Goran Hadzic a été arrêté à 8h24 près de Belgrade, a annoncé le président Boris Tadic. L'arrestation, fruit de trois années de travail intensif, a eu lieu dans une forêt près du village de Krusedol, dans la région de la Fruska Gora, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Belgrade, a précisé le procureur serbe pour les crimes de guerre, Vladimir Vukcevic.
Ce dernier a indiqué que Goran Hadzic était armé d'un pistolet mais n'avait pas opposé de résistance. "Un contact qui lui apportait de l'argent a également été interpellé. Il avait des contacts avec des personnes de l'Eglise orthodoxe serbe", a ajouté le procureur.
L'enquête pour le retrouver a progressé lorsque Goran Hadzic s'est retrouvé à court d'argent, ayant échoué à vendre un tableau de Modigliani, probablement récupéré pendant la guerre en Croatie. Le tableau a été retrouvé en décembre 2010.
Centaines de civils tués
La justice internationale a inculpé Goran Hazdic, 52 ans, en juillet 2004 de 14 chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Avant ce moment, Goran Hadzic avait vécu sans se cacher dans la ville de Novi Sad, dans le nord de la Serbie. Le TPIY lui reproche son implication présumée dans les meurtres de centaines de civils croates et la déportation de dizaines de milliers de Croates et autres non-Serbes par les troupes serbes pendant la guerre de Croatie (1991-1995).
Goran Hadzic a été l'éphémère "président" de la "République serbe de Krajina" pendant la guerre en Croatie, qui représentait un tiers environ du territoire de la Croatie. Son nom reste notamment lié au massacre de l'hôpital de Vukovar (est de la Croatie) en novembre 1991, au cours duquel 264 civils, Croates et autres non-Serbes, qui s'y étaient réfugiés avaient été exécutés par les forces serbes après avoir été torturés.
Goran Hadzic a comparu en début d'après-midi devant le Tribunal spécial serbe pour les crimes de guerre à Belgrade, qui lui a signifié que les conditions étaient réunies pour son transfert à la Haye. L'inculpé dispose toutefois de trois jours pour faire appel, même si son avocat, Toma Fila, a écarté cette possibilité.
Satisfaction à Bruxelles
L'arrestation de Goran Hadzic a suscité de nombreuses réactions de félicitations, en particulier de la part des Européens. Ceux-ci insistaient en effet depuis des années pour que Belgrade mène à son terme sa coopération avec le TPIY. La Serbie peut désormais se targuer d'avoir arrêté les 44 inculpés que réclamait le Tribunal de la Haye. Goran Hadzic ferme également la liste des 161 inculpés que réclamait le TPIY pour leur rôle pendant les guerres qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie pendant les années 90.
Dans un communiqué commun, les présidents de l'UE, Herman Van Rompuy, de la Commission, José Manuel Barroso, et la cheffe de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, ont salué "avec force l'arrestation de Goran Hadzic".
"Il s'agit, ont-ils ajouté, d'un pas supplémentaire important de la Serbie vers la réalisation de sa perspective européenne", le terme habituellement employé pour parler de l'adhésion à terme à l'UE. Belgrade espère obtenir à la fin de l'année le statut de candidat, ainsi qu'une date pour l'ouverture des négociations d'adhésion.
Carla del Ponte satisfaite
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et la Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, ont tous deux salué cette arrestation, tout comme Washington, Londres, Paris et Berlin. Le procureur du TPIY, Serge Brammertz, s'en est également félicité.
"Tous mes actes d'accusation ont été suivis d'effet", s'est également réjouie Carla Del Ponte, ex-procureure du TPIY, interrogée au 19:30 de la Télévision suisse romande. Tous les inculpés "auront leur procès et les faits sont avérés", a-t-elle dit.
En Croatie, directement intéressée, le président Ivo Josipovic et la première ministre Jadranka Kosor ont salué l'événement. Le maire de Vukovar, Zeljko Sabo, a lui parlé de "grande nouvelle" pour sa ville, perçue comme le symbole des horreurs que la Croatie à traversées.
L'arrestation de Goran Hadzic intervient moins de deux mois après celle de l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic. Ce dernier est inculpé pour génocide par le TPIY pour son rôle pendant la guerre de Bosnie (1992-1995).
ats/vkiss
L'acte d'accusation contre Hadzic
Selon l'acte d'accusation de Goran Hadzic devant le TPIY, l'objectif de ce Serbe né en Croatie était "l'expulsion définitive d'une majorité de la population croate et non-serbe d'environ un tiers du territoire de la République croate", notamment par le transfert forcé de plus de 27.000 civils. "Il a ouvertement épousé et encouragé la création par la violence d'un Etat serbe homogène" sur des territoires du sud et de l'est de la Croatie occupés par les séparatistes serbo-croates, poursuit l'acte d'accusation.
Il doit répondre de quatorze chefs de crimes contre l'humanité et crimes de guerre pour "l'extermination et le meurtre", mais aussi "la détention prolongée" dans des "conditions inhumaines" de centaines de civils croates et non-serbes. "Les conditions de vie dans ces camps de détention étaient brutales et caractérisées par des traitements inhumains, la surpopulation, la faim, le travail forcé" mais aussi "la torture, des coups et agressions sexuelles", selon l'acte de accusation.
Le texte mentionne notamment la responsabilité de Goran Hadzic dans le massacre de l'hôpital de Vukovar, au cours duquel 264 civils qui s'y étaient réfugiés ont été tués après avoir été emmenés dans les environs de la ville par l'armée fédérale yougoslave (JNA) et les troupes sécessionnistes serbes.