Emporté par une frénésie de la construction, l'Espagne a bâti, à partir de l'an 2000, environ 700'000 logements par an, autant que la France, l'Allemagne et l'Angleterre réunies, jusqu'à l'engorgement de 2008, au moment où démarrait la crise financière. Quand la bulle a éclaté, l'effet a alors été multiple. Des faillites en cascade de promoteurs immobiliers et la mise au chômage de nombreux ouvriers de la construction ont été constatées.
A long terme, l'Espagne a perdu une précieuse source de revenus. Dans ce pays très décentralisé, régions et municipalités, qui en avaient bien profité, construisant des piscines, des autoroutes, voire des aéroports, n'ont pas su freiner leurs dépenses à temps. A fin juin, les 17 régions d'Espagne cumulaient 133,2 milliards d'euros de dette, les villes 37,6 milliards, des records historiques.
Taux de chômage abyssal
Pendant des années, la bulle immobilière a porté la croissance de l'Espagne à des rythmes insolents. En 2004, à l'arrivée au pouvoir du socialiste José Luis Zapatero, elle s'affiche à 3,3%. C'est alors la dixième année consécutive que le pays avance plus vite que la moyenne européenne. Sept ans plus tard, le chômage a doublé à 21,5% et culmine à 45,8% chez les jeunes. Et la croissance fin 2011 ne devrait pas dépasser 0,8%, a admis le gouvernement espagnol.
Sur un plan économique, "l'Espagne est probablement l'un des pays qui a le plus changé en très peu de temps", note Carlos Sebastian, professeur à l'université Complutense de Madrid. "Entre 2007 et 2009, nous sommes passés d'un excédent budgétaire de 2% du PIB à un déficit de 11%". "J'ai toujours été assez pessimiste face à la mauvaise qualité de la croissance espagnole", dit-il, "parce qu'elle était fondée sur la création de mauvais emplois", "d'une énorme fragilité" car peu qualifiés.
Cure d'austérité en vue
Ne pouvant plus miser sur la brique, le pays ne sait plus où trouver de la croissance. Nombre d'économistes prévoient que début 2012 il retombera en récession, deux ans après en être sorti. Dès cette année, il ne devrait pas réussir à réduire son déficit à 6% du PIB comme prévu. La droite, donnée gagnante dimanche, a prévenu qu'elle appliquerait une grande austérité, en interdisant tout déficit aux régions.
"Pendant les cent premiers jours, le nouveau gouvernement va devoir faire des réformes", du marché du travail et du système financier, pour rassurer des marchés plus que jamais fébriles, estime Juan José Toribio, économiste à l'IESE Business School de Madrid, mais aussi "un programme de réduction de la dépense publique" pour baisser le déficit. "Le pire que pourrait faire le gouvernement (élu), c'est de ne pas agir", met-il en garde.
afp/dk
Le vrai problème : la dette privée
Le secteur bancaire, qui a prêté à tout-va, aux promoteurs comme aux ménages, a désormais sur les bras 176 milliards d'euros de crédits problématiques et d'immeubles et terrains saisis.
Les emprunteurs, eux, font face à de lourdes créances. En 2010, selon le Fonds monétaire international (FMI), les foyers espagnols accumulaient une dette brute équivalente à 90% du PIB et les entreprises 205%.
"Le problème de l'Espagne, ce n'est pas sa dette publique, qui est soutenable à court et moyen terme (65,2% du PIB, vingt points sous la moyenne européenne)", selon Fernando Hernandez, analyste de la banque Inversis.
Le vrai problème, "c'est la dette privée, des entreprises immobilières, des constructeurs et des familles", poursuit-il. Cette question, d'après lui, "mettra des années à se résoudre".