"Les Grecs doivent dire vite et sans ambiguïté s'ils choisissent ou non de garder leur place dans la zone euro". C'est ainsi que le Premier ministre français François Fillon a résumé le message adressé à Georges Papandréou lors de ce mini-sommet de crise.
Athènes a ébranlé l'Europe ainsi que les marchés financiers en annonçant lundi, à la surprise générale, sa décision de soumettre à un référendum le plan européen d'allègement de la dette grecque et d'endiguement de la crise de la zone euro. (Lire: Zone euro)
Le président français Nicolas Sarkozy a accueilli en fin d'après-midi au Palais des festivals, sur la Croisette, la chancelière allemande Angela Merkel, les principaux dirigeants de l'UE et la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde. Le Premier ministre grec Georges Papandréou, convoqué pour s'expliquer, est ensuite arrivé pour une seconde réunion.
"Nous avons pris il y a une semaine des décisions à 17" Etats membres de la zone euro, "nous n'acceptons pas que quelqu'un se dissocie de cette décision", a déclaré Jean-Claude Juncker, le patron de l'Eurogroupe, à l'issue de cette première réunion organisée à la hâte après l'annonce du referendum grec.
Et pour enfoncer le clou, les Européens ont aussi laissé entendre qu'ils ne seraient pas en mesure, avant le référendum grec, de verser comme promis à la Grèce l'aide financière dont elle a pourtant un besoin pressant pour éviter la faillite dans les semaines qui viennent.
Solution taboue
La décision grecque a bouleversé toute la stratégie du groupe des vingt principaux pays riches et émergents (G20) dont les chefs d'Etat et de gouvernement se réunissent jeudi et vendredi sur la Côte d'Azur avec pour ambition au départ d'éviter au monde de replonger dans le marasme économique.
Les Européens devaient y présenter à leurs partenaires leur plan de sortie de crise adopté dans la douleur la semaine dernière à Bruxelles, dont le but était aussi de rétablir la confiance et de rassurer les Etats-Unis et les pays émergents, inquiets de voir les problèmes européens stopper la croissance mondiale.
Mais la mise en oeuvre de ce plan est menacée par un "non" au référendum grec. "Si référendum il doit y avoir, il faut que les termes de ce référendum soient clairs: entre la solidarité européenne qui est offerte en contrepartie d'efforts et le choix de la faillite nationale, il faut choisir", a lancé François Fillon.
"Nous avons besoin de clarté. C'est à cela que doit servir la réunion de ce soir", a déclaré pour sa part Angela Merkel. C'est la première fois qu'une sortie d'un Etat de l'Union monétaire assortie de sa banqueroute, solution jusqu'ici totalement taboue, est aussi explicitement envisagée.
"Message clair"
"Le problème c'est qu'aujourd'hui, dans le climat social et politique grec, quelle que soit la question, la réponse risque d'être 'non'", souligne-t-on dans l'entourage d'un des dirigeants attendus mercredi à Cannes.
Lançant un "appel urgent et vibrant en faveur de l'unité nationale" en Grèce, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a aussi prévenu que les conséquences d'un rejet du plan "seraient imprévisibles", surtout pour les plus vulnérables.
Au contraire, a assuré Georges Papandréou, le référendum fournira un "message clair" sur l'appartenance de la Grèce à l'euro. L'autre exigence des partenaires d'Athènes porte sur la date du référendum. Le mois de janvier a été évoqué à Athènes. (Lire: Dette grecque)
"Il serait utile que les doutes soient levés le plus vite possible sur la voie que la Grèce souhaite prendre", a estimé le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. Selon un responsable européen, le référendum "doit pouvoir se faire avant Noël". D'ici là, les Européens espèrent que le Parlement grec adoptera le plan de sauvetage, sans attendre le référendum.
agences/mre
PAPANDRÉOU AVAIT INFORMÉ SES PARTENAIRES
Le premier ministre grec, Georges Papandréou, avait "informé ses partenaires de ses intentions" de soumettre à référendum l'accord européen de sauvetage du pays, a affirmé mercredi le porte-parole officiel grec, Ilias Mossialos.
"Il les avait informés de ses intentions", a insisté Ilias Mossialos interrogé sur la radio Vima, tout en reconnaissant qu'il n'avait pas précisé "la date, confidentielle, de l'annonce" de ce recours.
Plusieurs dirigeants européens ont reproché à Georges Papandréou, qui a fait part lundi soir sa décision de recourir au référendum, de ne pas les avoir tenus au courant.
Ilias Mossialos a défendu le droit du Premier ministre grec de garder l'initiative au nom de la "souveraineté nationale".
Il n'a par ailleurs pas exclu que le référendum puisse se tenir plus tôt que le début 2012, date évoquée jusque là par Athènes, une option envisagée au sein de la zone euro pour s'assurer du respect par la Grèce de ses engagements.
Les scénarios envisagés pour la Grèce
- DÉFAUT DE PAIEMENT ET ABANDON DE L'EURO
Longtemps tabou, ce scénario n'est plus exclu alors que les Grecs doivent se prononcer sur le sauvetage du pays et implicitement sur leur maintien au sein de la zone euro.
Las des cures d'austérité, ils pourraient dire "non" et leur pays se retrouver en cessation de paiement. Une faillite sans négociation préalable avec les banques créancières (dite "faillite désordonnée") - comme ce fut le cas pour l'Argentine qui a imposé une réduction de 75% de sa dette - serait lourde de conséquences pour la Grèce et pour la zone euro, avec un risque de contagion à d'autres économies jugées fragiles et un net affaiblissement de la monnaie commune par rapport au dollar.
Dans pareil cas, la Grèce quitterait très probablement l'Union monétaire, même si cette disposition n'est pas prévue dans les traités.
Pour la zone euro, cela pourrait être le début du démantèlement si d'autres pays choisissaient de suivre l'exemple de la Grèce.
- DÉFAUT DE PAIEMENT SANS SORTIE DE L'EURO
Les Grecs pourraient tenter de renégocier un plan d'aide qui lui soit moins défavorable, même si cette option est totalement écartée au sein de la zone euro.
La restructuration de la dette grecque pourrait être moins violente pour le secteur bancaire grec, qui détient massivement des titres de dette du pays.
Or, le plan de sauvetage remanié la semaine passée par les dirigeants de l'Union monétaire prévoit que toutes les banques créancières du pays, grecques comme étrangères, subissent 50% de pertes sur la dette hellène qu'elles possèdent.
Dans pareil cas, "les Européens mutualiseraient le reste de l'effacement de la dette", suggère Christian Parisot, économiste chez Aurel.
Cette solution pourrait éviter à la Grèce de sortir de la zone euro ou, sur le modèle du Kosovo, lui permettre de garder l'euro tout en ne faisant plus partie des 17.
- EXÉCUTION DES PLANS DE SAUVETAGE
C'est le scénario qui perd le plus en crédibilité avec les incertitudes liées au référendum: les différents plans de sauvetage et d'austérité seraient mis en oeuvre comme prévu, le gouvernement grec serait sensé réussir à stabiliser l'économie au fil des années.
Plusieurs députés grecs réclament la formation d'un gouvernement d'unité nationale afin de garantir l'exécution du plan de sauvetage qui a été remanié lors du sommet de la zone euro du 26 octobre.
Ils restent cependant de nombreuses incertitudes politiques. Il faut au préalable obtenir le feu vert de l'opposition qui ambitionne de renégocier les termes des plans d'aide, si elle arrivait au pouvoir.