Bien que le centre kadhafiste névralgique de Bab al-Aziziya ait été pris d’assaut, le « Guide » libyen reste encore et toujours introuvable. Il aurait en effet en sa possession nombre d'endroits où disparaître, que ce soit dans des bunkers souterrains à Tripoli même, ou dans les zones de Libye toujours acquises à sa cause. Lire: Insurrection en Libye.
Il est de notoriété publique que sous Bab al-Aziziya existent des bunkers souterrains. Et la place forte du régime kadhafiste est selon des transfuges reliée par de longs tunnels à plusieurs lieux stratégiques de la vieille ville, mais aussi à des endroits éloignés des environs de Tripoli. On connaît notamment l’existence d’un bunker à Bab al-Aziziya construit par des ingénieurs allemands il y a des années, pourrait en tout cas soutenir une attaque massive. Le chirurgien esthétique brésilien ayant opéré Kadhafi en 1995 est un des rares à y avoir pénétré
Kadhafi, ou le mythe de l’illusionniste
Si rares sont ceux qui ont vu ces tunnels, qui collent en tout cas bien avec l'image entretenue par Kadhafi. Pendant les six mois de l'insurrection contre son régime, il a pratiqué une sorte d'illusionnisme, apparaissant soudainement par surprise en public, avant de disparaître à nouveau pendant des semaines, suscitant rumeurs et interrogations.
Dès le début de la bataille de Tripoli, le colonel s'est une fois de plus transformé en fantôme, s'évanouissant dans la nature. Nombre d'insurgés le croyaient terré quelque part dans l'immense Bab al-Aziziya. Et selon un haut responsable, la rumeur courait même que le presque septuagénaire avait eu une attaque cardiaque et serait alité. Mais lorsque les forces rebelles ont pris le complexe mardi, Kadhafi s'était volatilisé. Impossible de savoir d'ailleurs s'il avait pris la fuite, ou s'il y avait d'ailleurs jamais été...
Tout comme son fils Seïf al-Islam avait resurgi en chair et en os et tout sourires pour narguer ceux qui le croyaient aux arrêts, c'est depuis l'une de ces cachettes que le dirigeant libyen a resurgi mardi soir, via un message sonore, jurant qu'il se battrait jusqu'à la victoire ou la mort, appelant ses fidèles à reprendre Tripoli. Car tant que Kadhafi n'est pas arrêté, son régime garde la possibilité de riposter.
Les forces kadhafistes dans les environs
Selon les insurgés, les forces kadhafistes toujours dans les environs de la capitale peuvent frapper n'importe quand, et on ne sait pas non plus où sont les fils Kadhafi commandant des unités d'élite, Khamis et Mouatassim. Deux autres grandes villes restent aux mains des pro-Kadhafi: sa ville natale de Sirte, sur la côte méditerranéenne à l'est de Tripoli, et son bastion de Sebha, dans le Fezzan, en plein désert, à 650km plus au sud.
Depuis la place forte militaire de Sebha, qui compte également une importante base aérienne ainsi que de nombreuses réserves d'armes, Kadhafi aurait aussi la possibilité de prendre l'option d'une sortie facile vers le Niger ou le Tchad voisins.
ap/pbug
Quelques rares témoignages
Le vétéran du régime Abdel-Moneim al-Houni, qui participa au coup d'Etat de 1969 ayant porté Kadhafi au pouvoir et occupa de nombreuses fonctions officielles avant de faire défection, dit n'avoir jamais vu ce soi-disant réseau souterrain.
Mais Moussa Koussa, ancien chef de la diplomatie et membre du premier cercle, le lui avait décrit, évoquant notamment un tunnel entre Bab al-Aziziya et l'hôtel Rixos, où résident les journalistes étrangers. "Il avait transformé tout un étage (de l'hôtel) en centre de commandement", raconte al-Houni.
Le secret, les tunnels, la méfiance même envers ses plus proches alliés, la paranoïa... typiques d'un homme qui en 42 a survécu à de nombreux complots. Selon le colonel Ahmed Bani, porte-parole militaire des insurgés, qui était colonel dans l'armée de l'air avant de tourner sa veste, Kadhafi aurait échappé à au moins 52 tentatives de putsch ou d'assassinat. Et aura répondu par la terreur à chaque fois, faisant pendre des dissidents par dizaines sur les places publiques, pour dissuader quiconque d'essayer à nouveau.