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Les rebelles installent leur gouvernement à Tripoli

Le ministre des Finances du CNT Ali Tarhouni a tenu conférence de presse à Tripoli. [KEYSTONE - Giulio Petrocco]
Le ministre des Finances du CNT Ali Tarhouni a tenu conférence de presse à Tripoli. - [KEYSTONE - Giulio Petrocco]
Les rebelles ont commencé à installer leur "gouvernement" dans la capitale, alors que l'ONU a donné vendredi matin son feu vert pour débloquer les avoirs libyens en faveur des rebelles. Sur le terrain, des poches de résistance subsistaient, notamment la ville de Syrte, région natale de Kadhafi, qui demeure introuvable.

A New York, le Conseil de sécurité de l'ONU a accepté de débloquer 1,5 milliard de dollars d'avoirs libyens pour aider les rebelles à la reconstruction du pays. Cette somme est retenue par les Etats-Unis, qui veulent envoyer 500 millions de dollars à des groupes humanitaires internationaux, 500 millions au Conseil national de transition (CNT) pour payer des salaires et des services essentiels et 500 millions à un fonds international pour la Libye pour acheter du carburant et d'autres biens de première nécessité.

Rome a par ailleurs a annoncé avoir donné l'ordre "pour le dégel d'une première tranche des avoirs libyens à hauteur de 350 millions d'euros", après une demande d'aide des rebelles libyens.

Le CNT s'installe à Tripoli

Dans Tripoli, après plusieurs heures de combats intenses dans Abou Salim, quartier du sud de la ville, les rebelles restent sur leurs gardes. [Francois Mori]
Dans Tripoli, après plusieurs heures de combats intenses dans Abou Salim, quartier du sud de la ville, les rebelles restent sur leurs gardes. [Francois Mori]

A Benghazi, fief des rebelles dans l'est du pays, Moustapha Abdeljalil, chef du CNT, avait auparavant promis de récompenser, lors de la reconstruction du pays, les Etats ayant aidé la Libye "en fonction du soutien" qu'ils ont apporté aux insurgés. Le "gouvernement" des rebelles, le comité exécutif du Conseil national de transition (CNT), jusque là installé à Benghazi, a été transféré à Tripoli, a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi Ali Tahouni, son vice-président.

Huit hauts responsables du CNT sont arrivés jeudi dans la capitale pour préparer la transition politique, a annoncé de son côté un porte-parole du CNT, Mahmoud Chammam. Dans la ville, les rebelles combattaient les pro-kadhafi dans quelques poches de résistance.

Sur le front Est, il tentaient de progresser vers Syrte qui était bombardée par l'OTAN, selon la télévision d'Etat. La région natale de Kadhafi est un bastion du régime et, selon les rebelles, un des refuges possibles pour le leader traqué.

Nouveau message de Kadhafi

"Il faut résister contre ces rats d'ennemis, qui seront vaincus grâce à la lutte armée", a déclaré le colonel Kadhafi dans l'enregistrement diffusé par la chaîne satellitaire Arrai basée en Syrie. "Sortez de chez vous, libérez Tripoli", a-t-il ajouté. (lire: kadhafi lance un nouvel appel au combat).

La diffusion de ce message intervient cinq jours après l'offensive menée sur la capitale par les rebelles et quarante-huit heures après leur entrée dans Bab al-Aziziya, le vaste complexe résidentiel du colonel Kadhafi. Dans Tripoli, après plusieurs heures de combats intenses dans Abou Salim, quartier du sud de la ville, les rebelles ont réussi à repousser les loyalistes et les combats se sont déplacés dans le secteur voisin de Mashrour, a indiqué le chef d'un bataillon de combattants.

Libye: Mouammar Kadhafi appelle à la lutte armée lors d'un message audio diffusé jeudi.
Libye: Mouammar Kadhafi appelle à la lutte armée lors d'un message audio diffusé jeudi.

Dans l'après-midi, d'intenses échanges de tirs, pendant environ trois quarts d'heures ont eu lieu autour de l'hôtel Corinthia, situé près de la Vieille ville, selon des journalistes de l'AFP. Après avoir pris le contrôle de Bab al-Aziziya, les rebelles cherchaient surtout à mettre la main sur Mouammar Kadhafi et ses fils, toujours introuvables jeudi. (lire: Les refuges potentiels de Mouammar Kadhafi).

