L'ex-général, qui était détenu à la prison de la Santé à Paris, a été extradé dimanche matin à bord d'un vol de la compagnie Iberia à destination de Panama City, après une escale à Madrid. L'ancien dictateur âgé de 77 ans, qui a passé le plus clair de son temps derrière les barreaux en Floride, puis en France depuis sa chute en 1989, est arrivé dans la soirée dans son pays.
Accompagné d'un médecin et du procureur général du Panama, il a été accueilli par quelques manifestants rassemblés à l'aéroport avant d'être conduit en hélicoptère vers une prison située en pleine jungle proche du canal de Panama. A son arrivée au centre pénitentiaire sous escorte policière, il a été conduit à l'intérieur du bâtiment à l'aide d'une chaise roulante.
Physiquement diminué et n'étant plus que l'ombre du dictateur qu'il fut, Manuel Noriega ne peut plus se déplacer sans assistance, a précisé son médecin. "Nous nous assurons de sa sécurité", a indiqué Roxama Mendez, ministre panaméenne de l'Intérieur, aux journalistes présents devant la prison.
Ex-informateur de la CIA, le dictateur s'est peu à peu aliéné les Etats-Unis à mesure qu'il nouait des relations avec le cartel de trafic de cocaïne de Medellin, en Colombie. Il a passé les vingt dernières années en prison, d'abord en Floride pour trafic de drogue, blanchiment d'argent et racket, puis à Paris où il a été condamné pour blanchiment d'argent via des comptes bancaires en France. Au Panama, il a été jugé coupable dans trois affaires d'homicides totalisant au minimum onze meurtres.
Possible détention à domicile
L'une de ces affaires porte sur l'exécution d'Hugo Spadafora, un médecin qui tentait de révéler les liens de Noriega avec les cartels de la drogue. Une autre concerne l'exécution sommaire de neuf officiers qui avaient tenté de le renverser, et la troisième sur l'assassinat en 1970 de l'opposant Heliodoro Portugal. Pour chacune de ces affaires, Manuel Noriega a été condamné à vingt ans de prison. Les trois peines doivent être purgées simultanément dans une unité spécialement créée pour lui dans une prison située non loin du canal de Panama, au coeur de la forêt tropicale.
L'âge de Noriega lui permet théoriquement de prétendre à purger sa peine à domicile, mais la décision repose entièrement sur le gouvernement panaméen. Les chefs de file du mouvement d'opposition, qui s'était dressé contre le régime à la fin des années 1980, se sont mobilisés pour réclamer au gouvernement qu'il maintienne l'ex-homme fort en prison. Son avocat Julio Berrios a de plus souligné qu'en demandant une détention à domicile, Noriega reconnaîtrait implicitement sa culpabilité et se priverait de tout recours juridique.
ats/pbug
Pas d'impact politique
Le retour de l'ex-dictateur militaire ne devrait pas avoir d'impact politique majeur au Panama, qui jouit ces dernières années d'une forte croissance économique. Largement haï durant ses années de pouvoir entre 1983 et 1989, il dispose d'un petit noyau de partisans, mais ceux-ci font désormais profil bas.
Même les opposants les plus farouches de Noriega estiment désormais qu'il appartient à un passé lointain. Les Panaméens se demandent surtout si le retour de Noriega permettra de faire la lumière sur une centaine de cas de disparitions et de meurtres sous la junte militaire entre 1968 et 1989, demeurés non élucidés.