Le Comité d'enquête de Russie a annoncé vendredi que Lom-Ali Gaïtoukaïev, un homme originaire de Tchétchénie, et un ancien policier, Sergueï Khadjikourbanov, ont été inculpés pour assassinat en groupe organisé. Les deux individus étaient déjà en détention et poursuivis dans le cadre de cette affaire.
Plusieurs suspects
Selon les enquêteurs, Lom-Ali Gaïtoukaïev a "reçu en juillet 2006, en échange d'une rémunération, l'ordre de tuer la journaliste" du journal d'opposition Novaïa Gazeta. A cette fin, il a recruté un lieutenant-colonel de la police de Moscou, Dmitri Pavlioutchenkov (arrêté fin août), l'ex-policier véreux Sergueï Khadjikourbanov et les frères tchétchènes Roustam, Djabraïl et Ibraguim Makhmoudov.
Dmitri Pavlioutchenkov est accusé d'avoir assuré la logistique de l'assassinat. Roustam Makhmoudov est, selon l'enquête, le tireur, tandis que les autres sont poursuivis en tant que complices. Sergueï Khadjikourbanov et les frères Makhmoudov avaient tous été acquittés à l'issue d'un premier procès en 2009. Roustam Makhmoudov, en fuite à l'époque du procès, avait été jugé par contumace. Il a finalement été arrêté en mai.
En 2010, la Cour suprême russe a renvoyé l'affaire au parquet et l'enquête a repris avec les mêmes suspects. Mais les enquêteurs n'ont pas pour autant pu identifier le mobile et le commanditaire de ce meurtre retentissant, tout en admettant que la journaliste a été tuée en raison "de son activité professionnelle". Malgré ces lenteurs, l'employeur de Politkovskaïa, le journal Novaïa Gazeta, garde confiance, et estime que les coupables finiront par être jugés et condamnés.
"Ceux qui sont soupçonnés d'avoir organisé et commis l'assassinat sont poursuivis. Le commanditaire reste encore inconnu. Mais nous sommes sûrs que, tôt ou tard, tous seront punis", écrit Novaïa Gazeta en Une vendredi. Par ailleurs, le journal lance une pétition pour que la mairie de Moscou finance une plaque à la mémoire de la journaliste. Les signatures seront remises au maire Sergueï Sobianine, un proche du Premier ministre russe Vladimir Poutine.
Scepticisme
L'ex-dissidente soviétique et défenseur des droits de l'Homme Lioudmila Alexeeva est, elle, beaucoup moins optimiste quant à la réalité des efforts des autorités pour identifier tous les coupables. "Je doute fortement que le commanditaire soit identifié un jour", estime-t-elle, pointant du doigt, selon Interfax, "les structures de l'Etat" qui "ne trahiront jamais l'un des leurs".
afp/bkel
Critique du pouvoir russe
Critique acerbe du pouvoir russe et notamment des exactions commises en Tchétchénie, Anna Politkovskaïa a été tuée de cinq balles dans son immeuble moscovite le 7 octobre 2006, jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine. Certains voient dès lors dans cette date un symbole plus qu'un hasard.
Trois jours après le crime, Vladimir Poutine s'était, lui, attiré bien des critiques, en s'efforçant de minimiser l'importance de la journaliste, la qualifiant d'"extrêmement insignifiante".
Les ONG de défense de droits de l'Homme ont à de multiples reprises accusés le régime russe d'être responsable de ce meurtre et d'autres assassinats non élucidés, estimant que les autorités ont créé en Russie un climat d'impunité pour les tueurs de journalistes.
Le porte-parole du Premier ministre, Dmitri Peskov, a balayé ces reproches et le caractère symbolique de la date du meurtre, dans une récente interview. "Les gars, vous devez être fous pour associer ça à Poutine", a-t-il déclaré à l'antenne de la chaîne télévisée en ligne, Dojd.