Cette dernière est la première femme arabe lauréate de ce prix. Les trois lauréates sont récompensées "pour leur lutte non violente en faveur de la sécurité des femmes et de leurs droits à participer aux processus de paix", a déclaré à Oslo le président du comité Nobel norvégien, Thorbjoern Jagland.
Ellen Johnson Sirleaf, première Africaine élue présidente
Première femme à être démocratiquement élue à la tête d'un pays africain en 2005, Ellen Johnson Sirleaf, 72 ans, a oeuvré pour la reconstruction d'un pays ravagé par 14 ans de guerres civiles, qui ont fait quelque 250'000 morts et laissé une économie exsangue.
"Depuis son investiture en 2006, elle a contribué à assurer la paix au Liberia, à promouvoir le développement économique et social, et à renforcer la place des femmes", a fait valoir Thorbjoern Jagland.
Aidée par Leymah Gbowee, "la guerrière de la paix"
Son accession au pouvoir a été rendue possible par le travail sur le terrain de Leymah Gbowee, surnommée "la guerrière de la paix", à l'origine d'un mouvement pacifique qui contribuera, notamment à l'aide d'une "grève du sexe", à mettre fin à la deuxième guerre civile en 2003.
Lancée en 2002, son initiative originale voit les femmes - toutes confessions religieuses confondues - se refuser aux hommes tant que les hostilités se poursuivent. Ce qui oblige Charles Taylor, ex-chef de guerre devenu président, à les associer aux négociations de paix.
"Leymah Gbowee a mobilisé et organisé les femmes au-delà des lignes de division ethniques et religieuses pour mettre fin à une longue guerre au Liberia et assurer la participation des femmes aux élections", a noté Thorbjoern Jagland.
La Libérienne Leymah Gbowee a estimé que son prix était "pour les femmes en général, mais particulièrement pour les femmes en Afrique".
Tawakkol Karman, première Arabe lauréate du Nobel de la paix
Issue d'un autre continent, la troisième lauréate Tawakkol Karman, "aussi bien avant que pendant le printemps arabe", a elle aussi joué "un rôle prépondérant dans la lutte en faveur des droits des femmes, de la démocratie et de la paix au Yémen", a-t-il ajouté.
La Yéménite Tawakkol Karman a dédié vendredi son prix aux militants du "Printemps arabe, se disant "heureuse et surprise" de l'avoir obtenu.
"Il s'agit d'un honneur pour tous les Arabes, les musulmans et les femmes. Je dédie ce prix à tous les militants du Printemps arabe", a déclaré la jeune femme, l'une des icônes du mouvement de protestation populaire au Yémen, à la chaîne d'information arabe Al-Arabiya, basée à Dubai.
"Je suis très heureuse (...) je ne m'attendais pas à recevoir ce prix et je ne savais même pas que ma candidature avait été posée", a-t-elle encore dit.
Cette Yéménite est une figure emblématique du soulèvement populaire contre le président Ali Abdallah Saleh au Yémen, pays conservateur où les femmes ne jouent pas de rôle de premier plan en politique. Journaliste, elle était un des principaux meneurs des manifestations estudiantines de janvier qui ont donné le coup d'envoi du soulèvement, avant le ralliement en février des partis politiques au mouvement.
Cette femme frêle avait été brièvement arrêtée fin janvier pour son rôle dans les manifestations. Elle avait fondé en 2005 le groupe "Femmes journalistes sans chaînes".
Prix remis le 10 décembre à Oslo
Jusqu'à présent, seules 12 femmes avaient reçu le prix Nobel de la paix en 110 ans d'histoire, la dernière étant l'écologiste kényane Wangari Maathai qui vient de décéder.
Un record de 241 individus et organisations étaient en lice cette année pour le Nobel de la paix, une édition pour laquelle des acteurs du "printemps arabe" étaient donnés comme favoris.
Le prix sera remis à Oslo le 10 décembre, date-anniversaire de la mort de son fondateur, l'industriel et philanthrope suédois Alfred Nobel. Il consiste en une médaille, un diplôme et un chèque de 10 millions de couronnes suédoises (environ un million d'euros).
agences/hof
UNE VICTOIRE POUR LES FEMMES, L'AFRIQUE ET LE MONDE ARABE
L'attribution vendredi du prix Nobel de la paix à deux Libériennes, la présidente Ellen Johnson et la militante Leymah Gbowee, et à une Yéménite, Tawakkol Karman, a été largement saluée comme une victoire pour les femmes, pour l'Afrique et pour le monde arabe.
La chancelière allemande Angela Merkel a félicité les trois lauréates, saluant notamment Tawakkol Karman "qui se trouve encore dans une situation où elle ne peut pas encore jouir de la liberté". Cette attribution "est un très bon signal" qui devrait encourager les autres militants de la paix et des droits des femmes, a ajouté lors d'une conférence de presse Angela Merkel.
Le président français Nicolas Sarkozy a salué trois femmes d'"exception", son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé jugeant que "le combat de ces trois femmes exemplaires constitue un message d'espoir pour les peuples africains et arabes". Et de saluer "toutes les femmes dans le monde qui s'engagent résolument pour l'avenir de leurs peuples".
