"Nous demandons à toutes les parties, à tous les commandants sur le terrain, de ne commettre aucun crime, ni d'exercer des actes de revanche, et de respecter l'Etat de droit. Cela inclut Mouammar Kadhafi", a affirmé le porte-parole du Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, Rupert Colville.
"Des exécutions sommaires ne sont autorisées en aucune circonstance", a encore rappelé le porte-parole, interrogé à Genève sur la rançon offerte pour la capture du colonel Kadhafi qui reste introuvable (lire Sur la piste de Kadhafi).
"Le respect du droit est essentiel, cela s'applique aussi à Kadhafi", a-t-il dit. "Si Kadhafi est capturé vivant et le mandat d'arrêt délivré par la Cour pénale internationale mis à exécution, c'est la meilleure solution", a déclaré le représentant du Haut Commissariat.
Avions britanniques en action
Sur le plan des affrontements, des avions britanniques de l'Otan ont bombardé dans la nuit un important bunker servant de QG dans la ville natale du dirigeant libyen en fuite Mouammar Kadhafi à Syrte. Cette information a été révélée vendredi par le ministère britannique de la Défense dans un communiqué.
"Aux alentours de minuit (heure de Londres), une formation de Tornado venant de la base britannique de Marham dans le Norfolk (est de l'Angleterre) a tiré des missiles guidés de précision Storm Shadow contre un important bunker-quartier général dans la ville natale de Kadhafi à Syrte", a indiqué le ministère.
L'aviation britannique a en outre détruit jeudi matin "une des dernières installations de missiles sol-air longue portée du colonel Kadhafi près d'Al Watiyah, non loin de la frontière tunisienne", selon le ministère britannique de la Défense.
Un nouveau bateau envoyé à Tripoli
Un deuxième bateau d'évacuation des migrants va partir ce vendredi de Benghazi pour Tripoli, a annoncé l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Genève. De la nourriture, des biens de première nécessité et de l'aide médicale ont été chargés sur le bateau, qui amènera dans la capitale libyenne une cinquantaine de travailleurs humanitaires, selon un communiqué. Le bateau doit arriver à Tripoli durant le week-end.
Un premier groupe de 263 migrants a été évacué jeudi avec succès de Tripoli, dans un premier bateau. Parmi les migrants, en route pour Benghazi, figurent des Egyptiens, des Libanais, des Algériens, des Philippins, des Américains, des Suisses, des Italiens, des Indiens, des Soudanais, ainsi qu'un Allemand, un Canadien et un Irakien. Le 2e bateau devrait embarquer pour l'essentiel des Bangladais, des Chinois, des Philippins, des Indiens et des Egyptiens.
Le succès des rebelles tient au déblocage des fonds
Mahmoud Jibril, numéro deux de la rébellion libyenne, a également indiqué vendredi à Istanbul (Turquie) que la survie de la nouvelle administration libyenne - qui pose ses valises à Tripoli (lire Insurrection en Libye) - dépendait du déblocage des avoirs libyens gelés. "Il y aura d'importantes attentes de la nouvelle administration qui sera mis sur pied après la chute du régime (...) et pour son succès le déblocage des fonds gelés est essentiel", a-t-il dit dans des propos traduits en turc lors d'une conférence de presse avec le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu.
Mahmoud Jibril a indiqué que ces fonds étaient nécessaires pour que les services de santé, notamment, puissent fonctionner normalement et que les fonctionnaires qui n'ont pas reçu leur salaires depuis plusieurs mois puissent être payés. Mahmoud Jibril, qui est arrivé jeudi à Istanbul où s'étaient réunis les diplomates de haut rang des pays membres du Groupe de contact sur la Libye, doit quitter la ville en fin de matinée de vendredi, après avoir été reçu par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.
Kadhafi voulait submerger Lampedusa
Côté italien, le ministre des Affaires étrangères Franco Frattini a déclaré avoir des preuves que le dirigeant libyen voulait submerger l'île italienne de Lampedusa d'immigrés africains pour se venger de la participation de Rome à la coalition qui a combattu son régime.
