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Le juge Garzon parle de "crimes contre l'humanité"

Quelque 200 partisans du juge Garzon ont manifesté mardi devant le Tribunal suprême de Madrid. [Arturo Rodriguez]
Quelque 200 partisans du juge Garzon ont manifesté mardi devant le Tribunal suprême de Madrid. - [Arturo Rodriguez]
Le juge espagnol Baltasar Garzon a justifié mardi devant le Tribunal suprême de Madrid sa tentative d'enquêter sur les disparitions de civils sous le franquisme en les qualifiant de "crimes contre l'humanité". Peu auparavant, la Cour avait refusé de classer la procédure lancée contre le magistrat, accusé d'avoir enfreint la loi d'amnistie.

Le juge espagnol Baltasar Garzon a qualifié mardi devant le Tribunal suprême de Madrid de "crimes contre l'humanité" les disparitions de civils sous le franquisme, expliquant ainsi sa tentative d'enquêter sur ce dossier qui lui vaut un procès polémique.

Avant d'entendre la déposition du magistrat, le Tribunal a décidé de mener à son terme ce procès, en dépit d'une demande d'annulation soutenue à la fois par le parquet et par la défense qui mettent en cause la faiblesse de l'accusation.

Plus de 100'000 civils auraient disparu en Espagne durant la dictature du général Franco. [Arturo Rodriguez]
Plus de 100'000 civils auraient disparu en Espagne durant la dictature du général Franco. [Arturo Rodriguez]

Des crimes "imprescriptibles"

Assis sur le banc des accusés, le juge Garzon a tenté de justifier l'enquête qu'il a réalisée de 2006 à 2008 sur le sort de plus de 100'000 disparus, dénonçant des crimes "imprescriptibles". Les familles de victimes, qui l'avaient saisi en 2006, décrivaient une série de faits, a-t-il déclaré, "disparitions, détentions illégales, assassinats", qui pouvaient être qualifiés "dans certains cas de crimes contre l'humanité, de génocide".

Devant les portes du Tribunal suprême, environ 200 manifestants s'étaient réunis mardi pour soutenir le juge Garzon. La campagne entreprise par ses partisans dénonce le "paradoxe" qu'il y a à voir jugé le magistrat qui a osé ouvrir le dossier des disparus de la guerre civile et de la dictature, un sujet qui reste tabou en Espagne 37 ans après le retour à la démocratie.

Raviver de vieilles blessures

Baltasar Garzon, poursuivi à la demande de deux associations d'extrême droite, est accusé d'avoir enfreint la loi d'amnistie votée en octobre 1977, deux ans après la mort de Francisco Franco. Ce texte étaient censé imposer un pacte du silence sur les années noires de la Guerre civile (1936-39) et de la dictature (1939-75).

Le magistrat a d'ailleurs profité de sa déposition pour souligner qu'il n'existait "aucune donnée sur la guerre civile", et que son instruction avait permis de chiffrer le nombre des disparus à plus de 114'000. Le dossier ouvert par Baltasar Garzon lui a valu l'inimitié des milieux conservateurs qui l'accusaient de raviver de vieilles blessures.

Un juge mondiale connu

Mais les familles de disparus ne cessent de dénoncer l'absence de volonté de l'Espagne de faire face à son passé, en dépit d'une loi votée en 2007 afin de réhabiliter les victimes. Un dernier scandale en date a fait surface l'an dernier lorsque des familles ont commencé à témoigner sur le sort de bébés volés pendant la dictature, une pratique qui a donné lieu à un véritable trafic jusque dans les années 1980.

A 56 ans, poursuivi pour abus de pouvoir, Baltasar Garzon, mondialement connu pour avoir fait arrêter l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet en 1998 à Londres, risque 20 ans d'interdiction d'exercer, une peine qui mettrait fin à sa carrière. Son procès doit se poursuivre mercredi avec les premières auditions des 22 témoins représentant les familles de victimes.

afp/dk

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