Oussama Ben Laden a donné des directives aux membres d'Al-Qaïda jusqu'à sa mort, le 2 mai 2011, dans une opération commando américaine. Reconnaissant que son organisation essuyait "catastrophe après catastrophe", l'ex-ennemi numéro un des Etats-Unis a émis de nombreuses recommandations stratégiques pour permettre à Al-Qaïda de mener une guerre sainte à la fois efficace et respectueuse de la vie des musulmans, a observé l'école militaire de West Point, qui a parcouru des milliers de documents de Ben Laden (voir 17 documents publiés en anglais).
ABATTRE BARACK OBAMA
En mai 2010, Ben Laden préconise d'abattre l'avion de Barack Obama ou celui du général américain David Petraeus à l'occasion d'une arrivée en Afghanistan ou au Pakistan.
Il justifie de s'en prendre au président américain parce qu'il est "à la tête des infidèles" et que sa mort propulserait son vice-président Joe Biden à la tête des Etats-Unis. Et que, selon lui, "Biden n'est absolument pas préparé à assumer la présidence (...), ce qui conduira les Etats-Unis dans une crise".
NE PAS TUER LES OTAGES FRANCAIS
En avril 2011, le chef d'Al-Qaïda conseille à la branche au Maghreb islamique (Aqmi) de ne surtout pas tuer ses otages français tant que Nicolas Sarkozy bénéficie du soutien des populations musulmanes pour son intervention en Libye. Le meurtre des otages produirait un effet "négatif" au sein des populations musulmanes. Il préconise de les tuer, si cela s'avère nécessaire, après la fin des événements en Libye, ainsi qu'après la présidentielle et les législatives françaises.
CHANGER LE NOM D'AL-QAIDA
Dans une autre lettre, non datée et non signée, l'auteur s'interroge sur l'opportunité pour Al-Qaïda de changer d'appellation car celui-ci n'a pas de connotation islamique.
"Ce nom ne permet pas faire savoir aux musulmans que nous le sommes et permet à l'ennemi de clamer de façon erronée qu'il n'est pas en guerre avec l'islam et les musulmans, mais qu'il est en guerre avec l'organisation Al-Qaïda", écrit Ben Laden. Il propose d'autres noms parmi lesquels "Parti pour l'unification de la nation islamique" ou "Groupe de libération d'Al-Aqsa" (site saint de l'islam à Jérusalem).
UTILISER LES MÉDIAS
Les documents révèlent aussi un homme obsédé par les médias, qui espérait que les commémorations du dixième anniversaire du 11-Septembre permettraient au groupe extrémiste de bénéficier d'une forte exposition: "Nous devons profiter de cet événement pour porter notre message aux musulmans", écrit-il en octobre 2010.
RESTER UNIS
Les divisions au sein d'Al-Qaïda transparaissent dans de nombreuses lettres. Les dirigeants de l'organisation peinent à communiquer avec leurs subordonnés, ainsi qu'avec les petits mouvements. Ben Laden lui-même doit prier "ses frères" de l'informer sur la situation au Yémen et ailleurs. "Nous devons mobiliser toutes nos ressources (...) pour guider la jeunesse de la nation", écrit-il aussi. "Le moral est bas", estime John Brennan, conseiller du président Barack Obama.
PRENDRE SES PRÉCAUTIONS
Ben Laden était inquiet de la montée dans la hiérarchie de combattants peu expérimentés en raison de la disparition des chefs les mieux formés avec la campagne de bombardements de drones américains.
Selon John Brennan, principal conseiller pour l'antiterrorisme de Barack Obama, Ben Laden "avait exhorté ses chefs à fuir les régions tribales (du nord-ouest du Pakistan) et à aller dans des endroits éloignés des lieux sujets à des photographies aériennes et des bombardements", a indiqué lundi. Le chef islamiste était d'ailleurs inquiet pour son fils Hamza, qui se trouvait dans les zones tribales pakistanaises menacées de drones.
ÉVITER UNE VIOLENCE INCONTROLÉE
Dans une de ses lettres, Ben Laden dénonce la violence incontrôlée du Mouvement des talibans du Pakistan. Selon l'académie militaire de West Point, cette position contraste avec l'attitude publique de Ben Laden, qui insistait sur l'injustice causée par les "ennemis" des musulmans, c'est-à-dire les dirigeants musulmans "apostats" et leurs "superviseurs" occidentaux. D'ailleurs, un haut responsable d'Al-Qaïda, sans doute Ayman al-Zawahiri (qui a pris la tête de l'organisation après sa mort), lui rédige des remontrances car il refuse d'affilier à la bannière d'Al-Qaïda les shebab somaliens.
ÉPARGNER LES CIVILS MUSULMANS
Le chef d'Al-Qaïda s'inquiète notamment pour les attentats qui provoquent des "victimes civiles inutiles". Ils ont pour conséquence de ternir l'image d'Al-Qaïda et d'aliéner la population musulmane. "Nous demandons à chaque émir dans les régions de faire extrêmement attention à contrôler le travail militaire" et "d'annuler d'autres attaques en raison de victimes civiles inutiles possibles", écrit-il en mai 2010.
NE PAS S'ARROGER DES PRIVILÈGES
Ben Laden dénonce enfin certains privilèges, dont ceux que s'est arrogés Hakimullah Mehsud, chef du Mouvement des talibans du Pakistan.
bri avec les agences
Une "mine d'or" de renseignements
Lors de l'opération commando du 2 mai 2011 contre Ben Laden dans sa résidence à Abbottabad au Pakistan, les Navy Seals ont mis la main sur une "mine d'or" de renseignements: des dizaines de disques durs, des ordinateurs et des clés USB représentant des milliers de documents qui ont permis aux analystes d'établir un journal de route d'Al-Qaïda.
La déclassification de 17 de ces "lettres d'Abbottabad" intervient à l'occasion du premier anniversaire de la mort de Ben Laden, un succès majeur pour Barack Obama que le président américain ne manque pas de rappeler en pleine campagne pour sa réélection.
Rédigées entre septembre 2006 et avril 2011 sur ordinateur ou à la main, elles totalisent 175 pages en arabe et 197 en anglais et sont publiées sur le site internet du Combating Terrorism Center de l'école militaire de West Point.
Soutien au Pakistan
Pour rendre hommage à Oussama Ben Laden, quelque 500 personnes se sont rassemblées mercredi à Quetta, une ville du sud-ouest du Pakistan, un an après le décès de leur chef. Rassemblés au centre-ville, ces militants du parti religieux Jamiat-Ulema-e-Islam, proche des talibans, ont arboré des portraits du chef défunt d'Al Qaïda, scandant "Longue vie à Oussama !", et ont mis le feu à un drapeau des Etats-Unis. "Oussama était un héros de l'ensemble du monde musulman, c'était un vrai moudjahid (un guerrier de l'islam)", a lancé devant la foule un responsable politique.
Oussama Ben Laden a été tué le 2 mai 2011 par les forces spéciales américains à Abbottabad, ville située sur les contreforts de l'Himalaya, dans une maison située à quelques centaines de mètres seulement de la plus grande académie militaire du Pakistan, renforçant les soupçons de collusion entre les réseaux islamistes et l'armée pakistanaise, qui a toujours nié avoir eu connaissance de sa présence. Le raid américain avait été déclenché sans qu'Islamabad ait été informé.