Le FPI (Front populaire ivoirien) "condamne ce véritable hold-up politico-juridique de transfèrement" et "suspend sa participation à tout processus de réconciliation", selon un communiqué publié après une réunion de la direction du parti.
L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a été écroué à La Haye dans la nuit de mardi à mercredi. Il est soupçonné par la Cour pénale internationale de quatre chefs de crimes contre l'humanité commis lors des violences post-électorales de 2010-2011.
"Laurent Gbagbo aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle, en tant que coauteur indirect, pour quatre chefs de crimes contre l'humanité à raison de meurtres, de viols et d'autres violences sexuelles, d'actes de persécution et d'autres actes inhumains", a annoncé mercredi la Cour pénale internationale (CPI) dans un communiqué.
Cette cour est le premier tribunal pénal international permanent chargé de juger les auteurs de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Audience initiale
La CPI a confirmé l'incarcération de Laurent Gbagbo, 66 ans, sous le coup d'un mandat d'arrêt, au centre de détention de la Cour, à La Haye, où il a été transféré après son arrivée en avion à l'aéroport de Rotterdam (ouest des Pays-Bas).
L'ex-chef d'Etat ivoirien, le premier livré à la Cour depuis son entrée en fonction en 2002, va assister "prochainement" à une audience de comparution initiale, destinée notamment à vérifier son identité, à l'informer de ses droits et des crimes qui lui sont imputés, selon la CPI.
Cette audience initiale pourrait avoir lieu jeudi ou vendredi, a indiqué à l'AFP un membre du bureau du procureur.
Elle sera suivie dans les prochains mois d'une audience de confirmation des charges au cours de laquelle les juges examineront si les éléments de preuve avancés par l'accusation sont assez solides pour la tenue d'un procès.
3000 morts en novembre 2010
Laurent Gbagbo, dont le refus de céder le pouvoir après la présidentielle de novembre 2010 avait plongé la Côte d'Ivoire dans une crise meurtrière qui avait fait 3000 morts, était détenu depuis avril dans une résidence à Korhogo (au nord de la Côte d'Ivoire).
"Justice sera faite pour les victimes ivoiriennes de crimes commis à grande échelle: Laurent Gbagbo est le premier à devoir rendre compte de ses actes. Il ne sera pas le dernier", a mis en garde le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo dans un communiqué.
Allassane Ouattara avait demandé le 3 mai à la Cour pénale internationale d'enquêter sur les "crimes les plus graves" commis lors des violences, la justice ivoirienne se chargeant des crimes économiques, des crimes de sang et des crimes contre la sécurité de l'Etat. Les juges avaient autorisé début octobre le procureur à enquêter en Côte d'Ivoire, estimant qu'il y avait "une base raisonnable" de croire que des attaques avaient été commises contre la population civile à la fois par le camp de Laurent Gbagbo et par celui d'Allassane Ouattara entre le 25 février et le 6 mai.
Pour canaliser le pouvoir de Gbagbo
En visite à Abidjan, le procureur de la CPI avait promis le 15 octobre une enquête "impartiale" qui ciblerait "trois à six" personnes" ayant les plus lourdes responsabilités dans les crimes commis lors de la crise, dont il n'avait dévoilé ni les noms ni le camp.
Dans le mandat d'arrêt sous scellé délivré le 23 novembre et rendu public mercredi, les juges estiment l'arrestation de Laurent Gbagbo "nécessaire" pour notamment "garantir qu'il n'usera pas de son pouvoir politique ou de ses moyens financiers pour faire obstacle à l'enquête".
Parallèlement à l'enquête de la CPI, des enquêtes nationales sont menées par la justice ivoirienne. Laurent Gbagbo et son épouse Simone, en détention à Odienné (nord-ouest), ont ainsi été inculpés en août pour "crimes économiques" commis durant la crise. Au total, plusieurs dizaines de personnalités du régime déchu, civils et militaires, sont détenues pour crimes de sang, atteinte à l'autorité de l'Etat ou crimes économiques.
afp/mej
Accusé de crimes contre l'humanité
Laurent Gbagbo est soupçonné par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l'humanité commis après le second tour de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010.
"Il y a des motifs raisonnables de croire qu'au lendemain des élections présidentielles en Côte d'Ivoire, les forces pro-Gbagbo ont attaqué la population civile à Abidjan et dans l'ouest du pays", indiquent les juges de la CPI dans le mandat d'arrêt émis sous scellés le 23 novembre.
"Elles ont pris pour cibles des civils qu'elles pensaient être des partisans d'Alassane Ouattara et les attaques étaient souvent dirigées contre des communautés ethniques ou religieuses spécifiques", selon la même source.
Président de la Côte d'Ivoire depuis 2000, Laurent Gbagbo avait refusé de céder le pouvoir à son rival, l'actuel président Alassane Ouattara.
Le mandat d'arrêt énumère quatre chefs de crimes contre l'humanité, à savoir meurtre, viol, persécution et actes inhumains, commis par les forces pro-Gbagbo entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011 et attribués à Laurent Gbagbo en tant que "coauteur indirect".
Les attaques ont été menées "en application de la politique d'une organisation", selon les juges, qui soupçonnent Laurent Gbagbo et son entourage immédiat d'avoir convenu d'un plan en étant "conscients que la mise en oeuvre de celui-ci aboutirait, dans le cours normal des événements, à la commission des crimes susmentionnés".
Insistant sur le caractère "généralisé et systématique" des attaques, les juges ont estimé qu'"il a été suffisamment prouvé que Laurent Gbagbo a agi avec le degré d'intention et de connaissance requis".