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Procès de trois cadres des Khmers rouges

Nuon Chea était l'idéologue du régime de Pol Pot.
Nuon Chea était l'idéologue du régime de Pol Pot.
Le procès fleuve des trois plus hauts responsables encore en vie du régime des Khmers rouges, qui a causé la mort de deux millions de personnes dans les années 70 au Cambodge, s'est ouvert lundi.

Lors de ce nouveau procès, qui a début dans la capitale Phnom Penh, trois cadres politiques du régime marxiste totalitaire de Pol Pot (1975-79) sont accusés de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité, dans une procédure tentaculaire qui durera des années et concerne quelque 4000 parties civiles.

L'idéologue du régime Nuon Chea, l'ex-ministre des Affaires étrangères Ieng Sary et le président du "Kampuchea démocratique" Khieu Samphan, étaient tous les trois présents pour les premières constatations de l'accusation. Celle-ci a énuméré les pires heures de l'histoire du Cambodge.

Trois octogénaires qui rejettent les critiques

Des centaines de Cambodgiens, des moines, des étudiants et des survivants, se sont entassés dans la salle d'audience, séparés des accusés par une immense vitre dans un bâtiment moderne construit en banlieue de la capitale.

Mais les attentes des victimes risquent d'être déçues par les trois octogénaires, qui rejettent les accusations. Seul Khieu Samphan, 80 ans, avait assuré de sa coopération en juin lors de l'ouverture technique du procès. Nuon Chea, 85 ans, avait pour sa part quitté la salle d'audience. Et Ieng Sary, 86 ans, a pour sa part annoncé qu'il ne témoignerait pas.

"Un immense camp d'esclavage"

Khieu Samphan occupait le poste de président dans les années 70.
Khieu Samphan occupait le poste de président dans les années 70.

"Le parti communiste du Kampuchéa a transformé le Cambodge en un immense camp d'esclavage, imposant à une population entière un système dont la brutalité continue jusqu'à aujourd'hui de défier l'entendement", a déclaré la procureure cambodgienne, Chea Leang.

La magistrate a évoqué "la nature impitoyable des évacuations forcées, les "conditions insupportables" des sites de travail forcé ou encore les mariages forcés en vertu desquels les victimes étaient "forcées d'avoir des relations sexuelles" avec leur partenaire désigné, sous peine d'exécution.

"Ces crimes ordonnés et orchestrés par les accusés comptent parmi les pires jamais infligés à une Nation dans l'Histoire moderne", a-t-elle ajouté, en citant un camp de travail du nord-ouest du pays où 70 à 80 personnes mouraient chaque jour.

La procédure accélérée

Alors que beaucoup craignent que certains des accusés ne meurent avant d'entendre un verdict, le tribunal, souvent accusé de lenteur, a découpé le procès pour accélérer la procédure.

Le segment ouvert lundi est consacré aux déplacements de population et aux crimes contre l'humanité. Mais l'accusation, avide de solennité, avait indiqué qu'elle présenterait l'ensemble du dossier lors de ses propos introductifs, y compris les faits de génocide.

Si les trois principaux accusés étaient dans la salle, l'ancienne ministre des Affaires sociales et "première dame" Ieng Thirith, épouse de Ieng Sary, qui souffre de pertes de mémoire, de démence et probablement de la maladie d'Alzheimer, et a été déclarée inapte à être jugée et n'était pas présente.

afp/boi

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Le deuxième procès

Ce procès est le deuxième du tribunal international concernant l'ancien régime au pouvoir au Cambodge.

En juillet 2010, Douch alias Kaing Guek Eav, chef de la prison S21 de la capitale où quelque 15'000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées, avait été condamné à 30 ans de prison. Le verdict en appel est attendu le 3 février.

Pol Pot, le "frère numéro un", est lui mort en détention en avril 1998 sans avoir été jugé.

Deux autres dossiers contre des cadres moins importants du régime devraient, selon les observateurs, être abandonnés.

Le Premier ministre Hun Sen s'est toujours publiquement opposé à de nouveaux procès, et le tribunal a fait l'objet de fortes polémiques sur son comportement face aux pressions politiques.