Après avoir exprimé leurs motivations réciproques, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont échangé leurs premières passes d'armes sur le bilan du président sortant et l'état de la France.
Chacun des deux hommes, qui s'affronteront dimanche au second tour de l'élection, a revendiqué être le plus à même de rassembler les Français dans un débat qui s'est terminé par un match nul, selon les observateurs, avant de se lancer sur le premier thème du débat: l'économie et le social.
- L'ECONOMIE ET LE SOCIAL
François Hollande a commencé par attaquer Nicolas Sarkozy sur les chiffres du chômage français, et son objectif de 5% de chômage annoncé lors de la campagne 2007.
"D'abord, sur les chiffres, je comprends que ça ne vous fasse pas plaisir et ceux à qui cela fait le moins plaisir, ce sont les chômeurs eux-mêmes. Il y a bien 4 millions de chômeurs. Ca fait un million de plus", a tenu à relever le candidat socialiste.
"Vos chiffres sont faux", a rétorqué le président sortant, citant ceux du Bureau international du travail (BIT) avant de rappeler le poids de la crise économique et financière pendant son mandat. Il a affirmé ne pas être le seul responsable de l'augmentation du chômage et de la baisse de la compétitivité des entreprises en France.
"Ce n'est jamais de votre faute", a rétorqué le candidat socialiste.
La situation économique au coeur du débat
Nicolas Sarkozy a rappelé que la France n'avait pas connu de trimestre de récession depuis 2009. "Une exception", selon le candidat de l'UMP. "Vos prévisions de croissance devaient être de 2%, elles sont tombées à 1,7%. Mes prévisions étaient meilleures que les vôtres", a quant à lui affirmé François Hollande, rebondissant sur le thème de la croissance.
Comme lors de ces derniers jours de campagne, Nicolas Sarkozy a attaqué les syndicats français, affirmant qu'en Allemagne - pays régulièrement cité en exemple par le candidat de la droite - ils n'auraient pas donné de consignes de vote. Le candidat socialiste a contré en notant que les syndicats allemands étaient très proches du parti social-démocrate (SPD).
Les deux candidats ont ensuite critiqué leurs programmes respectifs. Celui du socialiste "change tout le temps", selon Nicolas Sarkozy. "Je ne connais pas votre projet mais le mien est à votre disposition", a été la réponse - sèche - de François Hollande.
Après 50 minutes d'émission, le débat s'est orienté sur le thème des déficits et des comptes publics. Au sujet de la dette française, François Hollande a assuré qu'elle avait doublé depuis 2002.
"Le déficit a augmenté de 500 milliards depuis 2007. Et non de 600. Une erreur de 100 milliards, ça pose question", a répondu le président sortant.
Le thème du bouclier fiscal a été l'occasion pour François Hollande de rappeler indirectement l'affaire Bettencourt. "Je ne vais pas citer des noms, ce sont vos proches (qui profitent du bouclier fiscal)", a-t-il affirmé, avant de finalement nommer l'héritière de l'Oréal.
François Hollande critique le rôle de la BCE
Les impôts ont également été au centre d'un long échange. "La France est le pays d'Europe, avec la Suède, où les impôts sont les plus lourds", a relevé Nicolas Sarkozy. François Hollande en a ensuite profité pour revenir sur les promesses de la campagne de 2007: "vous avez annoncé que vous baisseriez le niveau des prélèvements obligatoires de quatre points en 2007. Quel est leur niveau aujourd'hui? Répondez-moi! Vous ne pouvez pas répondre?". "Je n'ai pas à répondre à vos questions, je veux développer mon raisonnement, a rétorqué le président sortant.
Le candidat socialiste, parlant de la crise européenne, s'est attaqué au rôle de la Banque centrale européenne: "Nous avons une BCE qui prête sans limite aux banques. Elles obtiennent un crédit de 1% de la BCE et prêtent à 6%. Ce n'est pas normal." "Je ne veux pas d'une austérité générale", a-t-il rajouté.
"François Hollande connaît mal l'Europe, on y fait des compromis. L'austérité, je ne l'ai pas voulue en France", a rétorqué Nicolas Sarkozy.
Puis, Silvio Berlusconi s'est retrouvé soudainement au centre des échanges lorsque le candidat socialiste a demandé si l'ancien président du Conseil italien n'était pas membre du PPE (regroupement des partis européens de droite, dont fait partie l'UMP de Nicolas Sarkozy)? "Monsieur Berlusconi est berlusconiesque!", a coupé le candidat de l'UMP.
