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Colombie: le chef des Farc, Alfonso Cano, a été tué

Alfonso Cano, photographié ici en avril 2000, était considéré comme l'idéologue des Farc. [Scott Dalton]
Alfonso Cano, photographié ici en 2000, était le troisième dirigeant historique de la guérilla tué lors de combats ou emporté par la maladie depuis 2008. - [Scott Dalton]
Le chef de la guérilla des Farc, Alfonso Cano, l'homme le plus recherché de Colombie, a été tué lors des combats avec l'armée vendredi dans le sud du pays, a annoncé le président colombien Juan Manuel Santos en appelant la guérilla à se démobiliser.

"La mort d'Alfonso Cano a été confirmée. Nous avons porté le coup le plus sévère à cette organisation de toute son histoire", a déclaré le président colombien lors d'une allocution télévisée, dans la nuit de vendredi à samedi. "Nous devons insister jusqu'à ce que les Colombiens puissent avoir un pays en paix (...) la violence n'est pas la voie. Démobilisez-vous", a déclaré le chef de l'Etat en s'adressant directement aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc - marxistes).

Auparavant, la mort du chef des Farc, l'une des deux guérillas encore actives en Colombie avec l'Armée de libération nationale (ELN), avait été confirmée par le gouverneur du département de Cauca (sud-ouest), où il a été abattu, puis par le ministre de la Défense Juan Carlos Pinzon, quelques minutes avant le président. "Des forces de l'armée de terre et de l'air ont mené des opérations entre les municipalités de Suarez et Lopez de Mikay (département de Cauca) où l'on rapporte la mort historique d'Alfonso Cano", avait annoncé le gouverneur Alberto Gonzalez Mosquera.

L'idéologue des Farc

Alfonso Cano, 63 ans, considéré comme "l'idéologue" des Farc, dont le vrai nom est Guillermo Leon Saenz Vargas, est le troisième dirigeant historique de cette guérilla tué lors de combats ou emporté par la maladie depuis 2008. En mars 2008, l'homme ayant fondé les Farc en 1964, Manuel Marulanda, que Cano avait remplacé, a été emporté par une crise cardiaque. En septembre 2010, son chef militaire, Jorge Briceno, alias "Mono Jojoy", avait été tué dans un bombardement. En 2008 aussi, les Farc avaient perdu deux membres importants de leur bureau politique: Raul Reyes, tué lors d'un bombardement en Equateur, et Ivan Rios, tué par son aide de camp.

Sous l'effet de la montée en puissance de l'armée et la police colombienne, les Farc s'étaient repliées dans leurs fiefs traditionnels - la cordillère des Andes, dans le centre du pays et les régions frontalières - passant de 17'000 combattants au début des années 2000 à 8000 combattants en 2010, selon des données officielles. Toutefois, leurs actions s'étaient intensifiées en 2011, même si Alfonso Cano, un homme trapu portant des lunettes et une épaisse barbe noire, jugé plus politique et "modéré" que son prédécesseur, avait lancé en août 2010 un appel au dialogue au président colombien Juan Manuel Santos.

Les Farc s'étaient réorganisées, limitant leurs communications et privilégiant les petites unités. Selon Ariel Avila, spécialiste du conflit colombien au sein de l'Institut d'études Corporation Nuevo Arco Iris, d'intenses combats opposaient la guérilla à l'armée depuis une vingtaine de jours dans le Cauca.

Un impact "symbolique"

Depuis jeudi, une quinzaine de bombardements avaient eu lieu dans la région, selon lui. Le ministre de la Défense a précisé que des forces terrestres avaient identifié un campement où il était installé avant d'encercler l'homme, qui est mort lors de combats avec l'armée vendredi après-midi.

Auparavant, le responsable de la sécurité de Cano, avait été capturé et sa compagne aurait été tuée. Le ministre a en outre montré une photo du chef des Farc, mort, les yeux grands ouverts et sans sa traditionnelle barbe noire.

