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L'hommage massif aux Norvégiens sacrifiés

25 juillet 2011: la "Marche aux roses" rassemble des dizaines de milliers de personnes en hommage aux victimes dans les rues d'Oslo. [KEYSTONE - Erlend Aas]
Plus de 100'000 Norvégiens ont rendu hommage à Oslo aux victimes du double carnage, une rose à la main. - [KEYSTONE - Erlend Aas]
Plus de 100'000 personnes ont participé lundi en soirée à Oslo à une veillée d'hommage aux 76 victimes. L'auteur présumé du carnage de vendredi en Norvège a été placé en détention provisoire pour une période renouvelable de 8 semaines, dont quatre en isolement total, après sa première comparution à huis clos devant la justice.

Dans la soirée, entre 100'000 et 150'000 personnes ont conflué dans le centre d'Oslo, une ville de 600'000 habitants, pour une gigantesque veillée d'hommage aux victimes des attaques, selon les estimations de la police et des médias norvégiens.

"Ce soir, les rues sont remplies d'amour", a déclaré le prince héritier Haakon devant l'immense foule massée au bord du fjord de la capitale norvégienne. Lui succédant à la tribune, le Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg a lancé: "Le mal peut tuer une personne, mais il ne peut tuer un peuple", en appelant à ce qu'il n'y ait "jamais plus de 22 juillet".

Les participants à cette "marche aux fleurs" avaient commencé à affluer après un appel au rassemblement également suivi dans plusieurs autres villes norvégiennes. La marée humaine a plusieurs fois brandi ses roses vers le ciel en hommage aux victimes, pour l'essentiel des jeunes. La foule s'est dispersée après avoir chanté l'hymne national norvégien.

Minute de silence

Drapeaux en berne, la Norvège avait auparavant honoré la mémoire des victimes en observant une minute de silence entre 12h00 et 12h01 (entre 10h00 et 10h01 GMT), imitée par les autres pays nordiques (Finlande, Islande, Suède et Danemark) et les institutions européennes.

L'heure était à l'incompréhension dimanche en Norvège. [Cathal McNaughton]
L'heure était à l'incompréhension dimanche en Norvège. [Cathal McNaughton]

Alignés sur le parvis de l'université d'Oslo, tout de noir vêtus, le roi Harald, son épouse la reine Sonja, arrivés sous les applaudissements de la foule, et le Premier ministre se sont figés aux douze coups de midi. Seul le cri des mouettes est venu rompre le silence. "Nous sommes un petit pays, mais nous sommes un peuple fier", avait déclaré dimanche Jens Stoltenberg, assurant que la Norvège "n'abandonnera jamais ses valeurs".

Dans une interview à la BBC, le Premier ministre a répété lundi que la Norvège resterait attachée aux valeurs de l'ouverture et de la démocratie, mais il a reconnu qu'elle serait à jamais changée par la tragédie du 22 juillet. "Je pense que la Norvège va changer. Il y aura un avant et un après", a déclaré Jens Stoltenberg.

A l'université d'Oslo, un cahier de condoléances a été ouvert en mémoire des victimes, principalement des jeunes du camp d'été d'Utoya. A Berne, l'ambassade de Norvège a également ouvert un livre de condoléances.

Huis clos

Lors de sa comparution à huis clos, qui a duré 40 minutes, Anders Behring Breivik a reconnu avoir perpétré les attaques qui ont fait 76 morts, selon un bilan révisé encore provisoire.

Il sera en détention provisoire pour une période renouvelable de huit semaines, dont quatre en isolement total, conformément aux recommandations de la police, a annoncé le tribunal d'Oslo. Pendant l'audience, le suspect a reconnu les faits sans toutefois plaider coupable et a dit vouloir défendre son pays et l'Europe contre l'islam et le marxisme, a déclaré le juge Kim Heger à la presse.

Anders Behring Breivik, qui a reconnu avoir perpétré le carnage qui a fait 76 morts vendredi en Norvège. [GBAPTN /GBRTV]
Anders Behring Breivik, qui a reconnu avoir perpétré le carnage qui a fait 76 morts vendredi en Norvège. [GBAPTN /GBRTV]

Il a ajouté que le suspect avait déclaré que les attaques ne visaient pas à faire le maximum de victimes.

