Ce mouvement de protestation est d'une ampleur jamais vue contre Vladimir Poutine, arrivé au pouvoir en 2000, Premier ministre depuis 2008, et qui a annoncé son intention de revenir au Kremlin en mars prochain.
La police de Moscou, citée par l'agence de presse Ria Novosti, a évalué le nombre des manifestants à 25'000. L'opposition a quant à elle avancé des chiffres allant de 50'000 à 80'000 personnes.
Même la chaîne télévisée sous contrôle de l'Etat, NTV, a fait état de "dizaines de milliers" de manifestants "qui ne veulent pas de révolution, mais des élections justes, qui sont le meilleur remède contre les révolutions".
"La Russie - sans Poutine !"
Dans le centre de Moscou, une concentration sans précédent de forces de l'ordre était visible, avec des centaines de camions des unités anti-émeutes et des fourgons cellulaires, de part et d'autre du Kremlin, près de la Place Rouge ou encore près du siège du FSB (Service fédéral de sécurité).
Il s'agit de la plus grande manifestation d'opposants organisée à Moscou depuis les années 1990. Et contrairement aux rassemblements de ces derniers jours, "aucune interpellation" n'a eu lieu dans la capitale russe, selon la police.
Fort de ce succès, les opposants ont prévu un nouveau rassemblement le 24 décembre. "Rendons au pays les élections !", "Exigeons un nouveau comptage des voix !", "La Russie - sans Poutine !", était-il écrit sur des banderoles dans la foule.
Un "vol" au détriment du peuple
A la tribune se sont succédé des représentants de l'opposition, un mélange disparate allant de l'extrême gauche aux libéraux en passant par le mouvement nationaliste "Les Russes".
"Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev ont fait une découverte très désagréable pour eux aujourd'hui. La Russie a un peuple", a déclaré Sergueï Mitrokhine, chef du parti libéral d'opposition Iabloko. "Nous sommes le peuple!", lui a répondu la foule.
Un des dirigeants de l'opposition libérale, l'ancien ministre Boris Nemtsov, a souligné que la mobilisation avait lieu "dans 90 villes de Russie". "Les dizaines de milliers de personnes qui se rassemblent aujourd'hui ne se laissent pas faire quand Poutine leur vole 12 millions de voix", a-t-il dit.
Boris Nemtsov a précisé que l'opposition exigeait la libération des personnes emprisonnées depuis les premières manifestations le 5 décembre (1600 interpellations à Moscou et à Saint-Pétersbourg), la fin de la "censure", et l'organisation de nouvelles élections.
Mobilisation tous azimuts
A Saint-Pétersbourg, ce sont 10'000 personnes selon la police qui ont manifesté dans le centre-ville, scandant "La Russie sera libre!" ou "Poutine - voleur!". Une dizaine de personnes ont été interpellées, selon la police.
Compte tenu du décalage horaire, les manifestations, en réponse à des appels lancés sur les réseaux sociaux -l'internet étant au centre de la mobilisation-, avaient commencé plusieurs heures avant celle de Moscou dans les villes d'Extrême-Orient et de Sibérie.
Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans l'Oural et en Sibérie, notamment à Ekaterinbourg et Novossibirsk. Environ 1500 personnes avaient manifesté à Vladivostok, port russe de la côte Pacifique, à sept fuseaux horaires de la capitale russe.
Les manifestants étaient au moins 1500 à Tomsk (Sibérie) malgré une température de -10 degrés, et entre 2000 et 3000 à Tcheliabinsk (Oural), selon des militants de l'opposition. Des rassemblements ont été rapportés dans de nombreuses autres villes de Russie. Selon l'agence Interfax, 130 personnes ont été interpellées à travers le pays.
Le parti de Poutine peu disert
La seule réaction officielle à l'exceptionnelle journée de protestation à Moscou a été celle d'un responsable du parti Russie unie, le parti de Vladimir Poutine : "Ce n'est pas beaucoup pour une ville de plusieurs millions d'habitants. Néanmoins, nous allons analyser soigneusement ce qui a été dit et les motifs de mécontentement (des manifestants)".
Les élections législatives russes et la répression des manifestations qui ont suivi ont suscité de vives critiques des Etats-Unis, de l'UE, de la France et de l'Allemagne notamment.
Vladimir Poutine a accusé jeudi les Etats-Unis d'avoir fomenté la contestation, un scénario du "chaos" pour lequel seraient versés "des centaines de millions de dollars". Washington s'est défendu de toute ingérence, soulignant ne défendre que les droits des peuples à "exprimer leurs opinions et leurs aspirations démocratiques".
afp/dk
Les résultats des législatives publiés
Le Journal officiel russe publie samedi les résultats officiels des législatives du 4 décembre, confirmant la victoire du parti au pouvoir Russie unie avec 49,32% des voix.
Selon ces résultats, le parti du Premier ministre Vladimir Poutine disposera d'une majorité absolue de 238 mandats sur 450 à la Douma (chambre basse).
Les résultats offrent 92 sièges au Parti communiste (19,19% des voix), 64 au parti Russie juste (centre-gauche, 13,24%), et 56 au Parti libéral-démocrate (nationaliste, 11,67%).
Le parti d'opposition libérale Iabloko, avec 3,43% des suffrages, n'est pas représenté à la Douma.
La participation s'élève à 60,21%, selon ces résultats.
Des fraudes massives dénoncées
La mission d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait déclaré à Moscou à l'issue du scrutin avoir relevé des irrégularités "fréquentes" et "de sérieuses indications de bourrage des urnes".
Une ONG russe, Golos, a dénoncé avant et pendant le scrutin une multitude de fraudes et de pressions. Elle se plaint depuis d'être l'objet d'une campagne de "harcèlement orchestrée par le pouvoir".
Une autre ONG, "L'Observateur citoyen", a affirmé sur son site internet (nabludatel.org) que le résultat réel du parti au pouvoir Russie unie est d'environ 30% des suffrages, soit quelque 20 points de moins que les résultats officiels.