Aung San Suu Kyi et les nouveaux députés de sa Ligue nationale pour la démocratie (LND), élus triomphalement aux élections partielles du 1er avril, refusent de prêter le serment de "sauvegarder" la Constitution de 2008. Ce texte, conçu par l'ancienne junte et adopté par référendum une semaine après le passage du cyclone Nargis (138'000 morts ou disparus), arroge des pouvoirs immenses aux militaires et la lauréate du prix Nobel de la paix a fait de son amendement une de ses priorités.
La décision d'Aung San Suu Kyi et de ses collègues de ne pas se rendre lundi à Naypyidaw, la capitale, est le premier signe de discorde entre l'opposition et le gouvernement depuis le scrutin historique d'avril. Largement salué dans le monde, il a encouragé l'Occident, l'UE en tête, à commencer à lever ses sanctions. (Lire: Victoire confirmée pour l'opposante birmane Aung San Suu Kyi)
Suspension des sanctions de l'UE
Les ministres européens des Affaires étrangères réunis lundi à Luxembourg ont ainsi suspendu pour un an leurs sanctions politiques et économiques, à l'exception de l'embargo sur les armes, "afin de saluer et d'encourager le processus de réformes".
Le nouveau gouvernement qui a succédé à la junte en mars 2011 a notamment encouragé le retour d'Aung San Suu Kyi au coeur du jeu politique officiel, libéré des centaines de prisonniers politiques et entamé des discussions avec les groupes rebelles des minorités ethniques. Et le président Thein Sein, en déplacement au Japon, a assuré lundi que le processus de démocratisation continuerait. Il n'y aura "pas de revirement", a-t-il déclaré aux journalistes.
Refus de prêter serment
Avant de participer aux partielles du 1er avril, Aung San Suu Kyi avait obtenu de faire réviser les lois électorales pour qu'il soit autorisé de discuter publiquement de la Constitution. Cependant, le serment des députés, inscrit dans le texte, n'avait pas été modifié.
Et la LND, première force d'opposition depuis les élections partielles du 1er avril, a déposé en vain jusqu'à présent des requêtes, notamment auprès du président, pour faire remplacer le mot de "sauvegarder" par celui de "respecter" dans ce serment. Interrogé lundi sur cette situation, Thein Sein a simplement noté qu'il voulait "accueillir" l'opposante au parlement, mais que c'était à elle de décider si elle voulait ou non y siéger.
Certains doutent déjà de la stratégie adoptée par Aung San Suu Kyi dans cette affaire. "Je pense que la LND a une mauvaise idée, de simplement se battre pour quelques mots. Je pense que la LND devrait participer au parlement et elle devrait proposer une stratégie complète de réformes politiques et économiques", a commenté Aung Thu Nyein, analyste au Vahu Development Institute.
agences/boi/mre
L'UE reste sur ses gardes
Pour maintenir la pression, l'UE pourra d'ailleurs revoir sa position à tout moment. "Des progrès importants ont été réalisés en Birmanie, mais nous restons très inquiets au sujet des conflits et des violations de droits de l'Homme dans quelques zones ethniques de la Birmanie", a souligné le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague.
Il a aussi évoqué également la "querelle" autour de la prestation de serment des députés de LND.