Cette comparution s'est déroulée à huis clos conformément aux voeux de la police. "Il y a des informations concrètes qui indiquent qu'une audience publique, en présence du suspect, est susceptible de déclencher une situation extraordinaire et extrêmement délicate eu égard à l'enquête et à la sécurité", a expliqué le juge Kim Heger pour justifier sa décision.

Le juge Kim Heger a suivi l'opinion de la police alors que le suspect, lui, voulait expliquer devant le public et les médias les raisons qui l'avaient amené à commettre l'attentat à la bombe contre le siège du gouvernement à Oslo (8 morts) et le massacre de 68 personnes sur l'île d'Utoya, à 30 km de la capitale.  (Voir le récit minute par minute de la tuerie d'Utoya: Double attaque en Norvège).

Le suspect harangué

Une foule importante de journalistes et d'anonymes se sont rassemblés devant le tribunal où est entendu le forcené. [KEYSTONE - Britta Padersen]
Une foule importante de journalistes et d'anonymes se sont rassemblés devant le tribunal où est entendu le forcené. [KEYSTONE - Britta Padersen]

Les images de la chaîne de télévision TV2 ont montré un cortège de véhicules de police, comprenant deux Mercedes blindées noires, quittant le tribunal, gyrophares allumés. On y voit brièvement un homme aux cheveux ras et vêtu de rouge qui semble être le suspect.

Selon l'agence NTB, Anders Behring Breivik est arrivé au tribunal en empruntant une entrée située derrière le tribunal. Des personnes situées à proximité s'en sont pris au véhicule, une Mercedes blindée selon les médias, en criant "traître" et "salaud d'assassin".

L'avocat du suspect, Geir Lippestad, est quant à lui entré par la porte principale, se frayant difficilement un passage parmi les nombreux journalistes attroupés sur place.

Deux demandes refusées

L'avocat du forcené avait indiqué dimanche soir que celui-ci souhaitait pour sa part une audience publique et comparaître en uniforme. "Il a deux souhaits: le premier est que l'audience soit publique et le second est qu'il puisse être vêtu d'un uniforme", a déclaré l'avocat, Geir Lippestad, à la télévision NRK. Ces deux demandes lui ont été refusées.

Cette photo d'Anders Behring Breivik provient d'une page de discussion intitulée "2083 - Une déclaration européenne d'indépendance" sur le site www.freak.no. [Reuters - � Ho New / Reuters]
Cette photo d'Anders Behring Breivik provient d'une page de discussion intitulée "2083 - Une déclaration européenne d'indépendance" sur le site www.freak.no. [Reuters - � Ho New / Reuters]

A l'heure actuelle, Anders Behring Breivik, 32 ans, a le statut de suspect et, selon le système judiciaire norvégien, ne pourra être inculpé qu'à l'issue de l'enquête policière. Grand blond aux cheveux courts, Behring Breivik a affirmé avoir opéré seul lors de ses auditions par la police mais il a évoqué l'existence de "deux autres cellules", a précisé un greffier du tribunal dans une conférence de presse qui a suivi l'intervention du juge.

Un manifeste de 1500 pages

Juste avant la tuerie, Behring Breivik a diffusé sur l'internet un manifeste de 1500 pages dans lequel il se présente comme un croisé engagé dans une lutte contre l'islam et le marxisme.

Dans ce manifeste rédigé en anglais et intitulé "A European Declaration of Independence - 2083", il explique avoir décidé de passer à l'acte dès l'automne 2009, détaillant par avance son modus operandi. Il évoque "l'usage du terrorisme comme un moyen d'éveiller les masses".

La police a annoncé que Behring Breivik avait été signalé aux services de sécurité norvégiens en mars, sur un renseignement faisant état d'un achat modique dans une entreprise polonaise vendant des produits chimiques, mais que le fait était trop anodin pour y donner suite.

La famille royale touchée

Le demi-frère de la princesse Mette-Marit de Norvège a été tué dans les attaques de vendredi en Norvège, a annoncé le palais royal, confirmant des informations de presse. Il figure parmi les 68 personnes victimes de la fusillade ciblant un rassemblement de jeunes sur l'île d'Utoeya.

