Norvégien et âgé de 32 ans, cheveux blonds et yeux bleus, Anders Behring Breivik a préparé depuis 2009 l'opération qui s'est soldée par la mort d'au moins 93 personnes, 97 blessés et un nombre indéterminé de disparus, selon un bilan provisoire de la police. Il "reconnaît les faits mais il ne reconnaît pas sa responsabilité criminelle", a déclaré à la presse le commissaire de la police d'Oslo Sveinung Sponheim.
Un manifeste de 1500 pages
"Lors des interrogatoires, il a dit qu'il était seul", a-t-il ajouté. "Nous allons tenter de vérifier cela à travers notre enquête", a dit le responsable alors que selon des témoins de la tuerie sur l'île d'Utoeya il y aurait eu "un ou plusieurs" tireurs.
Peu avant de passer à l'acte, il a diffusé sur internet un manifeste de 1500 pages, truffé de diatribes islamophobes et antimarxistes, rédigé en anglais sous le nom d'Andrew Berwick, et intitulé "A European Declaration of Independence - 2083". Il y évoque "l'usage du terrorisme comme un moyen d'éveiller les masses".
Sur la foi des informations qu'il a mises en ligne sur internet, la police l'a décrit comme un "fondamentaliste chrétien" de droite, sans vouloir se prononcer sur d'éventuelles motivations politiques. "Il considère que c'était cruel de devoir mener ces actions mais que, dans sa tête, c'était nécessaire", a déclaré pour sa part l'avocat du suspect, Geir Lippestad, aux médias norvégiens dans la nuit de samedi à dimanche.
Vidéo islamophobe et anti-marxiste
Outre le manifeste, Behring Breivik a publié une longue vidéo sur Youtube, montrant sa farouche hostilité à l'islam, au marxisme et au multiculturalisme. A la fin de ce document, le suspect apparaît sur trois photos, dont l'une le montre en position de tir avec un fusil d'assaut. Publiée le jour des attaques, la vidéo décrit l'islam comme "la principale idéologie génocidaire". "Avant de commencer notre Croisade, nous devons faire notre devoir en décimant le marxisme culturel", est-il également écrit:
Le Parti du Progrès (FrP), une formation de la droite populiste norvégienne, a annoncé que le suspect avait adhéré au parti de 1999 à 2006. Selon la fondation Expo, un observatoire des groupes d'extrême droite basé à Stockholm, le suspect avait été inscrit en 2009 sur un forum extrémiste suédois sur internet. Baptisé Nordisk, ce forum créé en 2007 déclare défendre "l'identité, la culture et les traditions nordiques".
Sur son profil sur Facebook, Behring Breivik se décrit comme "conservateur", "chrétien", célibataire, intéressé par la chasse et par des jeux vidéo de guerre. L'homme vivait dans un quartier aisé à l'ouest d'Oslo. Selon un voisin, Emile Finneruo, qui dit avoir été en classe avec lui, "c'est le type classique, blanc, de la classe moyenne, le Norvégien bien propre sur lui, personne ne peut le suspecter".
La police bredouille
Dimanche matin, la police a lancé une opération dans le quartier de Sletteloekka, à environ 8 kilomètres au nord-est du centre d'Oslo, en lien avec l'enquête, a indiqué un porte-parole à l'AFP. L'opération s'est terminée en début d'après-midi et n'a donné aucun résultat. "Aucun explosif n'a été trouvé" et "les personnes interpellées ont été relâchées", a indiqué la police. Selon des témoignages de voisins, six personnes avaient été interpellées dans une bâtisse au fond d'un parking.
Le responsable présumé de l'explosion d'une bombe de forte puissance dans le centre d'Oslo et du massacre à l'arme à feu commis ensuite sur l'île d'Utoeya à une quarantaine de kilomètres de là a été longuement entendu par la police. Les enquêteurs refusent cependant de fournir tout élément sur ses motivations et son état d'esprit. Il sera présenté devant un juge lundi pour une décision sur son placement en détention provisoire, selon la police.
Peine de mort réclamée
En Norvège, où la peine maximale prévue par le code pénal est de 21 ans, des voix se sont élevées, sur internet, pour réclamer le rétablissement de la peine de mort. Lors de la fusillade qui a duré 90 minutes interminables, le suspect déguisé en policier et en possession de deux armes à feu a tiré sur un rassemblement de quelque 600 jeunes du parti travailliste, réunis sur Utoeya pour un camp d'été.
Selon plusieurs témoignages, il appelait les jeunes à venir à lui, affirmant qu'il voulait les protéger puis ouvrait le feu sur ceux qui s'approchaient. Il a aussi tiré sur les personnes qui tentaient de s'enfuir à la nage, achevant les blessés et ciblant également les tentes dans lesquelles les adolescents campaient. Le carnage, qui a suscité une vague d'indignation et de compassion à travers le monde, a débuté par un attentat à la voiture piégée dans le quartier des ministères à Oslo, qui a fait sept morts et neuf blessés graves.
afp/bkel
La police répond aux critiques
Les difficultés dues à un bateau défectueux utilisé par la police et la décision d'attendre une unité spéciale venant d'Oslo, à 45 km de là, ont retardé l'intervention des forces de l'ordre sur l'île de Norvège où a eu lieu la fusillade.
"Lorsqu'un grand nombre de personnes et du matériel se sont retrouvés sur l'embarcation, elle a commencé à prendre l'eau, et son moteur s'est arrêté", a expliqué Erik Berga, chef des opérations de police dans le secteur de Buskerud. "L'embarcation était trop petite", a-t-il dit, en faisant allusion au bateau qu'ont emprunté les policiers pour se rendre de Hoenefoss, sur la rive du lac, jusqu'à l'île d'Utoya, où le massacre était en cours.
Le tireur, un Norvégien de 32 ans, a eu une heure devant lui avant l'arrivée des policiers, ont déclaré des officiers de police, dimanche, révisant à la baisse la durée d'une heure trente évoquée samedi. Sissel Hammer, chef des services de police de Hoenefoss, a dit comprendre pourquoi certains "pensent qu'il a fallu trop longtemps à la police pour intervenir", mais elle a assuré que les agents avaient fait aussi vite qu'ils pouvaient.
"Je demande à ce que l'on comprenne qu'il faut du temps pour dépêcher une unité spéciale", a-t-elle dit. "Les agents doivent être avertis, doivent revêtir leur tenue pare-balles, s'armer et partir". Sveinung Sponheim, chef de la police d'Oslo, a défendu le choix de venir par la route plutôt qu'en hélicoptère. "Il était plus rapide de venir en voiture", a-t-il dit, "car nous aurions dû faire venir un hélicoptère d'une base située au sud d'Oslo et cela aurait pris plus de temps".