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Violents heurts au Caire: plus de 200 blessés

Le centre du Caire a été secoué par des heurts une bonne partie de la nuit.
Le centre du Caire a été secoué par des heurts une bonne partie de la nuit.
De violents affrontements entre des manifestants qui réclamaient des réformes et des partisans des militaires au pouvoir ont éclaté samedi au Caire. Ces heurts, qui ont duré une bonne partie de la nuit, ont fait plus de 200 blessés.

Les heurts ont commencé quand un millier de manifestants ont tenté de se rendre devant le ministère de la Défense et siège du Conseil suprême des forces armées, en scandant "à bas le pouvoir militaire".

La police militaire les a bloqués et a tiré en l'air pour tenter de les disperser. Des heurts violents avec jets de pierres et de cocktails molotov ont suivi en début de soirée entre les manifestants et des civils favorables à l'armée. Les manifestants pro-réformes se sont retrouvés coincés entre les soldats et la police anti-émeute d'un côté, et les partisans de l'armée en civil de l'autre. Les militaires ne sont pas intervenus.

La place Tahrir occupée

Une personne s'est emparée du microphone d'une mosquée voisine pour presser l'armée de "protéger les manifestants". Un responsable militaire a en revanche assuré sur la télévision d'Etat que "les forces armées ont réagi avec retenue" face à des manifestants qui l'ont "attaquée en lançant des pierres et des bouteilles".

Selon le ministère de la Santé 231 personnes ont été blessées, dont 39 ont dû être transportées à l'hôpital. Les manifestants ont finalement abandonné les lieux pour retourner sur la place Tahrir, dans le centre-ville, qu'ils occupent depuis une quinzaine de jours.

L'armée critiquée

Quelques heures plus tôt, le maréchal Hussein Tantaoui, à la tête du CSFA, a une nouvelle fois promis de créer les "piliers d'un Etat démocratique défenseur de la liberté et des droits de ses citoyens". Il a promis "des élections parlementaires libres et justes, une nouvelle Constitution et l'élection d'un président choisi par le peuple".

Malgré ses déclarations répétées en faveur de la démocratie et le soutien populaire dont elle a bénéficié pendant le soulèvement de janvier et février, l'armée est aujourd'hui de plus en plus critiquée.

Transition à l'arrêt

Six mois après le début du soulèvement qui a renversé Hosni Moubarak, la transition égyptienne reste incertaine. Elle est ballottée entre une démocratisation promise mais encore en pointillés, et la possibilité de voir un système autoritaire perdurer sous une autre forme.

L'armée qui a pris les commandes subit l'usure du pouvoir: adulée il y a six mois, elle est aujourd'hui suspectée de freiner les changements, de perpétuer les méthodes répressives d'autrefois et de vouloir s'incruster à la tête du pays.

Des dizaines de procès sont en cours contre des membres de l'ancien pouvoir, et celui de l'ex-président Hosni Moubarak et ses deux fils doit s'ouvrir le 3 août. Mais la justice donne aussi le sentiment d'être lente et opaque.

En outre, des élections législatives sont annoncées pour l'automne. Mais les Frères musulmans apparaissent comme la force la mieux organisée. Et dans les provinces les réseaux clientélistes de l'ancien pouvoir pourraient refaire surface.

afp/boi

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L'avis d'un expert

L'armée, et le gouvernement sous sa tutelle, "pilotent à vue", entre la volonté de stabiliser le pays et les pressions de Tahrir, estime Denis Bauchard, spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales.

Le processus de démocratisation sera "lent, complexe, progressif et émaillé de turbulences", ajoute-t-il dans une étude sur cette "révolution inachevée".

Malgré tout, "de cette incertitude se dégage le sentiment que rien ne sera comme avant. La révolution du 25 janvier a libéré la parole et ouvert les vannes d'une contestation qui s'exerce non seulement au niveau politique, mais également au niveau social", note-t-il.