DSK, visage grave et costume sombre, s'exprimait pour la première fois depuis son arrestation à la mi-mai à New York. "C'est une relation inappropriée, plus que cela une faute", a déclaré DSK avant d'ajouter: "c'est une faute morale et je n'en suis pas fier".
Relation "non tarifée"
Il a précisé que la très brève relation qu'il avait eue avec la femme de chambre était "non tarifée" et a rejeté toute forme de violence. "Ce qui s'est passé ne comprend ni violence, ni contrainte, ni agression, ni aucun acte délictueux. C'est le procureur qui le dit, ce n'est pas moi", a-t-il souligné sur le plateau du journal de 20h de TF1. Interrogé sur le témoignage de Nafissatou Diallo, il a indiqué que "toute cette histoire est un mensonge". Quant à l'abandon par la justice américaine le 23 août dernier des charges portées contre lui, il a déclaré que "c'est la même chose qu'un non-lieu".
Pas candidat à la présidentielle
Cette affaire, pour laquelle toute les charges pénales ont été abandonnées contre DSK, a stoppé net une trajectoire qui devait le conduire vers une candidature à l'élection présidentielle de mai prochain en France. "Oui, je voulais être candidat", a-t-il déclaré, ajoutant que désormais, il ne le serait "évidemment pas". "J'ai manqué mon rendez-vous avec les Français", a-t-il concédé.
Il a précisé qu'il ne choisirait pas entre les candidats à la candidature du Parti socialiste, qui disputeront une primaire en octobre prochain. "Je ne crois pas que cela soit mon rôle de m'immiscer dans la primaire", a-t-il dit.
Avenir politique à méditer
Pour autant, DSK n'a pas voulu se prononcer sur son avenir politique, alors qu'une majorité de Français souhaitent son retrait, selon un sondage publié dimanche. "Je vais d'abord me reposer, retrouver les miens, prendre le temps de réfléchir. Mais toute ma vie a été consacrée à essayer d'être utile au bien public et on verra", a-t-il affirmé.
Revenant sur les conditions de son arrestation à New York, lorsqu'il était apparu menotté notamment, il a confié avoir eu peur. "J'ai eu peur, j'ai eu très peur, j'ai été humilié", a-t-il dit, avant de rendre hommage à son épouse, la journaliste Anne Sinclair, une "femme exceptionnelle" sans laquelle il n'aurait "pas résisté" "Quand vous êtes pris dans les mâchoires de cette machine, vous avez l'impression qu'elle peut vous broyer", a-t-il dit. "J'ai vécu des attaques terribles et j'ai beaucoup perdu", a-t-il dit.
Dominique Strauss-Kahn a aussi assuré qu'il n'avait "pas l'intention de négocier" dans la procédure civile lancée à son encontre par la femme de chambre Nafissatou Diallo, qui l'accuse de l'avoir agressée sexuellement. "Je n'ai pas l'intention de négocier", a déclaré l'ancien patron du FMI, ajoutant que la "procédure civile allait continuer".
Fabulations de Tristane Banon
L'ancien patron du Fonds monétaire international, âgé de 62 ans, a également rejeté les accusations portées contre lui par une journaliste française, Tristane Banon, et qui ont entraîné l'ouverture d'une enquête pour tentative de viol. "J'ai été entendu comme témoin. J'ai dit la vérité que dans cette rencontre il n'y avait eu aucun acte d'agression, aucune violence, je n'en dirai pas plus. (...) La version qui a été présentée est une version imaginaire, une version calomnieuse", a-t-il affirmé. (Lire: DSK admet avoir fait des "avances" à Tristane Banon).
Le jeune femme avait porté plainte en juin pour des faits remontant à 2003. Une enquête préliminaire est actuellement menée sous la direction du parquet de Paris. Une source proche de l'enquête avait déclaré vendredi que DSK, lors de son audition par la police française, avait concédé avoir fait "des avances" à Tristane Banon. Sur TF1, Dominique Strauss-Kahn n'a pas voulu s'exprimer davantage, faisant valoir que la procédure était toujours en cours.
DSK s'exprimait tandis que des féministes manifestaient devant le siège de TF1. Une cinquantaine de personnes, en majorité des femmes, manifestaient dimanche à l'appel de deux organisations féministes devant le siège de TF1 à Paris.
