La manifestation se déroulait sans incidents en milieu d'après-midi, après plusieurs jours marqués par de violents affrontements au Caire et dans d'autres villes du pays, qui ont fait officiellement 41 morts et plus de 3000 blessés. Elle survient à trois jours du début des premières législatives de l'après-Moubarak que l'armée a maintenu à la date prévue malgré la crise actuelle. Des milliers de partisans de l'armée se sont quant à eux rassemblés à quelques kilomètres de Tahrir, dans le quartier d'Abbassiya, en scandant "L'armée, la police et le peuple, d'une seule main".
Premier ministre désigné
Sur le plan politique, l'armée a nommé au poste de Premier ministre Kamal el-Ganzouri (78 ans), un ancien chef de gouvernement (1996-99), selon la télévision d'Etat. Kamal el-Ganzouri remplace Essam Charaf, qui a démissionné avec le reste du gouvernement en raison de la crise actuelle.
Economiste formé aux Etats-Unis, il était devenu très discret ces dernières années, avant de réapparaître dans la presse après le renversement de Hosni Moubarak en février. Il aura la rude mission d'affronter la plus grave crise que traverse le pays depuis la chute de l'ancien raïs, à quelques jours du début lundi de législatives cruciales pour le processus de transition politique de ce pays du "printemps arabe".
"Stabilité ou chaos"
Après une semaine d'occupation de la place Tahrir, le quotidien gouvernemental Al-Ahram titrait en une "Le vendredi de la dernière chance... la stabilité ou le chaos". Un autre quotidien gouvernemental, Al-Akhbar, affirmait qu'il s'agissait du "vendredi du tournant". (Lire: Les Egyptiens restent mobilisés contre l'armée)
Vendredi, les manifestants scandaient "Maréchal, réveille toi, c'est ton dernier jour!", faisant allusion au maréchal Hussein Tantaoui, chef d'Etat de fait du pays. "On a beaucoup patienté, maintenant il y a une crise de confiance", explique à l'AFP Hazem Diab, 26 ans, employé dans l'informatique.
ElBaradei et un grand imam avec le peuple
Mohamed ElBaradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix en 2005, s'est joint à la foule sur Tahrir, un drapeau égyptien sur les épaules, pour participer à la traditionnelle prière musulmane du vendredi.
Le grand imam de l'institution théologique renommée d'Al-Azhar, cheikh Ahmed el-Tayyeb, a fait savoir par un représentant aux manifestants de Tahrir qu'il "soutient et prie pour votre victoire". C'est la première depuis de nombreuses années que l'imam d'Al-Azhar, désigné par le président de la République, adopte des positions opposées au pouvoir.
Le pouvoir militaire reste braqué
L'armée a toutefois écarté jeudi une nouvelle fois l'hypothèse d'un départ immédiat du pouvoir, des hauts gradés assurant que cela reviendrait à "trahir le peuple". L'armée a annoncé mardi une présidentielle avant fin juin 2012, par laquelle elle s'est engagée à remettre le pouvoir exécutif à un chef d'Etat élu, mais les manifestants estiment cette annonce insuffisante. Outre le retour à une gouvernance civile, ils ont également placé ce vendredi sous le slogan "le droit des martyrs", pour exiger la poursuite des responsables de la mort de 41 personnes décédées, dont 36 au Caire.
Au lendemain d'un accord conclu jeudi entre manifestants et forces de l'ordre pour faire cesser les violences à Tahrir, le calme régnait vendredi sur la place. La police a muré la rue Mohamed Mahmoud, menant au ministère de l'Intérieur et théâtre des heurts les plus violents, a constaté un journaliste de l'AFP.
Mises en garde de Reporters sans frontières
Par ailleurs, Reporters sans frontières a une nouvelle fois déconseillé aux médias internationaux d'envoyer en Egypte des femmes journalistes, après une série d'agressions sexuelles. Une journaliste de la chaîne France 3 a déclaré avoir été violemment frappée et victime d'une agression sexuelle de la part d'hommes en civil jeudi au Caire, après qu'une journaliste égypto-américaine a fait état de violences sexuelles de la part de policiers.
A l'étranger, le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a lui dit avoir "espoir" que la révolution aboutira. D'autre part, le gazoduc égyptien livrant du gaz à Israël et à la Jordanie a été frappé vendredi par une nouvelle explosion d'origine criminelle et non-revendiquée, la huitième cette année.
agences/olhor
Les Etats-Unis demandent un rapide transfert du pouvoir
La Maison blanche a exhorté vendredi l'armée égyptienne à transférer le pouvoir à un gouvernement civil le plus vite possible. Elle réclame également une enquête "indépendante" sur les décès de manifestants ces derniers jours.
"Nous croyons, et cela est très important, que le transfert complet de pouvoir à un gouvernement civil doit avoir lieu de manière juste et sans exclusive, qui réponde aux aux aspirations légitimes du peuple égyptien, dès que possible", a déclaré Jay Carney, porte-parole de la Maison Blanche, dans un communiqué.
La résolution de crise en Egypte passe par "une solution plus en profondeur, élaborée par les Egyptiens", poursuit-il. "Les Etats-Unis pensent que le nouveau gouvernement égyptien doit être doté immédiatement de l'autorité véritable" et Washington "se tiendra aux côtés du peuple égyptien tandis qu'il construit une démocratie digne de son Histoire glorieuse", assure Jay Carney.
"Nous croyons que la transition de l'Egypte vers la démocratie doit se poursuivre, que les élections doivent se dérouler rapidement, et que toutes les mesures doivent être prises pour assurer la sécurité et éviter les intimidations", poursuit le texte.