Finalement, les deux candidats se sont affrontés durant 1h30 sur l'état de l'économie, le premier des quatre thèmes originellement prévus. Le débat ne devait durer en tout que 2h30...
- LA SOCIÉTÉ / L'IMMIGRATION
Le journaliste David Pujadas a lancé le thème de la société en invitant les candidats à débattre et relever leurs différences sur le thème de l'immigration.
François Hollande a attaqué sur la hausse de l'immigration légale de 200'000 par an durant le mandat du président sortant. Des chiffres contestés par Nicolas Sarkozy.
Puis, le droit de vote des étrangers a occupé les échanges. François Hollande a rappelé à Nicolas Sarkozy ses changements de prises de position sur le sujet. Nicolas Sarkozy a ensuite poursuivi sur la montée du communautarisme en France. "Dans la République française, nous ne tolérons pas qu'une femme soit voilée dans l'espace public", a affirmé le président sortant. S'en est suivi une passe d'arme sur la stigmatisation de l'islam.
- LE NUCLÉAIRE
Laurence Ferrari et David Pujadas ont eu de la difficulté à passer au thème du nucléaire. Finalement, Nicolas Sarkozy s'y est engagé en relevant les prix de l'électricité française "moins chère de 35% qu'en Allemagne".
Pour François Hollande, la France souffre d'une double dépendance "à l'égard du pétrole et du nucléaire".
La centrale de Fessenheim au centre du débat
Sujet d'importance pour la Suisse, les candidats se sont longuement opposés sur le sort à donner à la centrale de Fessenheim, proche de la frontière helvétique, François Hollande désirant la fermer, contrairement à son adversaire. "Une seule centrale va fermer lors du prochain quinquennat: celle de Fessenheim", a affirmé le socialiste. "Le réacteur de Fessenheim ne pose aucun problème, Fessenheim peut continuer", a répliqué le candidat de la droite.
Selon Nicolas Sarkozy, "le nucléaire français est le plus sûr du monde" et n'est pas comparable à la situation connue à Fukushima "qui a été un problème de tsunami, je n'imagine pas un tsunami sur les côtes du Rhin".
Durant l'échange sur l'énergie atomique, Nicolas Sarkozy a eu cette affirmation étonnante: "Les centrales nucléaires en Suisse ont soixante ans". En réalité, la plus ancienne centrale helvétique - Beznau 1 - a été mise en service en 1969, soit il y a 43 ans.
François Hollande s'est défendu de vouloir abandonner le nucléaire: "Je veux maintenir la filière nucléaire à 50% (de la part d'électricité produite) en 2025.
- LA VIE POLITIQUE
Dans une ambiance tendue, Laurence Ferrari a lancé le thème suivant: la vie politique. "Quel style de président voulez-vous être ?", a-t-elle demandé.
"Je compte être un président qui respecte les Français qui ne sera pas chef de tout et responsable de rien", a dit François Hollande, visant le style de Nicolas Sarkozy. Le candidat de gauche a également promis que les ministres ne pourront plus cumuler leur fonction avec un mandat local ainsi que l'introduction de la proportionnelle pour les élections législatives de 2017.
Critiqué, Nicolas Sarkozy a décidé de sortir un de ses atouts en affirmant: "Je ne prendrai pas de leçons d'un parti politique qui a voulu se rassembler derrière Dominique Strauss-Kahn."
Dans un moment de tension particulièrement élevée, le candidat de l'UMP a traité de "petit calomniateur" son rival, qui l'accusait d'avoir procédé à des nominations "partisanes" dans les ministères, l'administration et les établissements publics.
- POLITIQUE INTERNATIONALE
Limités par la temps, le débat s'étant prolongé plus que prévu, les candidats ont survolé les questions de politique internationale. François Hollande a toutefois eu la possibilité d'annoncer sa volonté de retirer les troupes françaises d'Afghanistan avant fin 2012.
Sur le sujet, le président sortant a eu ces mots: "En Afghanistan, nos soldats ont fait un travail extraordinaire. Je rappelle que les talibans coupaient les mains des petites filles, qui n'allaient plus à l'école. Nous ne sommes pas seuls là-bas, il y a 56 pays, dont les Etats-Unis et nos partenaires européens. Notre stratégie, c'est aider ce pays à se libérer de cette gangrène." Puis, il s'est opposé à son adversaire en affirmant que partir en 2012 "n'était pas possible".
Pour plus d'informations sur les conditions du débat, lire: Le débat télévisé entre Hollande et Sarkozy, un duel très encadré
Sur Twitter, le suivi du débat en direct avec RTSinfoplus:
Le suivi en direct du débat présidentiel sur RTSinfoplus
mre