L'Italie a toujours soupçonné le leader libyen d'utiliser l'arme de l'immigration clandestine pour faire pression sur le gouvernement de Silvio Berlusconi. Depuis l'éclatement de l'insurrection, plus de 20'000 immigrés clandestins, essentiellement en provenance d'Afrique sub-saharienne, sont arrivés ces derniers mois à Lampedusa en provenance de la Libye.
agences/jzim/olhor
LA DIPLOMATIE AMORCE L'APRES-KADHAFI
L'ONU s'est aussi dite prête à contribuer à la phase de l'après-conflit en Libye et à apporter son expertise, a déclaré vendredi une porte-parole des Nations Unies. Un plan d'action à court terme est en cours de finalisation ainsi qu'un appel de fonds révisé.
"L'ONU est prête à apporter son aide, dès que la Libye le demandera", a déclaré la porte-parole de l'ONU à Genève Corinne Momal-Vanian. "Aide humanitaire, sécurité, rétablissement de l'Etat de droit, reconstruction socio-économique, processus électoraux, justice, droits de l'homme, dans tous ces domaines l'ONU a une expertise", a-t-elle expliqué.
L'Union africaine doit quant à elle favoriser "une transition inclusive et consensuelle" en Libye, alors que la phase militaire est "en train de se conclure", a déclaré le président de la commission de l'UA Jean Ping à l'ouverture d'une réunion à Addis Abeba consacrée à la Libye.
La France va de son côté rouvrir "rapidement" son ambassade à Tripoli, qui était fermée depuis la fin février, a déclaré vendredi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, alors que les insurgés se sont emparés de la majeure partie de la capitale.
80 morts à Tripoli faute de soins
Les cadavres de quelque 80 personnes mortes apparemment faute de soins ont été découverts vendredi dans un hôpital du quartier sud de Tripoli, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les corps pourrissaient dans cet établissement du quartier d'Abou Salim, resté entre samedi et jeudi aux mains des forces pro-kadhafi. Des snipers loyalistes ont tenu à distance toute personne tentant de s'approcher, blessés et personnel soignant, ont indiqué des médecins.
Au fil des jours, les patients sont morts, les uns après les autres, faute de soins, selon les mêmes sources. Vendredi matin, une équipe chirurgicale du CICR arrivée en renfort a évacué les 17 derniers patients vivants, dont un enfant, vers d'autres cliniques de la capitale libyenne, tandis que l'hôpital était désormais abandonné.
Ces patients attendaient depuis des jours dans l'hôpital dans une forte odeur de cadavres décomposés. Les couloirs vides étaient constellés de sang, tandis que la morgue débordait littéralement de corps, dont des dizaines se trouvaient aussi dans des chambres.
Faute de place, une vingtaine d'autres cadavres pourrissaient sur la pelouse devant le vaste bâtiment. Un corps gisait sur un brancard devant l'entrée des urgences, où la Croix-Rouge a pris en charge les malades et blessés.
Amnesty dénonce des exactions dans les deux camps
Amnesty International a publié des témoignages sur des tortures et mauvais traitements en Libye, commis par des rebelles et des forces loyales au dirigeant en fuite Mouammar Kadhafi, ainsi que sur l'exécution de détenus par des pro-Kadhafi alors que les insurgés étaient dans Tripoli.
Dans un communiqué publié vendredi, l'organisation de défense de droits de l'homme fait état d'exécutions sommaires de prisonniers dans deux camps militaires proches de Tripoli utilisés par la brigade Khamis Katiba, dirigée par l'un des fils du dirigeant libyen, Khamis Kadhafi. Les forces loyales y ont exécuté mardi et mercredi "de nombreux prisonniers", alors que les rebelles étaient déjà entrés dans Tripoli, affirme Amnesty.
Dans un autre communiqué, l'association, dont le siège est à Londres, a publié des témoignages recueillis par sa délégation locale en Libye faisant état de tortures pratiquées aussi bien par les rebelles que par les forces loyales au colonel Kadhafi, à Zawiyah, ville côtière proche de Tripoli.
Des responsables des rebelles ont assuré à la délégation locale d'Amnesty qu'ils ne commettraient pas les violations des droits de l'homme qui avaient cours sous le régime de Kadhafi, pendant une rencontre à l'école de Bir Tirfas, utilisée comme prison pour les anciens soldats pro-Kadhafi, les mercenaires et loyalistes du régime en déroute. Toutefois, les conditions de détention y sont apparues extrêmement difficiles, avec par exemple 125 personnes entassées dans une cellule, incapables de s'allonger ou de bouger, selon Amnesty. Un prisonnier a raconté avoir été blessé par balle à la jambe et battu sévèrement au moment de son arrestation alors qu'il était désarmé et qu'il se rendait.