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La presse est sceptique sur les chances de Sarkozy face à Hollande

La presse s'interroge sur les chances du président sortant Nicolas Sarkozy face au socialiste François Hollande. [AFP - Philippe Wojazer/Patrick Kovarik]
La presse s'interroge sur les chances du président sortant face au socialiste François Hollande. - [AFP - Philippe Wojazer/Patrick Kovarik]
Deux angles occupent les éditoriaux français et européens après la victoire de François Hollande au premier tour de la présidentielle: l'immense défi qui attend Nicolas Sarkozy s'il entend renverser la vapeur et la percée du Front national.

Entre un François Hollande déjà vainqueur et un sursaut de Nicolas Sarkozy, la presse française de lundi n'est pas tout à fait d'accord sur les conclusions à tirer après le premier tour de la présidentielle, qui a vu la victoire du socialiste (28,6% des voix) devant le sortant de droite (27,1%) et la présidente du Front National Marine Le Pen (18%). Voir les résultats et réactions: François Hollande affrontera Nicolas Sarkozy le 6 mai

Le score du FN change-t-il la donne?

"Hollande en tête, Le Pen trouble-fête", résume Libération. Pour le quotidien de gauche, cette victoire témoigne de "l'envie profonde d'un changement de politique, d'une manière de gouverner, la volonté de voir d'autres valeurs au sommet de l'Etat.". "Libé" estime aussi que Marine Le Pen est "placée" et que Nicolas Sarkozy est "distancé".

Marine Le Pen détient l'une des clés du second tour. [KEYSTONE - Ian Langsdon]
Marine Le Pen détient l'une des clés du second tour. [KEYSTONE - Ian Langsdon]

Le quotidien conservateur Le Figaro juge au contraire que "la percée de Marine Le Pen relance le second tour". Selon son éditorialiste, si François Hollande aborde en tête la dernière ligne droite, tout n'est pas joué. "C'est un avantage certain mais qui n'est pas décisif compte tenu du score décevant de Jean-Luc Mélenchon", écrit-il. Et de décrire ce qu'il appelle "l'immense défi de Nicolas Sarkozy": "trouver les mots, les attitudes, les engagements propres au rassemblement qui évitera de confier l'Elysée à la gauche le 6 mai."

Le désaveu de Nicolas Sarkozy

Pour le quotidien communiste L'Humanité, le bilan principal de ce premier tour est le désaveu de Nicolas Sarkozy. "Ni les poses en sauveur de la nation dans les tourmentes financières, ni l'agitation des périls sécuritaires, ni l'usage nauséabond du rejet des étrangers, ni les attaques contre les syndicats n'ont suffi", écrit l'éditorialiste. "La déception a conduit un nombre très important, trop important, d'électeurs à voter en faveur de Marine Le Pen dont les thématiques ont été crédibilisées par leur reprise à droite", ajoute-t-il.

Le quotidien économique Les Echos note lui aussi que Nicolas Sarkozy est confronté à une "équation difficile". La palme de la sobriété revient au quotidien chrétien La Croix, qui titre sur le "face-à-face du second tour". Le journal s'inquiète également de la performance réalisée par Marine Le Pen. "Marine Le Pen a fait franchir un cap à son parti, largement banalisé et "dédiabolisé", au risque de faire oublier ses accents nationalistes et populistes", écrit-il.

agences/boi


Le président sortant, Nicolas sarkozy, arrive deuxième au premier tour de l'élection. [Christophe Karaba / Keystone]
Le président sortant, Nicolas sarkozy, arrive deuxième au premier tour de l'élection. [Christophe Karaba / Keystone]

LE DEUXIÈME TOUR EST PRESQUE JOUÉ SELON LES JOURNAUX SUISSES

Aux yeux des éditorialistes romands, les Français ont manifesté dans les urnes leur volonté de changement et les chances de Nicolas Sarkozy sont faibles au deuxième tour face à une gauche unie et à un report peu probable des voix de l'électorat de Marine Le Pen.

Le Temps voit trois manières par lesquelles les citoyens français ont exprimé leur envie de changement. L'électorat a désavoué Nicolas Sarkozy, il a placé Marine Le Pen "dans une position très forte" et il a accordé à François Hollande "une option réelle sur la victoire au second tour". Face à la crise, "de nombreux citoyens souhaitent une rupture avec l'ordre établi", renchérit Le Courrier. Pour le journal de gauche, à la fois Sarkozy et Hollande ont représenté cet ordre établi aux yeux des Français, qui ont donc écouté "les sirènes de la droite ultra-nationaliste".