"La mort d'Alfonso Cano va avoir un impact symbolique sur les Farc, mais surtout un impact sur ses structures, qui s'étaient réorganisées après la mort" de Manuel Marulanda, a déclaré le politologue Alejo Vargas. "La guérilla aura beaucoup de mal à combler le vide" créé par la mort de Cano, non seulement en raison de son poids idéologique, mais aussi pour des raisons stratégiques", a déclaré pour sa part le spécialiste du conflit Alfredo Rangel, directeur de la Fondation Sécurité et démocratie.

afp/hof

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Portrait de l'idéologue des Farc

Alfonso Cano était le chef des FARC depuis 2008. Il était présenté comme le principal idéologue de cette guérilla marxiste qu'il a cependant su réorganiser militairement après la mort de son fondateur historique Manuel Marulanda.

Alfonso Cano, qui avait 63 ans, avait remplacé en 2008 Manuel Marulanda à la tête des Forces armées révolutionnaires de Colombie après sa mort suite à une crise cardiaque, en mars.

Son arrivée à la tête des Farc avait suscité des espoirs de dialogue et de paix, car Cano, membre de cette guérilla fondée en 1964 depuis la fin des années 1970, était considéré comme plus politique et modéré que son prédécesseur.

En 2010, Alfonso Cano avait effectivement appelé au dialogue le nouveau président Juan Manuel Santos, investi en août.

En janvier 2011, il avait également estimé qu'une reconnaissance par l'ensemble des partis politiques de leur responsabilité dans le conflit armé colombien pourrait entraîner immédiatement "un processus de réconciliation" dans le pays.

Alfonso Cano, dont le vrai nom était Guillermo León Sáenz Vargas, a cependant poursuivi, en parallèle, la réorganisation des Farc.

Les guérilleros, quelque 8000 selon des données officielles, ont été regroupés au sein d'unités de moindre taille, plus mobiles, et ont réduit au maximum leurs communications.

Cano est né à Bogota. Il a fait des études de droit et d'anthropologie à l'Université nationale (publique). Il était issu d'une famille de classe moyenne. Sa mère était institutrice et son père ingénieur.

Ancien membre des Jeunesses communistes, il a rapidement gravi les échelons des Farc.

Passionné d'histoire et de sciences politiques il a également participé à la création de l'Union patriotique, un parti fondé dans le cadre de négociations de paix avec le gouvernement du président Belisario Betancourt (1982-1986).

Après la rupture de ce dialogue et l'assassinat de près de 3000 membres du parti, Cano a pleinement rejoint les Farc et a notamment dirigé son Bloc nord-occidental, dans la région bananière d'Uraba, dans le nord-ouest de la Colombie.

Il a ensuite dirigé une délégation de la guérilla lors de nouvelles discussions de paix en 1991 et 1992 à Caracas et Tlaxcala (Mexique), où sa silhouette trapue, sa barbe noire et ses grandes lunettes sont sorties de l'anonymat.

Peu d'informations ont filtré sur sa famille, bien que l'un de ses frères, a été membre du conseil municipal de Bogota, au nom du Pôle démocratique alternatif (gauche) et l'a même appelé à déposer les armes.

Fumeur compulsif, peu disert et passionné de lecture, Cano se déplaçait récemment avec un petit groupe ne dépassant pas 20 à 25 personnes, pour ne pas être détecté.

Le président lance un appel au dialogue

Le président colombien Juan Manuel Santos a lancé samedi un appel au dialogue à la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) après la mort de leur chef Alfonso Cano lors de combats avec l'armée vendredi.

"Nous avons toujours dit que le dialogue n'était pas fermé. La porte du dialogue n'est pas fermée à clef", a déclaré Juan Manuel Santos depuis Popayan (650 km au sud-ouest de Bogota), capitale du département de Cauca, où Cano a été tué.