Certains hurlèrent leur joie aux caméras sitôt arrivés en surface, d'autres enlacèrent en silence un enfant, une femme: il y a un an, ces 33 hommes revenaient à la vie, lors d'un sauvetage de 22 heures qui chavira le monde.
Suivis par des centaines de millions de téléspectateurs aimantés à leur écran - un milliard, dira le président Sebastian Pinera - le 13 octobre 2010 à minuit et onze minutes, heure locale, les 33 mineurs étaient hissés de 622 mètres de fond, dans une opération de sauvetage couronnant deux mois de recherches, puis de maintien en vie des miraculés.
La chorégraphie, à laquelle participèrent plus de 600 ingénieurs, sauveteurs, médecins, avait été préparée pendant les deux mois de confinement des 33 hommes, bloqués par un éboulement souterrain le 5 août 2010, au fond de la mine de San José, dans le nord du Chili. "Un triomphe du génie humain", saluera après coup le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.
Les plus habiles en premier
Tout avait été préparé, jusqu'à l'ordre de sortie des 33, suivant l'état médical, l'aptitude, la réactivité face aux problèmes: d'abord ceux jugés "les plus habiles, puis les plus faibles, en dernier les plus forts", ceux à mêmes de résister à l'attente.
"Ils ont évalué la partie médicale, psychologique, vu comment nous étions en bas, et il s'est avéré que j'étais le plus indiqué pour être le dernier", se souvient Luis Urzua, qui ferma la marche à titre de chef de quart des mineurs. "La dernière nuit (en bas) je suis allé me reposer. J'avais passé la nuit précédente sans dormir et les sauveteurs m'ont envoyé dormir. J'ai très bien dormi, mieux que jamais", se rappelle Luis Urzua, topographe de 55 ans.
Florencio Avalos, contremaître de 31 ans, fut le premier à réaliser la longue ascension, dans une étroite nacelle métallique de 4 mètres de long construite pour l'occasion, treuillée dans un tunnel de 66 cm de diamètre, percé depuis deux mois.
Quinze minutes de remontée
"Un peu comme monter dans un ascenseur de 700 mètres, mais avec plus de bruit" (frottement contre les parois de roche), se souvient Luis Urzua. Au bout de 15 minutes de remontée, ce 13 octobre, Florencio Avalos, sous une ovation, émergea de terre, équipé d'un bio-harnais de spationaute pour mesurer son coeur, sa respiration, sa température, et les yeux recouverts de lunettes hyper-protectrices après deux mois de ténèbres.
Longuement, silencieusement, il étreint son fils de 7 ans Byron, son épouse Monica, puis le président Pinera aux premières loges. Quelques embrassades avec ingénieurs et secouristes, puis les médecins l'emportaient vers un centre médical sur site, pour les premiers d'une longue série d'examens.
La nacelle redescendit puis remonta, sans accroc, avec Mario Sepulveda, le pitre du groupe des 33, l'intenable. "Viva Chile, mierda !" (Vive le Chili, merde !) s'écria Mario Sepulveda, sortant de la nacelle comme un diable de sa boîte, frappant l'air de ses poings, sautant comme un cabri, apostrophant et blaguant avec les sauveteurs, le président, leur distribuant des cailloux de 600 m venant du fond qu'il avait remontés avec lui.
"J'espère que cela n'arrivera plus"
"J'ai été avec Dieu, et avec le Diable", dira-t-il de son enfer quelques instants plus tard, à peine calmé. "Je me suis bagarré avec eux. J'ai saisi la main de Dieu, c'était la meilleure. J'ai toujours su que Dieu allait nous sauver". Un à un, sans accroc, avec des remontées toujours plus rapides, la nacelle, joliment baptisée "Phenix", poursuivra son ballet pendant près de 22 heures.
"Chacun a attendu son tour avec calme, on était en vie, on allait bien, on mangeait normalement", se souvient Luis Urzua, soulignant combien les 33 hommes furent soignés, divertis, entraînés, pendant leur confinement par une équipe de spécialistes depuis la surface. Sorti le dernier, Luis Urzua fut accueilli par Sebastian Pinera: "Je vous remets mon tour (de chef de quart) comme convenu", déclara-t-il solennellement. "J'espère que cela n'arrivera plus jamais. Merci à tous".
agences/eai
Chronologie des événements
5 août 2010: 33 mineurs sont bloqués dans la mine d'or et de cuivre de San José (800 km au nord de Santiago), après un éboulement.
22 août 2010: les mineurs sont découverts vivants par une sonde souterraine. Ils font remonter un message sur un bout de papier: "Nous allons bien, les 33, dans le refuge".
26 août 2010: la télévision diffuse les premières images des 33 hommes, montrant leur organisation sous terre.
29 août 2010: premiers dialogues par radio-téléphone avec les proches et message du Pape. Les mineurs déplacent leur campement de survie vers une partie plus sèche de la galerie. Plus de 60 sondes de ravitaillement acheminées en une semaine.
30 août 2010: début du percement d'un puits de secours de 30 cm de large par une excavatrice, "Strata 950".
18 septembre 2010: la foreuse T-130 atteint les mineurs pour les ravitailler, mais doit encore élargir le conduit pour les extraire.
30 septembre 2010: les familles de 29 des 33 mineurs déposent une demande d'indemnisation de 12 millions de dollars contre le groupe San Esteban, propriétaire de la mine.
9 octobre 2010: jonction, à 622 mètres de profondeur, entre le puits de secours élargi et les mineurs.
13 octobre 2010: à minuit, heure locale, le premier des 33 mineurs, Florencio Avalos, est remonté sain et sauf à la surface. Dans la journée, ses compagnons sont hissés un à un du puits, par une nacelle. A 22 heures, Luis Urzua, le dernier des "33" est remonté à la surface. Célébrations de joie au Chili et dans le monde.
19 octobre 2010: après plusieurs jours d'examens médicaux complets pour tous, le dernier des 33 mineurs, Victor Zamora, est autorisé à quitter l'hôpital de Copiapo (nord) et à retrouver sa famille.
19 décembre 2010: les 33 créent une société anonyme pour protéger et exploiter leurs droits intellectuels et leur image.
16 juillet 2011: 31 des "33" poursuivent l'Etat chilien pour négligence, mettent en cause le Service national de géologie et des mines (Sernageomin) et réclament un demi-million de dollars d'indemnités.
30 août 2011: 14 des mineurs, les plus âgés et ceux souffrant de séquelles physiques et psychologiques, se voient octroyer une pension spéciale mensuelle de 250'000 pesos (538 dollars) par l'Etat, une de leurs revendications. Le cas des autres reste à l'étude.
afp