Tandis que le décompte était plus serré que prévu --les sièges attribués aux territoires autonomes du Groenland et des îles Féroé pouvant arithmétiquement donner la majorité absolue à l'un ou à l'autre des deux blocs-- le Premier ministre sortant, le libéral Lars Loekke Rasmussen, a concédé la défaite.
"Plus tôt ce soir, j'ai appelé (la cheffe de l'opposition) Helle Thorning-Schmidt. Je l'ai félicitée et je lui ai dit qu'elle avait maintenant la possibilité de former un nouveau gouvernement", a déclaré Lars Loekke Rasmussen devant ses partisans. Il doit remettre la démission de son gouvernement vendredi à la reine et Helle Thorning-Schmidt pourra devenir, à 44 ans, la première femme à diriger le gouvernement danois. "Nous l'avons fait ! (...) Aujourd'hui, nous avons écrit une page d'histoire", s'est exclamé Helle Thorning-Schmidt devant ses électeurs, visiblement émue.
Forte participation
Selon les résultats officiels publiés vendredi vers 01h00 (jeudi 23h00 GMT) après dépouillement de 100% des suffrages métropolitains, le bloc de gauche était crédité de 89 des 179 sièges du Folketing contre 86 au bloc de droite de Lars Loekke Rasmussen, avec une participation qui a atteint 87,7% soit son plus haut niveau depuis des dizaines d'années. S'il perd les rênes du gouvernement, ces élections ne constituent pas une défaite personnelle pour le désormais ex-Premier ministre, car son parti Libéral a renforcé sa position de premier parti national avec 47 députés (+1).
La victoire de la gauche marque la fin d'une période de dix années sous l'influence de la formation anti-immigration Parti du peuple danois (Dansk Folkeparti, DF). Depuis 2001, le DF dirigé par Pia Kjaersgaard constituait un allié parlementaire clé du gouvernement minoritaire, auquel il a notamment imposé des mesures contre l'immigration parmi les plus restrictives d'Europe en échange de son soutien.
Relance économique
Jeudi soir, Pia Kjaersgaard dont le parti, avec 22 députés, a perdu trois sièges depuis 2007, a reconnu qu'il fallait désormais "se considérer dans l'opposition". Mais la victoire personnelle de Helle Thorning-Schmidt, qui est la belle-fille de l'ex-leader travailliste britannique Neil Kinnock, est surtout le fruit des progrès effectués par d'autres partis de gauche qu'elle a réussi à fédérer dans son sillage.
Son parti Social-démocrate obtient en effet 44 sièges, soit son plus mauvais score depuis 1906. Au contraire, les Rouges-Verts (extrême-gauche) font plus que doubler le nombre de leurs élus (12) et les Sociaux-libéraux en gagnent 8 de plus (17). La cheffe des Sociaux-libéraux, Margrethe Vestage, était toute à sa joie en arrivant à son QG. "Nous avons besoin d'un nouveau gouvernement (...) le Danemark doit se débarrasser de ses politiques de blocs", a-t-elle lancé.
La campagne s'est focalisée sur la politique économique à mettre en place pour sortir le Danemark de la crise. Face à l'austérité prônée par Lars Loekke Rasmussen, Helle Thorning-Schmidt a promis de stimuler l'économie par des dépenses budgétaires. Elle compte ainsi injecter environ 18 milliards de couronnes (2,41 milliards d'euros) qui seraient financés par une heure de travail hebdomadaire supplémentaire. "Nous ne sautons pas dans le train de l'austérité", a-t-elle affirmé en prônant une augmentation des impôts pour les riches.
afp/cab
La femme qui a réussi l'union de la gauche
Helle Thorning-Schmidt, que les législatives de jeudi ont désignée pour devenir la première femme cheffe du gouvernement au Danemark, a su dépasser son image de grande bourgeoise. Et s'imposer comme cheffe naturelle de l'électorat populaire de gauche.
Cette grande femme élégante aux yeux bleu perçants, âgée de 44 ans, dirige le parti Social-démocrate depuis 2005. Mais son goût pour les beaux vêtements et les jolis sacs à main lui ont valu d'être surnommée par ses détracteurs Gucci-Helle.
Elle vit avec son époux Stephen Kinnock - le fils de l'ancien chef du Labour Party britannique Neil Kinnock - et leurs deux filles, dans l'un des quartiers les plus huppés de Copenhague. Ce goût du luxe a beaucoup compliqué son acceptation par les militants sociaux-démocrates.
Pourtant, elle en est devenue la cheffe à une époque où cette formation, qui a très largement dominé la scène politique danoise au 20e siècle, avait été plongée dans le chaos par la défaite aux législatives de 2005.
Ses qualités lui ont même permis de réussir l'impensable union de la gauche, de l'extrême-gauche des Rouges-Verts aux centristes du parti Social-libéral en passant par les socialistes. Une réussite que les politologues considèrent beaucoup plus comme un exploit que le fait d'être devenue la première femme Premier ministre.
Même si elle a affirmé vouloir une politique d'immigration plus humaine que celle suivie par le gouvernement de centre-droit sortant, Helle Thorning-Schmidt a toutefois précisé qu'elle ne reviendrait pas sur nombre de mesures prises sous la pression de l'extrême-droite.