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Le récit minute par minute de la fusillade d'Utoya

La fusillade sur l'île d'Utoya a duré environ 1h30.
La fusillade sur l'île d'Utoya a duré environ 1h30.
A l'aide de témoignages des rescapés et de riverains et des informations données par la police, il est maintenant possible d'établir le récit minute par minute des heures de terreur vécues sur l'île norvégienne d'Utoya, où un homme a ouvert le feu vendredi, faisant 68 victimes selon un dernier bilan de la police.

15h26-16h50: L'arrivée à Utoya du forcené

12h51: le tireur présumé, après avoir publié sur Internet un long "manifeste" expliquant ses motivations et une vidéo de 12 minutes, poste ce commentaire: "Je pense que ceci sera ma dernière entrée. Nous sommes maintenant le vendredi 22 juillet, 12h51."

15h26: une forte explosion retentit au coeur de la capitale Oslo, non loin du siège du gouvernement, faisant sept victimes.

15h30: au troisième jour de leur université d'été, quelque 600 militants du mouvement de jeunesse du Parti travailliste réunis sur l'île d'Utoya, à 30 km de là, commencent à entendre les premières informations sur l'explosion qui vient de secouer le quartier des ministères.

16h30: les images de destruction et de mort d'Oslo poussent les jeunes militants à se réunir de façon informelle à la cafétéria ou sur les berges de l'île. Ceux qui habitent dans la capitale appellent leurs proches pour vérifier s'ils vont bien. "On se réconfortait un peu en se disant qu'on était en sécurité sur l'île. Personne ne savait que l'enfer se déchaînerait aussi pour nous", a confié la militante Prableen Kaur sur son blog.

16h50: dans le ballet des bateaux desservant l'île, un policier arrive seul. Armé, fait inhabituel, d'un pistolet et d'un fusil automatique, l'homme explique qu'il vient renforcer la sécurité. C'est alors, racontent les témoins, qu'il lève son fusil d'assaut et lâche des rafales. Dans la cafétéria, Jorgen Benone discute encore avec ses amis de l'explosion d'Oslo quand le groupe "entend un mouvement de panique sur le rivage". "C'est alors qu'on a réalisé que des gens se faisaient tirer dessus. Tout d'un coup, c'est devenu le chaos et tout le monde a couru dans tous les sens." Certains sur l'île commencent alors à appeler les services de secours, mais il leur est demandé de ne pas bloquer les lignes sauf si l'appel concerne l'attentat d'Oslo.

16h50-18h25: La fusillade

17h15: des témoins racontent que le tueur entre dans la zone des campeurs, dont certains se sont cachés dans leur tente. Méthodique, il passe de tente en tente et abat un à un les jeunes qu'il y trouve, souvent à bout portant.

17h20: Prableen Kaur tombe sur un groupe de jeunes militants paniqués qui fuient un homme portant le logo "POLICE" sur sa poitrine. "Ma première pensée a été de me dire: pourquoi est-ce que la police nous tire dessus? Mais qu'est-ce qui se passe?", écrit-elle. Plus d'une dizaine de personnes s'entassent avec elle dans un recoin du bâtiment principal, allongées au sol. A un moment, la jeune femme voit son meilleur ami par la fenêtre. "Je me suis demandé si je devais sortir pour l'amener à l'intérieur. Je ne l'ai pas fait. J'ai vu la peur dans ses yeux."

17h25: Kaur raconte qu'une rafale tirée tout près du bâtiment provoque la panique dans son groupe, tout le monde sautant alors par la fenêtre. Certains se blessent, dont une jeune fille qui se brise la cheville, mais le tireur ne vient pas de leur côté. Prableen se réfugie avec d'autres derrière un muret en briques.

17h26: la police de Buskerud reçoit des appels concernant les tirs à Utoya.

