La présidence de la République a annoncé la nouvelle, accueillie par un tonnerre d'applaudissements à Rome. Comble de l'humiliation, le "Cavaliere", 75 ans, a dû quitter les lieux en empruntant une sortie dérobée, alors que des milliers de manifestants applaudissaient et faisaient sonner des cornes, en brandissant des drapeaux et en criant "bouffon, bouffon!" devant l'entrée principale du palais.
Le chef du gouvernement italien était déjà arrivé samedi soir sous les huées au palais du Quirinal pour présenter sa démission au président Giorgio Napolitano, dont la résidence était entourée d'une foule dense prête à fêter le départ du "Cavaliere".
Plus tôt, alors qu'il quittait sa résidence privée pour se rendre au Quirinal, des manifestants avaient déjà salué son passage en voiture aux cris de "Bouffon! Bouffon!", "Honte!" et "C'est fini!".
Un "Cavaliere" peiné
Silvio Berlusconi s'est par ailleurs dit profondément peiné par les huées qui ont salué son apparition publique avant de regagner son domicile romain à l'issue de son dernier Conseil des ministres, a indiqué l'agence Ansa. (Lire: L'épilogue approche pour Berlusconi).
"C'est quelque chose qui me fait beaucoup de peine", a confié le "Cavaliere" à quelques dirigeants de son parti réunis à son domicile personnel.
Mais Silvio Berlusconi n'a pas pour autant perdu la volonté de se battre: "Nous sommes en mesure de débrancher la prise quand nous voulons", a-t-il confié en référence au soutien que son parti, le Peuple de la Liberté, apporterait au gouvernement de transition qui devrait être confié -sauf énorme surprise- à l'ex-commissaire européen Mario Monti, 68 ans.
Silvio Berlusconi avait promis de quitter ses fonctions une fois votée par le parlement une loi de stabilité financière réclamée par les partenaires européens de l'Italie, ce qui est intervenu samedi en fin d'après-midi.
Menacée d'une asphyxie qui entraînerait dans l'abîme l'ensemble de la zone euro, l'Italie a déjà commencé à rassurer les investisseurs vendredi avec l'adoption au Sénat d'un plan anti-crise promis à l'UE. (Lire: Dette italienne)
Dix-sept ans de règne
A 75 ans, le magnat des médias qui a profondément marqué la vie politique italienne des 17 dernières années est accusé d'avoir miné la crédibilité de son pays.
Porté en triomphe lors de son entrée en politique il y a 17 ans, lors de la création de son parti "Forza Italia" (Allez l'Italie!), Silvio Berlusconi était affaibli depuis des mois par trois procès -pour corruption, fraude fiscale et prostitution de mineure-, les scandales sexuels et l'étiolement progressif de sa majorité.
Mais il part sous la pression des marchés et une envolée des taux qui menace l'Italie d'asphyxie financière. Devant la crainte d'une contagion qui fait frémir l'Europe et la planète, le pays a été placé sous le contrôle du FMI, de l'Union européenne et de la Banque centrale européenne.
Avec une cote de popularité qui s'était écroulée à 22%, le Cavaliere a perdu la majorité absolue mardi à la Chambre des députés. Tout se joue pour quelques heures encore au Quirinal, où Giorgio Napolitano a appelé les forces politiques à "agir avec responsabilité".
Négociations ardues
"La grave crise financière et économique, interne et internationale représente un défi pour la cohésion sociale de notre pays", a-t-il déclaré dans la matinée. Car il doit faire face à une partie de l'actuelle majorité qui renâcle à soutenir un gouvernement de transition ouvert à l'opposition et réclame des élections anticipées.
"Pour tout l'or du monde, je ne ferai jamais partie d'un exécutif avec des représentants de gauche", s'est énervé le ministre de la Défense, Ignazio La Russa, ex-néo-fasciste.
agences/olhor
LIESSE POPULAIRE A ROME
Dès l'après-midi, une foule avait envahi divers symboles du pouvoir à Rome aux cris de "Démission, démission". Certains brandissaient des drapeaux italiens tricolores -vert, blanc, rouge-, d'autres arboraient des pancartes "Bye-bye Silvio!", "Disparais!" et "Enfin!". Sur la place du Quirinal, un orchestre improvisé, dont les musiciens et choeurs s'étaient retrouvés sur internet, avait plus pacifiquement entonné un bel Alleluia de Haendel.
"Aujourd'hui, nous sommes ici parce que nous sommes très, très heureux que Berlusconi, finalement, rentre chez lui! Qu'il retourne à la maison!", déclarait une manifestante au milieu d'un concert de sifflets. "Ciao, et surtout, ne reviens pas!", lançait un autre.
Quelques manifestants ont toutefois applaudi le président du Conseil. Il "est unique, inoubliable. Il n'y a personne à la hauteur", déclarait Massimo della Seta, un ouvrier de 25 ans. "On se sent orphelins", déplorait Maria Teresa Borghelli, 54 ans.
Hypothèses sur un avenir
Après sa démission, que va faire Silvio Berlusconi de son temps libre? Un come-back en politique est l'hypothèse la plus probable, même si les observateurs notent que ses options sont multiples: retraite sous les tropiques, gérer son équipe de football et dans le pire des cas la prison.
L'hyper-médiatique Cavaliere, 75 ans, ne se voit pas en retraité: "Peut-être que je donnerai un coup de main dans les campagnes électorales, j'ai toujours été très bon à ça". Peu d'experts politiques osent l'éliminer d'ores et déjà de leur tableau de bord: il reste en effet député du Peuple de la Liberté (PDL), le parti qu'il a fondé, jusqu'à la fin de la législature en 2013.
D'autres suggèrent en plaisantant qu'il pourrait tenter d'échapper à ses ennuis judiciaires en optant pour un luxueux exil, comme l'avait fait son mentor en politique, Bettino Craxi. Dans cette hypothèse, il pourrait se rendre à Antigua, qui n'autorise pas les extraditions et où le magnat des médias possède un luxueux complexe de villas.
Grand fan de football, il n'est pas exclu enfin qu'il redevienne président de l'AC Milan, le club dont il est propriétaire et qui a remporté le championnat d'Italie en 2011.