Policier de profession mais n'étant pas en service au moment des faits, Trond Berntsen, 51 ans, a tenté d'arrêter le tireur, Anders Behring Breivik, après avoir mis son propre fils en sécurité, selon le journal "Verdens Gang" (VG), qui cite des témoins. "Mais le tireur de 32 ans n'a pas hésité une seconde dans son entreprise meurtrière et a tué le policier qui n'était pas armé".

Trond Bernsten était le fils du second époux de la mère de Mette-Marit, elle-même devenue princesse en 2001 après son mariage avec le prince héritier Haakon.

agences/boi/olhor

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"Il aurait dû se donner la mort"

Anders Behring Breivik, qui a reconnu avoir perpétré le carnage qui a fait 76 morts vendredi en Norvège, aurait dû se suicider plutôt que de tuer d'autres gens, a estimé son père dans une interview diffusée lundi par la chaîne TV2.

"Je pense que ce qu'il aurait dû finir par faire, c'était de se donner la mort plutôt que de tuer tant de personnes", a déclaré Jens Breivik, depuis le village de Cournanel, dans le sud de la France, où il passe sa retraite.

Ancien diplomate, Jens Breivik, 76 ans, n'a plus de contacts avec son fils depuis plus d'une quinzaine d'années. "Je n'aurai plus jamais de contacts avec lui", a affirmé Jens Breivik, interviewé de dos sur sa terrasse, avec des gendarmes postés tout autour.

Alors que la journaliste relève que ses propos sur le suicide de son fils sont très forts, il répond: "oui, ça l'est". "Mais quand je repense à ce qui s'est passé, ça me désespère. Je ne comprends toujours pas comment quelque chose de pareil pouvait se produire. Une personne normale ne peut pas faire ça", ajoute-t-il.

"Je ressens de la honte et de la peine pour ce qui s'est produit", dit-il. "Je voudrais pouvoir faire quelque chose pour (les proches des victimes, ndlr) mais je suis ici, désemparé".

A la question de savoir s'il pense que son fils est mentalement dérangé, le septuagénaire répond: "Il doit l'être. Il n'y a pas d'autre façon pour expliquer cela".

Dans le manifeste de 1500 pages qu'il a posté sur internet le jour du carnage, Anders Behring Breivik évoque notamment ses rapports avec sa famille. Il y explique que ses parents ont divorcé alors qu'il n'avait qu'un an et qu'il a grandi avec sa mère.

"J'avais une bonne relation avec lui et sa nouvelle femme à l'époque (..) jusqu'à l'âge de 15 ans", dit-il, ajoutant ne plus lui avoir parlé depuis lors "parce qu'il s'est isolé".

"Il a quatre enfants mais a rompu le contact avec les quatre, c'est donc assez clair à qui incombe la faute. Je ne lui en veux pas mais certains de mes demi-frères et soeurs, si", poursuit-il.

"Le truc, c'est qu'il n'a pas le sens des relations humaines. J'ai essayé de le contacter il y a cinq ans mais il a dit qu'il n'était pas prêt mentalement à des retrouvailles pour différentes raisons, dont sa mauvaise santé", dit-il.

L'UE démunie face aux "explosifs maison"

Une série de propositions ont été soumises aux gouvernements européens pour limiter les ventes d'armes et les produits chimiques pouvant servir à des "explosifs maisons". Mais, faute d'accord, elles ne sont jamais entrées en vigueur, a déploré lundi la Commission européenne.

"Les compromis se trouvent plus facilement après des événements choquants comme ceux qui se sont produits en Norvège", a regretté Michele Cercone, porte-parole de la commissaire en charge des Affaires européennes Cecilia Malmström.

La Commission européenne a proposé fin 2010 de limiter la vente de certains produits chimiques actuellement commercialisés dans les grandes surfaces et utilisés par les terroristes pour fabriquer des engins explosifs artisanaux, mais tout aussi meurtriers que des explosifs conventionnels.

Les "bombes maisons" utilisent des produits chimiques accessibles au grand public, notamment le nitrate d'ammonium et le peroxyde d'hydrogène ou eau oxygénée, avait à l'époque souligné Cecilia Malmström au cours d'une conférence de presse. Le nitrate d'amonium tiré d'engrais agricoles, associé au fioul, compose un puissant explosif.

Ces substances sont présentes à faibles dosages pour les shampooings, les désinfectants, les désherbants, les détergents, les produits pour laver les lentilles oculaires, et sont donc en vente dans toutes les drogueries de l'UE.