Les manifestants étaient rassemblés derrière deux banderoles, dont l'une portait les mentions "DSK = déni de justice. Quand une femme dit non c'est non". "Le message que l'on veut adresser, c'est: "DSK, tais-toi et laisse les femmes parler." On réclame pour toutes les femmes victimes de violences ou de viol une tribune aussi importante que celle de DSK à TF1", a expliqué la cofondatrice de l'association Lesbiennes of color, Sabreen, qui n'a pas souhaité donner son nom.
afp/olhor
"Une opération de communication totalement maîtrisée"
L'ex-patron du FMI Dominique Strauss-Kahn a exercé dimanche soir au cours de sa première interview télévisée une "opération de communication totalement maîtrisée" et fait dire au procureur de New York "des choses qu'il ne dit pas", a estimé l'avocat en France de Nafissatou Diallo.
"C'était une opération de communication totalement maîtrisée, sans aucune spontanéité, ni dans les questions, ni dans les réponses et maîtrisée y compris dans la gestuelle. On sentait une grande crispation", a déclaré Me Thibault de Montbrial, correspondant en France des avocats de Nafissatou Diallo, la femme de chambre guinéenne qui a accusé DSK de tentative de viol à New York dans suite de l'hôtel Sofitel le 14 mai.
"Mme Diallo n'a jamais menti sur les faits et le rapport médical, établi par des médecins spécialisés dans les agressions sexuelles, constate la compatibilité des lésions de Mme Diallo avec les faits survenus deux heures auparavant", a poursuivi Me Montbrial.
"Dans le rapport officiel, il n'y a rien, ni griffure, ni blessure, ni aucune trace de violence, ni sur elle, ni sur moi (...) Ce rapport (...) il dit: Nafissatou Diallo a menti sur tout", a lancé Dominique Strauss-Kahn sur le plateau du journal télévisé le plus regardé de France.
Dans ce rapport diffusé le 23 août, le procureur n'écartait pas explicitement d'éventuelles violences, mais estimait que les "éléments physiques (...) n'établissent pas de manière indépendante son affirmation (de Mme Diallo, ndlr) d'une rencontre forcée et non consensuelle".
Le rapport final n'affirme pas non plus que la Guinéenne de 32 ans a "menti sur tout", comme le prétend DSK, mais plutôt qu'elle donné trois versions différentes de ce qui s'est passé "immédiatement après sa rencontre" avec lui.
La presse française de lundi très critique
La presse française critique lundi le flou des explications de Dominique Strauss-Kahn, son "égoïsme" et son manque de sincérité. Une intervention calibrée sur mesure par ses communicants, relève-t-elle.
Si Le Figaro regrette que le "débat passionnant entre Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn" n'ait pas lieu, Les Dernières nouvelles d'Alsace stigmatisent "l'égoïsme" de l'ancien directeur du FMI qui a "anéanti un avenir qui n'était pas seulement le sien pour '7 à 9' minutes de 'plaisir' officiellement 'précipité'."
"Égoïste jusqu'au bout, l'ancien directeur du FMI a pourri la séquence, positive, des primaires du PS" et "compromis sans état d'âme, et doublement, son "amie" Martine Aubry en confirmant - alors que personne ne le lui demandait - le pacte de désistement qu'elle aurait noué avec lui", écrit l'éditorialiste des DNA.
Beaucoup d'éditorialistes, comme dans Libération ou le Courrier picard, s'indignent de l'allusion faite par DSK à la thèse "abracadabrante" du complot. Ils estiment qu'il n'a pas convaincu, même si certains, comme Le Télégramme, lui reconnaissent "un certain panache". Selon Libération, DSK n'a pas évité "la maladresse, sinon le faux pas" en évoquant le complot "sans apporter l'once d'une preuve à cet invraisemblable scénario".
"DSK "piétiné", DSK "humilié", mais DSK libéré et blanchi par la justice américaine ? Cette séquence ne convaincra pas les femmes et les associations qui manifestaient à la même heure aux portes de TF1", ajoute La Voix du Nord, qui juge l'avenir de Dominique Strauss-Kahn "encore plus dévalué qu'un titre de la dette grecque".
"DSK ! Formidable avocat de sa propre cause, il atteint alors au sublime dans le registre de l'honneur bafoué et du mari repenti" s'exclame le Progrès de Lyon qui lui décerne un tonitruant "Chapeau l'artiste, et un grand bravo aux communicants d'Euro RSCG."
Pour La République du Centre, "ce n'est pas à Claire Chazal, amie d'Anne Sinclair, qu'il appartenait de conduire cette "interview", si l'on peut appeler ainsi le déroulé des questions obéissant à un plan préétabli. C'était manifestement trop "propre" et trop "calibré" pour que s'installe la moindre impression de spontanéité et de sincérité sur le plateau."