Laurent Gbagbo, attendu dans la nuit aux Pays-Bas, sera le premier ex-chef d'Etat à comparaître devant la CPI qui, créée en 2002, est le premier tribunal international permanent chargé de poursuivre des auteurs de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Ce transfert intervient à une dizaine de jours des élections législatives du 11 décembre, et alors que la réconciliation entre le camp Gbagbo et celui du nouveau président Alassane Ouattara patine, après la crise post-électorale de décembre 2010-avril 2011 qui a fait quelque 3000 morts.
Laurent Gbagbo avait reçu un peu plus tôt dans la journée le mandat d'arrêt émis par les juges de la CPI le 23 novembre.
Enquête de la CPI
A la demande d'Alassane Ouattara, la CPI conduit depuis octobre sa propre enquête sur des crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis pendant la crise née du refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010, et qui s'est conclue par deux semaines de guerre.
Les forces pro-Gbagbo comme les ex-rebelles pro-Ouattara et leurs alliés sont pointés du doigt. Avant même le transfert, les Etats-Unis ont jugé que Laurent Gbagbo "doit rendre des comptes pour les atteintes aux droits de l'homme qu'il a pu commettre", estimant que "tout procès crédible et transparent" est "certainement constructif dans l'optique de la réconciliation".
D'autres personnalités inculpées
A l'inverse, Me Lucie Bourthoumieux, l'une des avocates de Laurent Gbagbo, a affirmé que le mandat d'arrêt de la CPI était "illégal" et qu'il allait "exacerber les antagonismes entre toutes les parties".
Arrêté le 11 avril à Abidjan et détenu ensuite à Korhogo, fief de son rival, Laurent Gbagbo, de même que son épouse Simone qui est en détention à Odienné (nord-ouest), a été inculpé en août par la justice ivoirienne pour "crimes économiques" commis durant la crise.
Dans le cadre des mêmes enquêtes nationales, plusieurs dizaines de personnalités du régime déchu, des civils et des militaires, sont détenues pour crimes de sang, "atteinte à l'autorité de l'Etat" ou "crimes économiques".
Parmi elles, l'ex-Premier ministre Gilbert Aké N'Gbo et plusieurs anciens ministres, le fils de l'ex-président, le Franco-Ivoirien Michel Gbagbo, le chef du Front populaire ivoirien (FPI, ex-parti au pouvoir) Pascal Affi N'Guessan, et plusieurs poids lourds de l'appareil sécuritaire de l'ancien régime.
agences/lan
Une enquête "impartiale"
Lors d'une visite à Abidjan le 15 octobre, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, avait promis une enquête "impartiale".
Il avait aussi indiqué qu'il ciblerait de "trois à six" personnes ayant les plus lourdes responsabilités dans les crimes.
Du côté des nouvelles autorités, on ne cachait pas depuis plusieurs semaines son impatience de voir Laurent Gbagbo transféré à La Haye, présentant parfois cet éloignement comme une condition de la "réconciliation" voulue par le pouvoir.
Mais le camp Gbagbo, qui dénonce une "justice des vainqueurs" car aucun responsable pro-Ouattara n'a été inquiété, a toujours fait de la libération de son champion une exigence pour un apaisement. Il a invoqué notamment la détention de nombre de ses figures pour boycotter les législatives.