Sarkozy a lassé les Français

Le Journal du Jura relève que l'actuel locataire de l'Elysée a réussi à lasser les Français "à force de multiplier les réformes et de s'agiter tous azimuts". Pour Le Matin, les citoyens ont voulu "mettre fin au bling-bling de Sarkozy qui les a écoeurés au fur et à mesure que leur pouvoir d'achat s'amenuisait". Mais à la place, "ils se retrouveront avec un mou à la tête de l'Etat. Est-ce vraiment mieux?", se demande l'éditorialiste.

Même constat dans les colonnes du Nouvelliste, qui voit en François Hollande le "dépositaire des inquiétudes et du ras-le-bol" des Français. "Pas par adhésion. Mais par élimination de ses contradicteurs". Toutefois, la victoire du socialiste n'est pas encore totalement jouée en raison du score élevé de Marine Le Pen, prévient Le Temps. L'élection sera plus serrée que ce que prédisent les sondages, croit savoir le journal.

Les électeurs de Le Pen et Bayrou convoités

Pour Le Courrier, le président sortant va tenter un "délicat exercice d'équilibrisme", face à une gauche unie qui a rassemblé 44% des suffrages. Il doit à la fois "séduire les électeurs du Front national sans effaroucher ceux du centriste François Bayrou". Le "risque est élevé de voir le roi du bling-bling" se livrer à une "surenchère de déclarations sécuritaires, identitaire, voire franchement xénophobes". Pour L'Express aussi, le discours du président-candidat va "reprendre des accents sécuritaires".

Le Quotidien Jurassien juge lui que Nicolas Sarkozy aura "davantage de difficulté qu'il y a cinq ans à se faire entendre au centre et à l'extrême droite". Quant aux forces de gauche, désormais unies pour une victoire qu'elles sentent à leur portée, elle sauront résister à la division. La Liberté voit déjà le socialiste à l'Elysée à l'issue du deuxième tour. Malgré la quatrième place de Jean-Luc Mélanchon, le cumul des voix de gauche lui "ouvre un véritable boulevard".

Outre-Sarine, le Tages-Anzeiger pense également que Nicolas Sarkozy se tournera vers la droite et qu'il ne lui reste plus d'autre choix que de radicaliser son discours. Pour la NZZ au contraire, il va faire ces prochains jours "toute les avances possibles" aux centristes, même si cela pourrait être trop tard.

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La presse européenne

Selon la presse britannique, seul un miracle pourrait maintenir Nicolas Sarkozy au pouvoir. Le Times note que Marine Le Pen et son très bon score pourrait décider des résultats du second tour. Le Guardian souligne que Hollande est "sur la crête de la vague de gauche", mais que les résultats "stupéfiants" obtenus par le FN ont refroidi l'enthousiasme. Et le journal d'intituler son éditorial: "victoire aigre-douce pour la gauche".

Les quotidiens expriment aussi une appréhension en cas de victoire de Hollande, ce dernier ayant déclaré la guerre à la finance. Le Daily Telegraph fait part de son scepticisme concernant Hollande, le qualifiant "de socialiste terne qui a déclaré que la finance est son véritable ennemi". Le Times craint aussi de le voir se lancer dans "une politique économique fantaisiste" qui affaiblirait les perspectives d'un rétablissement économique de l'Europe et diminuerait son poids diplomatique".

En Allemagne, Der Spiegel juge que "les Français sont frustrés à la vue de l'état de leur pays et en colère contre leur président Nicolas Sarkozy". L'hebdomadaire estime que l'événement saillant est le score de Marine Le Pen, qui est crédible pour les classes modestes françaises qui souffrent, elle parle leur langage avec ses tirades contre les immigrés et les élites". Beaucoup de journaux relèvent aussi le score réalisé par Jean-Luc Mélenchon, et que l'addition des scores des candidats hostiles à la globalisation ou à l'Union européenne représente près d'un tiers des votants.

"Cela ne se présente pas bien pour Sarkozy", commente de son côté le quotidien économique néerlandais Het Financieele Dagblad, tandis que le journal De Volkskrant affirme que le second tour des élections est assez "prévisible" et que la "surprise du jour" réside dans les résultats engrangés par Marine Le Pen.

Pour le quotidien belge Le Soir, François Hollande "a déjà un pied à l'Elysée. Mais la gauche doit modérer sa joie, car le Front national, sans toutefois parvenir au second tour, crée un nouveau choc". "On voit mal, désormais, comment, même en mettant le cap encore plus à droite qu'il ne l'avait fait au premier tour, il pourrait encore inverser la tendance en espérant récupérer les voix du Front national.

Enfin en Italie, le Corriere della Serra résume l'élection par le titre suivant: "Sarkozy mis en échec (mais il tient bon), Hollande l'emporte, boom de Le Pen". Même conclusion pour La Repubblica qui estime que "Sarko compte maintenant sur les électeurs du Front national".