Des opposants réunis à Damas ont affirmé lundi à l'issue d'une réunion leur "soutien au soulèvement populaire qui veut passer à la démocratie", appelant dans le même temps à la fin de l'option sécuritaire", dans une allusion à la répression sanglante de la contestation.
"Nous soutenons le soulèvement populaire pacifique dont l'objectif est de passer à un Etat démocratique, civil, et multipartite qui garantit les droits et la liberté de tous les citoyens syriens", ont affirmé des opposants dans un communiqué lu par l'un d'eux.
Le communiqué a appelé à "la fin de l'option sécuritaire et au retrait des forces de sécurité des villages et villes", ainsi qu'à la formation d'une "commission d'enquête indépendante sur les assassinats perpétrés contre les manifestants et des éléments de l'armée syrienne".
L'hymne national a lancé la réunion
A l'ouverture de la réunion vers 09H30 GMT, les participants ont entonné l'hymne national et observé une minute de silence pour "les martyrs civils et militaires" tombés depuis le début du mouvement, le 15 mars.
En un peu plus de trois mois, 1342 civils ont été tués et 343 policiers et soldats, selon le dernier bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.
Plus de 100 opposants non affiliés à des partis sont réunis pour une journée dans un hôtel de Damas afin de trouver une issue à la crise.
"Il y a deux chemins, le premier clair et non négociable qui va vers une transition pacifique vers un régime démocratique et qui sauvera notre peuple et notre pays. Il y a un autre chemin qui conduit vers l'inconnu et détruira tout le monde", a affirmé l'opposant Mounzer Khaddam, le président de la réunion, dans une allocution.
"La Syrie pour tous"
"Nous faisons partie du peuple et nous avons opté pour le premier chemin avec le peuple. Ceux qui refusent de le prendre iront en enfer", a-t-il ajouté. "Le régime tyrannique qui est au pouvoir doit disparaître", a martelé de son côté l'écrivain Louaï Hussein, ajoutant : "Il faut établir un régime démocratique fondé sur la citoyenneté et les droits de l'Homme".
Les participants, réunis sous le slogan "La Syrie pour tous à l'ombre d'un Etat démocratique civil", tentent de parvenir à "une vision sur la manière de mettre fin à la tyrannie et pour une transition pacifique vers l'Etat espéré", a encore déclaré M. Hussein, détenu de 1984 à 1991 pour son appartenance au Parti de l'action communiste (interdit).
"Nous sommes là pour nous exprimer d'une manière libre et sans limites (...) Demain (...), le système politique va peut-être tomber et nous devons dès à présent oeuvrer pour empêcher la société de s'écrouler", a-t-il dit.
Opposants contestés à l'extérieur du pays
L'écrivain et opposant Michel Kilo -qui a purgé une peine de trois ans de prison pour avoir signé une déclaration contestée par le régime- a, quant à lui, estimé que "la solution sécuritaire (adoptée par les autorités) entraînerait "la destruction de la Syrie".
"Le régime politique actuel doit disparaître au niveau structurel", car "le pouvoir doit être le produit de la société et non l'inverse", a-t-il également jugé. C'est la première fois depuis le début de la révolte que des opposants se réunissent ainsi au grand jour à Damas, selon l'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni, qui a précisé que la rencontre n'incluait "pas de partis de l'opposition".
Cette réunion a été contestée par des opposants se trouvant à l'extérieur de la Syrie, qui ont accusé les participants d'être "manipulés par le régime". "Nous n'avons pas de liens avec les opposants à l'extérieur. Nous aussi nous nous interrogeons sur leurs objectifs. Ceux qui s'étaient réunis à Antalya en Turquie et à Bruxelles ont repris des opinions similaires à celles de pays occidentaux qui n'oeuvrent pas en faveur de la Syrie", a répliqué le journaliste et écrivain Nabil Saleh.
Chute versus réformes
Le régime doit pouvoir bénéficier de temps "pour mettre en oeuvre les réformes" annoncées par le président Assad, a-t-il dit, précisant : "Il y a des opposants qui souhaitent un changement partiel, d'autres veulent un changement complet".
La réunion rassemble des opposants qui souhaitent la chute du régime et d'autres qui réclament simplement des réformes.
Le 20 juin, le président Assad avait proposé un "dialogue national qui pourrait aboutir à des amendements à la Constitution ou à une nouvelle Constitution". Il avait évoqué notamment la possibilité d'"amender" la clause 8 qui fait du parti Baas, au pouvoir depuis 1963, "le dirigeant de l'Etat et de la société". Mais le chef d'Etat avait rejeté la mise en oeuvre de réformes "à travers le sabotage et le chaos".
agences/olhor
BACHAR AL-ASSAD APPELLE A DES CONSULTATIONS LE 10 JUILLET
Le régime du président syrien Bachar al-Assad, confronté à un mouvement de contestation sans précédent, a appelé des opposants et des intellectuels à des consultations le 10 juillet prochain, rapporte l'agence de presse officielle Sana.
400 étudiants jugés pour sabotage
Quelque 400 étudiants arrêtés à Alep (nord), deuxième ville de Syrie, ont été déférés devant la justice, accusés d'avoir commis des "actes de sabotage" et d'avoir proféré des "insultes contre le président", a indiqué lundi un militant des droits de l'Homme.
"Quatre cents étudiants ont été déférés hier (dimanche) devant la justice. Ils avaient été arrêtés la semaine dernière dans la Cité universitaire d'Alep par des agents de sécurité", a expliqué Radif Moustapha, président du Comité kurde des droits de l'Homme.
Ils sont accusés d'avoir violé la loi en organisant "des manifestations provoquant le désordre, d'avoir proféré des insultes contre le président et d'avoir scandé des slogans susceptibles de nuire à la sécurité nationale", a-t-il précisé.
Les Etats-Unis saluent la réunion publique
Les Etats-Unis ont qualifié lundi d'"événement important" la réunion publique sans précédent organisée à Damas par des opposants syriens.
"C'est un événément important, la première réunion de ce genre depuis des décennies", a souligné la porte-parole de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, affirmant par ailleurs que plusieurs des opposants étaient en contact avec l'ambassade des Etats-Unis en Syrie.
Alors que plusieurs parlementaires américains réclament désormais le rappel de Robert Ford, l'ambassadeur des Etats-Unis à Damas, Mme Nuland a maintenu que le diplomate "fait du travail utile à Damas et en Syrie".