L'ancien chef de l'Etat a été déclaré coupable dans les deux volets de l'affaire pour "détournement de fonds publics", "abus de confiance" et "prise illégale d'intérêt", pour une vingtaine des 28 emplois litigieux. L'un des volets, instruit à Paris, portait sur 21 emplois et l'autre, instruit à Nanterre, dans la banlieue, sur sept.
Jacques Chirac est le premier "président de la République" à subir les foudres de la justice. Un précédent difficilement comparable existe cependant, celui de Philippe Pétain, chef du régime de Vichy qui avait collaboré avec l'Allemagne nazie. Il avait été condamné en 1945 pour haute trahison à la peine de mort, commuée en prison à vie.
Jacques Chirac a annoncé dans la soirée qu'il ne "ferait pas appel". Dans un communiqué, il justifie sa décision par le fait qu'il n'avait "plus hélas toutes les forces nécessaires pour mener par (lui-même), face à de nouveaux juges, le combat pour la vérité".
Pas d'enrichissement personnel
Mais il ajoute: "Je l'affirme avec honneur: aucune faute ne saurait m'être reprochée". A l'audience, en septembre, le parquet avait requis la relaxe de Jacques Chirac, qui a toujours protesté de son innocence, et de ses neuf coprévenus.
L'ex-chef de l'Etat était absent à la lecture du jugement et n'avait assisté à aucune des audiences de son procès, excusé par un rapport médical faisant état de troubles neurologiques "sévères" et "irréversibles".
Il encourait dix ans de prison et 150'000 euros d'amende. Il a accueilli cette condamnation "avec sérénité", a dit son avocat, Jean Veil. "Il est satisfait qu'à tout le moins le tribunal reconnaisse qu'il n'y a eu aucun enrichissement personnel", a-t-il ajouté.
Nicolas Sarkozy, son successeur depuis 2007, a fait savoir qu'il ne lui "appartient pas de commenter" une décision de justice. Mais il a souligné "l'engagement constant de Jacques Chirac au service de la France, ce qui lui vaut et lui vaudra encore l'estime des Français".
Protégé par une immunité
Protégé pendant son séjour à l'Elysée par une généreuse immunité de fonction, Jacques Chirac a donc été jugé plus de quinze ans après les faits. Parmi les neuf autres prévenus, deux ont été relaxés, dont l'ancien directeur de cabinet de Jacques Chirac.
Les sept autres ont été reconnus coupables. Une dispense de peine à été accordée à l'ex-secrétaire général du syndicat Force Ouvrière (FO) Marc Blondel, dont le chauffeur avait longtemps été payé par la ville de Paris.
Jacques Chirac était soupçonné d'avoir mis les deniers municipaux au service de ses ambitions électorales et des intérêts de son parti, les emplois litigieux devant servir à élargir sa sphère d'influence. Il était à l'époque maire de Paris, président du RPR (prédécesseur de l'UMP) et préparait la présidentielle de 1995, qu'il a remportée après deux échecs successifs.
La principale victime de cette affaire, la ville de Paris, aujourd'hui dirigée par les socialistes, avait renoncé à se porter partie civile au procès, ayant été indemnisée par l'UMP et jacques Chirac.
ats/mre
Un jugement en général salué
"La justice est passée et elle devait passer pour que ne s'installe pas un sentiment d'impunité", a-t-il déclaré le candidat socialiste à la présidentielle de 2012, François Hollande.
"J'ai une pensée pour l'homme qui connaît en plus des ennuis de santé", a ajouté celui qui est élu du département de Corrèze (centre), fief des débuts de Jacques Chirac, et a construit avec lui une relation de confiance.
De son côté, l'ex-juge anti-corruption et candidate des écologistes à la présidentielle française de 2012, Eva Joly, s'est félicitée que "justice soit faite".
Autre son de cloche du côté d'Eric Raoult, ancien ministre de Jacques Chirac entre 1995 et 1997. "Aujourd'hui, j'ai honte pour la justice de mon pays", a-t-il lancé.
"Je vois ce qui se passe à Bobigny tous les jours, où on libère des délinquants, où on libère des voyous. Dans un pays comme le nôtre, on ne doit pas condamner Jacques Chirac", a ajouté le député UMP de Seine-Saint-Denis.
L'association anti-corruption Anticor, qui avait seule porté la contradiction face à la défense mais dont la constitution de partie civile a été rejetée par la tribunal, a salué "une décision historique et extrêmement importante pour l'avenir de la démocratie".