17h30: la police de Buskerud réclame l'envoi d'une unité spéciale de la police. Pendant ce temps, sur l'île, le tireur abat des jeunes fuyant leur cachette à son approche et certains se retrouvent sur les rives de l'île avec une seule chance de s'enfuir: à la nage. Prableen Kaur raconte que le tireur tente d'attirer les jeunes en criant: "Je suis de la police!". Ils répondent: "Prouvez-le!". L'homme tire alors sur tous ceux qui bougent. La jeune femme ne fait pas un geste, allongée sur les jambes d'une adolescente couverte de sang. "J'ai sauté à l'eau", a raconté Adrian Pracon à la chaîne TVN24. "Je portais de grosses bottes en caoutchouc et d'épais vêtements, alors c'était dur de nager et j'ai dû rebrousser chemin. En approchant de la rive, je l'ai vu en train de tirer sur ceux qui étaient derrière moi. J'ai bien vu qu'il en avait touché certains, car quand la balle frappait l'eau, la gerbe était parfois blanche, parfois rouge."

17h38: la police norvégienne annonce qu'elle dépêche un commando depuis Oslo. Ce dernier se rend à Utoya par la route et non pas à bord d'un hélicoptère. La police explique que préparer un hélicoptère au décollage aurait pris trop de temps.

17h45: dans un camping situé sur le continent, à 800m des berges d'Utoya, le propriétaire Brede Johbraaten dit avoir entendu d'abord des coups de feu, saccadés ou au coup par coup, pendant une bonne demi-heure. Mais il réalise pleinement l'ampleur du drame quand les premiers rescapés, qui ont eu le courage de fuir à la nage, arrivent. Aucun n'est blessé mais tous racontent avoir vu beaucoup de leurs camarades se noyer pendant la traversée, certains parce qu'ils avaient perdu trop de sang et d'autres à cause de crampes. Adrian Pracon, qui dit avoir été mystérieusement épargné par le tueur sur la plage un peu plus tôt, s'est depuis caché au milieu de cadavres. "Il est alors revenu. Je retenais ma respiration, sans bouger. J'ai entendu un tir et ressenti un léger choc à l'épaule (gauche). J'ai compris qu'il m'avait tiré dessus, mais mon corps s'est comme ainsi dire protégé et je n'ai ressenti aucune douleur. Je n'ai donc heureusement pas bougé et il est reparti". Sur le continent, Brede Johbraaten et quelques campeurs réunissent plusieurs embarcations qui convergent vers l'île afin d'y recueillir des nageurs ou des corps. Ce geste de courage a un effet indésirable inattendu: lorsque les policiers arrivent, ils n'ont plus aucun bateau pour se rendre sur l'île.

18h: des témoins se cachant derrière des rochers, sachant bien que le "policier" n'en est pas un, voient avec horreur quatre jeunes chercher secours auprès de lui. L'homme les abat chacun d'une balle dans la tête. C'est à ce moment que le commando de police arrive sur les berges du lac Tyrifjorden, à 800m de l'île d'Utoya. Mais il n'arrive pas à traverser tout de suite, la plupart des bateaux étant déjà sur le lac à la recherche des victimes.

18h25-19h: Arrivée de la police et arrestation du forcené

18h25: le commando pose enfin le pied sur l'île et se déploie, sans savoir combien de tireurs il y a. Jorgen Benone, qui fait partie de ceux se cachant derrière un rocher, raconte: "Je me suis dit qu'il valait mieux ne pas courir à découvert parce qu'il pourrait me voir".

18h27: les policiers trouvent enfin le tueur et lui ordonnent de déposer ses armes. Il s'exécute et est arrêté sur le champ. Les policiers saisissent aussi un volume "considérable" de munitions. A ce moment-là, Prableen Kaur confie avoir le courage de se relever et s'aperçoit qu'elle était allongée sur le cadavre d'une adolescente.

19h: la petite flottille de secouristes continue de faire le tour de l'île à la recherche de rescapés, se rapprochant de plus en plus du rivage, la fusillade ayant pris fin. Prableen Kaur est enfin secourue mais beaucoup de jeunes ont encore peur de sortir de leur cachette. Jorgen Benone raconte ainsi avoir vu plusieurs bateaux s'approcher et s'être demandé si ces secouristes ne seraient pas non plus des tueurs.

ap/boi

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