Danielle Mitterrand est décédée à 2h du matin à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris, a déclaré un proche mardi. Entrée à l'hôpital vendredi, elle avait été placée dans un coma artificiel durant le week-end. Née le 29 octobre 1924 à Verdun, dans la Meuse, l'ancienne Première dame souffrait de problèmes respiratoires. Elle avait déjà été hospitalisée en septembre.
Ces derniers temps, Danielle Mitterrand était apparue "ralentie dans ses déplacements mais opérationnelle dans ses combats", avait déclaré un autre de ses proches le week-end dernier.
Résistante et humanitaire
Tout au long de sa vie, Danielle Mitterrand s'était surtout fait connaître par une infatigable activité de militante des droits de l'homme et consacrée à la défense des peuples opprimés: soutien aux peuples kurde, tibétain, à Cuba, au sous-commandant Marcos (Mexique), partage équitable de l'eau ou dénonciation de l'esclavagisme, les causes qu'elle a ardemment défendues étaient nombreuses. Elle a dans ce but fondé l'organisation France Libertés.
Née Danielle Gouze, Danielle Mitterrand s'était engagée à 17 ans dans la Résistance comme infirmière bénévole. C'est à Cluny, en Bourgogne, dans la maison familiale où s'est réfugié son père, qu'elle rencontre le capitaine "Morland", alias François Mitterrand, alors recherché par la gestapo. La mariage est célébré le 27 octobre 1944.
A l'Elysée durant 14 ans
Entraînée malgré elle dans le tourbillon de la politique, elle accompagne son mari lors des nombreuses campagnes qu'il mène entre la guerre et 1981, et son élection à la présidence de la République, et sa réélection en 1988.
A l'Elysée, elle refuse de se laisser enfermer dans le protocole et parvient à utiliser la tribune que lui offre sa place d'épouse du chef de l'Etat pour se consacrer à la défense des droits de l'Homme. En 1986, elle crée la fondation France-Libertés qui a fêté en octobre son 25e anniversaire. En 1992, elle échappe à un attentat (avec le ministre de la Santé et de l'action humanitaire, Bernard Kouchner) lors d'un voyage dans le Kurdistan irakien.
Ses initiatives, qui ont parfois placé la diplomatie française en porte-à-faux, ont été critiquées par des gouvernements étrangers peu enclins à faire le distinguo entre l'épouse du président et la militante. Elle a ainsi suscité la polémique en embrassant Fidel Castro sur les marches de l'Elysée lors de la visite du chef de l'Etat cubain en 1995. "Ma qualité d'épouse du président m'a placée au carrefour d'appels innombrables d'hommes et de femmes opprimés", déclarait-elle souvent. "L'objectif est clair: un monde plus juste", ajoutait-elle.
Une vie privée discrète
Mère de deux fils, Gilbert et Jean-Christophe (le troisième, Pascal, est décédé à l'âge de 2 mois), grand-mère et arrière grand-mère, elle ne ménageait pas son temps pour honorer la mémoire de son époux, mort en 1996. Lors de ses obsèques, on se souvient qu'elle avait étreint avec tendresse Mazarine, la fille longtemps cachée que François Mitterrand avait eue avec une autre femme.
Danielle Mitterrand, qui a vécu jusqu'à la fin de sa vie au domicile conjugal du couple près de la Seine, a écrit une dizaine de livres, dont son best-seller "En toutes libertés" (1996) et "Le livre de ma mémoire" (2007). Elle détestait plus que tout parler de sa vie privée et est restée toujours discrète, habillée sans effets et sans prétention.
"Première dame de France, ce n'est pas un statut officiel. L'important, c'est ce qu'on veut, ça dépend de la personnalité", affirmait toujours Danielle Mitterrand.
agences/boi
De multiples hommages
Nicolas Sarkozy a salué le "parcours exemplaire d'une femme qui n'abdiqua jamais ses valeurs" et "sut faire preuve d'une indépendance d'esprit, d'une volonté et d'une dignité exceptionnelle". Le chef de l'Etat a aussi noté que "ni l'épreuve, ni la victoire" durant le parcours "hors du commun" de François Mitterrand "ne la firent dévier du chemin qu'elle s'était tracé: faire entendre la voix de ceux que personne ne voulait entendre".
Le candidat du PS à la présidentielle de 2012 François Hollande a rendu hommage à "une grande dame, engagée très jeune dans la résistance, qui avait mis son courage et son immense énergie au service de la cause qui valait pour elle, celle des libertés".
Le président du groupe socialiste à l'Assemblée Jean-Marc Ayrault a salué la mémoire de cette "grande dame dont on est fier". Jusqu'au bout, Danielle Mitterrand est "restée fidèle aux engagements de sa jeunesse" et de "son éducation dans le milieu laïc, républicain, progressiste", à cet engagement "de liberté". "C'est une belle leçon de vie", a-t-il déclaré.
Exprimant sa "tristesse", Ségolène Royal a évoqué une "militante inlassable des droits humains, une passionnée de la défense des grandes causes comme l'accès à l'eau potable, une résistante dès la première heure contre toutes les formes d'oppression".