Le chef historique du syndicat polonais Solidarité, Lech Walesa, lui-même prix Nobel de la paix en 1983, a estimé que cette distinction "sera un encouragement à agir, tant pour les trois lauréates que pour les autres habitants d'Afrique et de pays arabes". "Les femmes des pays arabes seront en particulier encouragées dans la lutte pour leurs droits, et il reste beaucoup à faire. La démocratie ne se construit pas en un jour", a ajouté Lech Walesa, ex-président polonais (2001-2005).
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a félicité vendredi les trois lauréates du prix Nobel de la paix, les deux Libériennes Ellen Johnson et Leymah Gbowee et la Yéménite Tawakkol Karman, estimant que le "choix ne pouvait être meilleur". "C'est un symbole du pouvoir des femmes. Avant tout, il traduit le rôle vital que les femmes jouent dans l'avancement de la paix et de la sécurité et des droits de l'homme", a-t-il ajouté, cité par son porte-parole Martin Nesirky.
L'archevêque sud-africain Desmond Tutu a estimé vendredi que la présidente sortante du Liberia Ellen Johnson Sirleaf, lauréate du Nobel de la paix 2011, avait "plus que mérité" ce prix qu'il a lui-même reçu en 1984 pour son combat contre l'apartheid. "La présidente du Liberia? Waouuuuhh": telle a été la réaction de Desmond Tutu en apprenant l'information après la messe célébrée au Cap pour ses 80 ans. "Elle le mérite plus que plusieurs fois. Elle a apporté la stabilité là où cela devenait un enfer".
Le chanteur de U2 Bono, présent à la messe d'anniversaire de l'archevêque, a aussi salué Ellen Johson Sirleaf: "Elle est la femme la plus extraordinaire et je suis heureux d'avoir travaillé avec elle pendant des années pour annuler la dette du Liberia", a-t-il à la presse qui attendait à la sortie de la cathédrale St George. "C'est merveilleux", a-t-il ajouté.
L'opposant libérien Winston Tubman a apporté le seul son de cloche négatif à cette pluie d'éloges, estimant que le prix Nobel de la paix décerné vendredi à la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf est "inacceptable et non mérité". "Ellen Johnson Sirleaf ne mérite pas un prix Nobel de la paix, parce qu'elle a commis la violence dans ce pays. Ce prix est inacceptable et non mérité", a affirmé par téléphone le principal adversaire en lice contre Ellen Johson Sirleaf à l'élection présidentielle de mardi au Liberia.
Quelques lauréats du Nobel de la paix
LES DIX DERNIERS LAURÉATS
2011 Ellen Johnson Sirleaf et Leymah Gbowee (Libéria), et Tawakkol Karman (Yémen)
2010 Le dissident chinois Liu Xiaobo
2009 Le président américain Barack Obama
2008 L'ex-président finlandais Martti Ahtisaari, médiateur au Kosovo
2007 L'ancien vice-président américain Al Gore et le GIEC (climat)
2006 Le Bangladais Muhammad Yunus et la Grameen Bank (micro-crédit)
2005 L'Egyptien Mohamed El-Baradei, directeur de l'AIEA
2004 Wangari Maathai, Kenya
2003 Chirin Ebadi, Iran
2002 Jimmy Carter, USA
LES LAURÉATES FÉMININES
2011 Ellen Johnson Sirleaf et Leymah Gbowee (Liberia), et Tawakkol Karman (Yémen)
2004 Wangari Maathaï (Kenya)
2003 Shirin Ebadi (Iran)
1997 Jody Williams (Etats-Unis)
1992 Rigoberta Menchu Tum (Guatemala)
1991 Aung San Suu Kyi (Birmanie)
1982 Alva Myrdal (Suède)
1979 Mère Teresa (Inde)
1976 Mairead Corrigan et Betty Williams (Grande-Bretagne)
1946 Emily Greene Balch (Etats-Unis)
1931 Jane Addams (Etats-Unis)
LES LAURÉATS AFRICAINS
2011 Le prix Nobel de la paix est décerné à la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et à sa compatriote militante Leymah Gbowee, conjointement avec la Yéménite Tawakkol Karman
2001 Le prix Nobel de la paix est attribué conjointement à l'ONU et à son secrétaire général, le Ghanéen Kofi Annan
1993 Le prix Nobel de la paix est attribué conjointement à Nelson Mandela, symbole de la lutte contre l'apartheid et futur président et au chef de l'Etat Frederik De Klerk, notamment pour leurs efforts en vue de "l'établissement d'une nouvelle Afrique du Sud démocratique"
1984 L'archevêque noir anglican d'Afrique du Sud, Mgr Desmond Tutu, se voit attribuer le prix Nobel de la paix pour son rôle de "leader" dans la campagne anti-apartheid
1978 Le président égyptien Anouar el Sadate partage le prix Nobel de la paix avec le Premier ministre israélien Menahem Begin, son cosignataire des accords de Camp David
1960 Le chef zoulou Albert John Luthuli, alors président du Congrès national africain (ANC, interdit en Afrique du Sud à cette époque) obtient le prix Nobel de la paix