Le parquet a choisi d'ouvrir une enquête préliminaire confiée au directeur central de la police judiciaire. Elle vise les fonctionnaires qui auraient pu divulguer le contenu des écoutes et leur recel, ce fait concernant l'ex-ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, selon une source judiciaire.
Ce développement est en passe de devenir une "affaire dans l'affaire" menaçante pour Brice Hortefeux et le président français Nicolas Sarkozy, dont deux proches ont été inculpés pour une présumée corruption en marge de la campagne d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole.
Une écoute téléphonique, révélée vendredi par le quotidien "Le Monde", laisse penser que Brice Hortefeux était informé des déclarations à la police de l'épouse d'un protagoniste-clef de l'affaire, avant que le procès-verbal d'audition soit versé au dossier.
Fuites
L'accélération de l'enquête doit beaucoup au témoignage de la princesse Hélène de Yougoslavie, épouse de Thierry Gaubert, dont elle est aujourd'hui séparée. Elle a déclaré que son mari accompagnait en Suisse un intermédiaire dans des contrats d'armement, pour aller chercher des valises de billets "volumineuses". Et, selon elle, c'est Nicolas Bazire qui les récupérait en France.
Ce témoignage semble avoir beaucoup inquiété l'entourage de Nicolas Sarkozy.
Brice Hortefeux a téléphoné le 14 septembre à Thierry Gaubert pour le prévenir que sa femme "balançait beaucoup" devant le juge chargé de l'enquête, selon le journal Le Monde.
Pour le quotidien, cette conversation interceptée par la police prouve que Brice Hortefeux a eu accès aux déclarations sur procès-verbal d'Hélène de Yougoslavie alors même qu'elles n'étaient pas encore versées au dossier d'instruction.
Dans un communiqué, il "dément catégoriquement" avoir eu des informations sur la procédure judiciaire en cours. Il avait auparavant dit s'être basé sur "des rumeurs de presse" lors de sa conversation avec son ami.
Jeudi, l'Elysée avait laissé transparaître un accès exhaustif au dossier, dans un communiqué disant que le nom de Nicolas Sarkozy ne figurait dans aucune pièce ni aucun témoignage, ce qui est d'ailleurs inexact, selon les parties civiles.
Rétrocommissions
Le juge d'instruction en charge du dossier suit la piste d'un arrêt des versements des commissions promises pour la vente de sous-marins au Pakistan, qui aurait provoqué en représailles l'attentat de Karachi, qui a fait 11 tués français en 2002.
Une partie de l'argent serait revenu en France sous la forme de "rétrocommissions" qui, selon la piste suivie, auraient permis de financer la campagne d'Edouard Balladur.
Le président de l'Union syndicale des magistrats (USM), Christophe Régnard, a voulu que la lumière soit faite sur ces fuites. Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, réclamait lui une information judiciaire confiée à un magistrat indépendant.
agences/mre
Les magistrats parlent "d'interférences"
"Interférence", "volonté d'étouffer l'affaire": les syndicats de magistrats et figures de l'opposition se sont insurgés contre la manière dont les proches du chef de l'Etat organisent la riposte dans ce dossier potentiellement explosif à sept mois de la présidentielle.
"Il y a manifestement des incursions scandaleuses de l'exécutif, en particulier de l'Elysée, dans le cours de la justice", s'est indigné le secrétaire général du Syndicat de la magistrature Matthieu Bonduelle.