Pour encourager à la capture de l'ancien "Guide" libyen, les rebelles ont offert une récompense de près de 1,7 million de dollars à quiconque permettrait de le retrouver, vivant ou mort. Selon le quotidien Daily Telegraph, des membres des forces spéciales britanniques sont également déployés sur le terrain en Libye, essentiellement pour rechercher le colonel Kadhafi, mais les autorités n'ont pas confirmé l'information.

20'000 morts estimés depuis mi-février

Moustapha Abdeljalil, chef du CNT, l'organe politique de la rébellion, a affirmé que le conflit en Libye a fait "plus de 20'000 morts" depuis le début mi-février de l'insurrection contre le régime de Mouammar Kadhafi Il a par ailleurs promis de récompenser, lors de la reconstruction du pays, les Etats ayant aidé la Libye "en fonction du soutien" qu'ils ont apporté aux insurgés.

La Russie, allié traditionnel de Tripoli et qui s'était abstenue avec la Chine lors du vote au Conseil de sécurité de la résolution 1973 ayant permis l'intervention internationale en mars en Libye, a souligné jeudi que les Nations unies devaient jouer le "rôle principal" dans l'après-Khadafi en Libye.

agences/olhor/jzim


SOLDATS DE KADHAFI ET CIVILS APPAREMMENT EXECUTES A TRIPOLI

Une trentaine d'hommes, probablement des combattants pro-Kadhafi, ont été tués dans un camp militaire du centre de Tripoli, a rapporté jeudi un journaliste de Reuters sur place. Deux au moins avaient les mains liées, ce qui laisse supposer une exécution sommaire. Le reporter a vu dans le camp les corps criblés de balles dans un secteur de la capitale dont les forces loyalistes et les insurgés se sont âprement disputé le contrôle. Cinq des cadavres ont été déposés dans un hôpital voisin.

Les combats n'ont pas cessé depuis 3 jours à Tripoli. [Zohra Bensemra]
Les combats n'ont pas cessé depuis 3 jours à Tripoli. [Zohra Bensemra]

Le sol du camp, près d'un rond-point, était jonché de caisses de munitions et d'armes, de ravitaillement, de carcasses de véhicules détruits et de photographies du "guide". Des drapeaux verts, emblèmes du régime de Mouammar Kadhafi, flottaient encore dans le voisinage. Certains des corps, sur lesquels des couvertures ont été jetées, portaient des uniformes de l'armée, d'autres étaient en civil. Deux des cadavres étaient presque totalement carbonisés. Parmi les morts figuraient plusieurs Africains. Kadhafi a été accusé par ses adversaires de recruter des mercenaires d'Afrique noire pour assurer sa protection.

Dans un autre quartier de la ville, une employée britannique de l'ONG International Medical Corps, Kirsty Campbell, a déclaré que l'hôpital de Mitiga, où elle travaille, avait reçu mercredi les corps de 17 civils, apparemment exécutés ces derniers jours par les forces gouvernementales. "C'est un camion qui a apporté les corps. Ce sont des gens qui avaient été arrêtés il y a dix jours. On les a trouvés dans la caserne Bab al Aziziah quand les rebelles sont arrivés mardi", a-telle précisé. "Ils ont été exécutés", a-t-elle ajouté, et certains ont pu être identifiés par leurs proches.

Rupert Colville, porte-parole du Haut Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU, s'est inquiété de ces cas présumés d'exécutions sommaires. "Il nous est difficile de confirmer quoi que ce soit pour le moment, mais des incidents comme ceux-ci seront examinés par la Commission d'enquête sur la Libye qui a publié son premier rapport en juin et qui reste active", a-t-il dit. "Nous engageons tous ceux qui exercent des fonctions d'autorité en Libye, notamment les commandants sur le terrain, à prendre des mesures énergiques pour veiller à ce qu'aucun crime ni acte de vengeance ne soit commis."

L'organisation Amnesty International rapporte jeudi qu'une délégation qu'elle a envoyée en Libye a été informée d'abus commis par les deux camps, notamment sur des migrants africains noirs que des rebelles soupçonnaient d'être des mercenaires.

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