Le parti Ennahda obtient 90 sièges dans l'assemblée qui comprend 217 membres, un score correspondant à ce qu'espéraient les islamistes eux-mêmes. Durement réprimée sous l'ancien régime de Ben Ali et légalisée après la révolution, la formation islamiste fait ainsi une entrée par la grande porte sur la scène politique tunisienne et pèsera sur toutes les grandes décisions concernant l'avenir du pays.
Victoire saluée
Ennahda devance le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) avec 30 sièges (13,82%) et Ettakatol (gauche), avec 21 sièges (9,68%), a précisé le président de la Commission Kamel Jendoubi, quatre jours après les premières élections libres dans l'histoire du pays. Un concert d'avertisseurs a salué la victoire d'Ennahda et se poursuivait peu avant minuit dans les rues de Tunis. Selon l'Isie, les formations politiques disposent désormais d'un délai de deux jours pour introduire, si elles le souhaitent, un recours contre le résultat du scrutin.
Le numéro deux d'Ennahda, Hamadi Jebali, s'est félicité du score du parti islamiste. Il a remercié Dieu pour "la victoire". Khalil Zaouia, numéro deux du parti de gauche Ettakatol, a salué pour sa part "une victoire du peuple". "Les forces démocratiques n'ont pas été vaincues, c'est la démocratie qui a triomphé", a-t-il déclaré à la télévision.
Mohamed Abbou, dirigeant du Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste), s'est dit "surpris par le score d'Ennahda qui a dépassé les prévisions. Ce parti est conscient qu'il ne pourra pas gouverner tout seul", a-t-il dit. "Nous discutons avec Ennahda et Ettakatol pour la formation d'un gouvernement national", a-t-il ajouté.
Hechmi Haadmi retire ses listes
La liste surprise de ces élections, "La pétition populaire pour la justice et le développement" d'Hechmi Haadmi, un richissime homme d'affaires tunisien basé à Londres, arrivée en quatrième position avec 19 sièges, a été invalidée dans six circonscriptions pour "irrégularité de financement". Suite à cette décision, Hechmi Haadmi a annoncé le retrait de l'ensemble de ses listes.
L'annonce de cette mesure a provoqué une vague de violences à Sidi Bouzid, ville du centre de la Tunisie où avait commencé la révolution en décembre 2010, et dont Hechmi Haamdi est originaire. Des groupes de jeunes ont notamment mis à sac le local d'Ennahda et jeté des pierres sur les forces de l'ordre.
Peu après le scrutin de dimanche dernier, les islamistes et les principaux partis de gauche ont engagé des tractations pour la mise en place d'un gouvernement d'union nationale souhaité par Ennahda. Le numéro deux du parti islamiste, Hamadi Jebali, 62 ans, a indiqué qu'il se porterait candidat à la direction du prochain gouvernement et fait part de son intention de composer avec les principales formations de gauche.
Toutefois, le nouveau chef du gouvernement ne pourra être désigné que par le prochain président de la république par intérim, qui, lui-même, sera élu par la future assemblée constituante. L'ensemble du processus devrait s'étaler sur plusieurs semaines.
Ennahda tente de rassurer
Pour dissiper la vive appréhension que suscite sa prochaine accession au pouvoir, Ennahda s'est employé depuis plusieurs jours à rassurer les laïcs et les investisseurs étrangers inquiets de voir émerger un gouvernement islamiste dans l'un des pays les plus libéraux du monde arabe. Les droits des femmes et de tous ceux qui n'ont pas d'appartenance religieuse affirmée seront protégés en Tunisie, a promis le dirigeant islamiste Rachid Ghannouchi.
agences/bkel
L'UE salue le succès d'Ennahda
La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton et la Commission européenne ont félicité vendredi le parti islamiste Ennahda pour être arrivé en tête des élections à l'assemblée constituante en Tunisie, promettant l'aide de l'UE sur la voie de la démocratie et de la liberté.
"Nous saluons les candidats et les partis qui ont pris part à ce processus démocratique. Nous félicitons également le parti Ennahda, qui a recueilli le plus grand nombre de voix", déclarent Catherine Ashton et le commissaire en charge des relations avec les pays voisins de l'UE, Stefan Füle, dans un communiqué conjoint.
Tout en se réjouissant du fait que pour la première fois les Tunisiens ont eu "l'occasion de choisir librement et démocratiquement leurs représentants et de déterminer leur propre avenir", ils regrettent aussi "les affrontements survenus lors de l'annonce des résultats préliminaires et appellent au calme et à la retenue".