Le rapport d'expertise "confirme l'hypothèse d'un départ de tirs de missiles depuis le camp de Kanombe", près de l'aéroport de Kigali, et "nos clients qui ont injustement été accusés et poursuivis pendant des années se trouvent confortés dans leurs positions", a estimé Me Bernard Maingain, qui défend les sept inculpés, après la présentation de l'expertise.
"Cette affaire va prendre fin et nous allons continuer notre combat", a ajouté Me Maingain, qui a dit qu'il réclamerait un non-lieu pour ses clients.
Dans une première réaction, Kigali a estimé que le rapport "rend justice" à la position soutenue depuis longtemps par le Rwanda sur les circonstances entourant les évènements de 1994.
Drame déclencheur du génocide
Le soir du 6 avril 1994, un Falcon 50 transportant le président hutu rwandais Juvenal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira est abattu en phase d'atterrissage à Kigali par des missiles sol-air. Cet attentat est considéré comme le signal déclencheur du génocide, qui a fait au moins 800'000 morts, essentiellement de la minorité tutsi.
La présence d'un équipage français à bord a conduit à l'ouverture d'une enquête en France. L'enquête conduite par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière avait abouti au lancement en 2006 de neuf mandats d'arrêts contre des proches du président Kagame qui, en 1994, dirigeait la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR).
Ces inculpations avaient entraîné la rupture des relations diplomatiques entre Kigali et Paris. La détente n'avait commencé qu'après la mise en examen (inculpation), en 2008, d'une proche du président rwandais, puis de six autres en 2010, conduisant à la levée des mandats. Deux autres personnes - l'une en fuite et l'autre probablement décédée - restent sous le coup de mandats d'arrêt français.
Nouvelle thèse
A l'inverse de la thèse Bruguière, un rapport d'enquête rwandais affirme que les tirs sont partis depuis le camp militaire de Kanombe, importante base des FAR (armée gouvernementale hutu à l'époque), jouxtant l'aéroport et la résidence présidentielle au sud-est, où il est "impossible d'imaginer", selon ce rapport, que le FPR ait pu s'infiltrer.
En avril 2010, alors que les relations entre Paris et Kigali se sont détendues, les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux, qui ont succédé à Bruguière, désignent une équipe d'experts pour déterminer les lieux possibles des tirs ayant abattu l'avion présidentiel.
Vingt mois plus tard et après un déplacement au Rwanda en septembre 2010 pour essayer de reconstituer les conditions de l'attentat, c'est ce rapport d'expertise qui semble fragiliser un peu plus la thèse Bruguière, alors que plusieurs témoins à charge s'étaient déjà rétractés.
Il faut "rester prudent"
L'avocat de la veuve du président Habyarimana, Me Philippe Meilhac, a toutefois estimé qu'il fallait rester prudent sur les conclusions à tirer de cette expertise.
"Il y a une forme de nouveauté par rapport au lieu de tir présumé des missiles qui ont abattu l'avion mais il y a aussi un grand nombre de confirmations", a affirmé l'avocat d'Agathe Habyarimana, exilée en France depuis une quinzaine d'années.
Selon lui, "il s'agissait de missiles de conception soviétique qui nécessitaient, ainsi que nous l'ont dit les experts, une formation technique très précise qui n'a jamais été assurée auprès d'aucun élément de l'armée rwandaise".
"Il est clair pour tous désormais que l'attentat contre l'avion était un coup d'Etat mené par des extrémistes hutu et leurs conseillers", a commenté dans un communiqué la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.
"Avec cette vérité scientifique, les juges Trévidic et Poux ont fermé brutalement la porte à 17 ans de campagne de négation du génocide (...)", a-t-elle estimé.
afp/jzim
L'opposition veut une enquête internationale
L'opposition rwandaise en exil a exigé mercredi une enquête internationale, après la présentation d'un rapport d'expertise français qui exonère de fait les proches de l'actuel président Paul Kagame de l'attentat d'avril 1994 contre l'avion de l'ex-chef d'Etat Juvénal Habyarimana.
"Nous encourageons la justice française à poursuivre ses enquêtes et demandons une enquête internationale sur cet attentat terroriste", écrivent dans un communiqué le Congrès national rwandais (CNR) et les Forces démocratiques unifiées (FDU).
Le CNR est principalement animé par d'anciens compagnons d'armes du président Paul Kagame tandis que les FDU sont dirigées par Victoire Ingabire, une responsable politique hutu actuellement jugée à Kigali notamment pour complicité de terrorisme.