sentier lumineux impliqués dans le trafic de drogue. Ces
derniers sont qualifiés de "narcoterroristes" par les autorités.
"Le Sentier lumineux est confiné sur environ 4000 km2, il opère sur un terrain difficile, très accidenté, qui complique la tâche des forces armées", explique à l'AFP le général Luis Howell, chef d'état-major interarmes. Au moins, assure-t-il, la présence militaire garantit "paix et sécurité" dans les villes de la région. Mais ce "confinement" a valeur d'échec : une soixantaine de militaires ou policiers tués dans des accrochages en trois ans, une culture de la coca qui continue de s'étendre. Le Pérou perd-il la guerre, ou se trompe-t-il de guerre ?
Le
président péruvien sortant Alan Garcia s'est justifié. Pour lui "c'est de
la faute (des Etats-Unis) car ils ont mis tout l'argent en Colombie pour le
Plan Colombie (contre le trafic), mais n'ont rien investi au Pérou".
Une lutte complexe
Pour Hugo Cabieses, économiste spécialiste de la drogue et
conseiller du président élu Ollanta Humala, l'erreur est justement "de
voir le trafic uniquement comme un problème de sécurité, comme une guerre. Cela
empêche une politique intégrée", qui inclut aussi un fort investissement
de l'Etat dans des régions parmi les plus sous-développées du Pérou.
Un doute
pourtant entoure le futur président Humala. Les liens avérés de son parti
nationaliste de gauche avec le monde des cultivateurs de coca paraissent
suspects à certains. Au pérou, la culture de coca est légale, à hauteur de 9000
tonnes. La plante sert à des usages rituels ou médicinaux: propriétés
digestives, cicatrisantes, diurétiques, stimulantes pour la circulation
sanguine, voire anesthésiantes entre autres.
"Certains se
demandent pourquoi il n'y pas tant de violences liées à la drogue au Pérou.
C'est simple: parce que nous n'avons pas affronté le trafic de drogue",
assène l'expert Ruben Vargas pour qui "c'est facile d'être trafiquant au
Pérou". "Quand on l'affrontera vraiment, les saisies
augmenteront", pense-t-il. Et d'ajouter que la corruption joue déjà à
plein. "Pourquoi croyez-vous qu'on ne saisit que 10% de la cocaïne
produite?"
afp/cab