"Les rebelles ont défoncé les murailles en béton de l'enceinte et ont pénétré dedans. Ils ont pris Bab al-Aziziya (QG de Kadhafi), entièrement, c'est fini", a constaté un correspondant de l'AFP sur place.
Des journalistes de Reuters ont vu plusieurs centaines d'insurgés armés pénétrer à l'intérieur du QG de Bab al Aziziah, où ils se sont un temps heurtés à des poches de résistance et à des tireurs isolés.
Après plusieurs heures d'intenses combats (retrouvez les événements de la journée minute par minute: Insurrection en Libye), les rebelles ont pu investir des dizaines de bâtiments, ont pillé une armurerie et ont saisi des armes et des véhicules. Ils ont ensuite célébré leur victoire par des coups de feu en l'air.
L'émissaire des rebelles auprès des Nations unies a affirmé que le QG était "totalement aux mains des révolutionnaires" et a prédit que la ville de Syrte, dont est originaire Kadhafi, serait prise dans les deux prochains jours. "Nous nous attendons à voir la Libye totalement libérée et totalement pacifiée dans les prochaines 72 heures", a dit Ibrahim Dabbachi.
Mais où se cache Mouammar Kadhafi?
En revanche, aucune précision n'a été fournie sur Kadhafi lui-même, les membres de sa famille et les dirigeants libyens. Ils pourraient être retranchés dans un bunker ou pourraient se cacher dans des habitations de la capitale. "Nous ne pensons pas qu'il ait quitté le pays. Nous pensons qu'il est encore en Libye. Nous pensons qu'il se trouve soit à Tripoli, soit dans ses environs", a dit un porte-parole rebelle interrogé par la BBC.
Sur le front est, les kadhafistes ont abandonné l'important port pétrolier de Ras Lanouf, où aucun dégât apparent n'a été signalé, et ont commencé à se replier vers Syrte, a ajouté un porte-parole. L'euphorie des premières heures et l'espoir d'une chute éclair du pouvoir libyen étaient retombés mardi matin, avec la reprise des combats à Tripoli.
Les affrontements autour du complexe résidentiel de Mouammar Kadhafi étaient les plus violents enregistrés depuis le début de l'assaut, selon des journalistes sur place. L'OTAN, qui fournit un appui aérien aux rebelles, a affirmé que le colonel Kadhafi ne représentait pas une cible pour ses forces. Mais l'Alliance soutient que la fin du régime "est proche" et que ses partisans mènent une "bataille perdue".
Incertitude aussi quant à ses fils
Le Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion, avait même annoncé l'arrestation dimanche de Seif al-Islam, influent fils de Mouammar Kadhafi. Mais le deuxième fils du dirigeant libyen a créé la surprise dans la nuit en apparaissant en personne devant des journalistes. "Je suis là pour démentir les mensonges", a déclaré Seif al-Islam, tout sourire, à des journalistes emmenés à bord d'une voiture blindée à Bab Al-Aziziya.
"Kadhafi et toute la famille sont à Tripoli", a-t-il également dit un peu plus tard à l'hôtel Rixos, sans préciser de lieu exact. Seif al-Islam est visé comme son père par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes contre l'humanité commis depuis le 15 février, date à laquelle a éclaté la rébellion qui s'est ensuite transformée en conflit armé.
Un autre fils de Mouammar Kadhafi, Mohamed, dont la rébellion avait également annoncé la détention lundi, s'est échappé, a dit un haut responsable des rebelles à Benghazi. Les principaux responsables politiques de la rébellion se sont refusés à tout commentaire sur Seif al-Islam et Mohamed.
"Nous aurions pu les emprisonner, mais nous avons souhaité qu'ils soient bien traités", a dit une source rebelle, laissant entendre que les deux hommes avaient été placés en résidence surveillée.
L'Alliance atlantique, et en particulier Washington, s'inquiètent désormais de la résistance opposée par les forces loyalistes. Les Etats-Unis surveillent les dépôts d'armes chimiques, craignant qu'ils passent aux mains d'organisations hostiles à l'Occident.
Le patron de l'ONU Ban Ki-moon a convoqué un sommet sur la Libye cette semaine. Le Groupe de contact se réunira jeudi à Istanbul et un sommet du Conseil de paix et de sécurité africain est prévu vendredi à Addis Abeba. Pour aider les insurgés dans cette période charnière, Washington entend débloquer entre un milliard et un milliard et demi de dollars d'avoirs libyens qui avaient été gelés, a annoncé Victoria Nuland, porte-parole du département d'Etat. La Suisse s'apprête à prendre une mesure similaire, mais attend le feu vert des Nations unies.
agences/mej
Au Rixos, les journalistes sont coupés du monde
Une trentaine de journalistes étrangers étaient confinés mardi soir, privés d'electricité dans un hôtel de Tripoli qui a essuyé mardi des tirs de balles perdues alors que le QG de Mouammar Kadhafi tout proche tombait aux mains des rebelles.
Les journalistes à l'hôtel Rixos sont pour la troisième nuit d'affilée coupés du monde, sans télévision ni internet et avec un réseau de téléphonie mobile très perturbé, selon le journaliste de l'AFP.
Il se trouve avec le reste du groupe au premier étage du bâtiment, qui est toujours gardé par des hommes armés du régime.
Alors que des images de la prise du complexe résidentiel de Bab el-Aziziya (résidence du colonel Kadhafi) à Tripoli passaient en boucle dans plusieurs chaînes internationales, les gardes affirmaient aux journalistes que le QG du colonel Kadhafi n'était pas tombé aux mains de la rébellion.
"Tout va bien", répètent-ils aux journalistes qui ont le sentiment d'être pris en otage, selon le journaliste de l'AFP sur place.
L'hôtel a été touché mardi par plusieurs balles perdues et des tirs sporadiques étaient entendus de temps en temps dans l'établissement. Les journalistes portent leurs gilets pare-balles et leur casque et ont accroché des banderoles sur lesquelles ils ont écrit: TV, Presse, ou en encore en arabe: "presse, ne tirez pas".
De temps en temps, des hommes armés entrent se ravitailler ou faire un tour de surveillance. Un jeune armé d'une Kalachnikov est monté au premier étage, mais les journalistes l'ont convaincu de redescendre, a ajouté le journaliste de l'AFP. "Si tu veux te battre vas en bas", lui a lancé un des journalistes.