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La Syrie abat un avion de chasse turc sur fond de crise diplomatique

La Syrie a abattu un avion de ce type appartenant à l'armée turque (ici, un appareil israélien). [Yoav Lemmer]
La Syrie a abattu un avion de ce type appartenant à l'armée turque (ici, un appareil israélien). - [Yoav Lemmer]
Damas a reconnu avoir abattu vendredi un avion de chasse turc. Ankara appelle à rester calme alors que la presse turque s'échauffe. En Syrie, les violences ont fait près de 100 morts samedi.

La Syrie a reconnu avoir abattu vendredi un avion de chasse turc au large des côtes syriennes. L'appareil, un F-4, a disparu à 11h58 en mer au sud-ouest de la province turque de Hatay, riveraine de la Syrie.

L'appareil s'est écrasé dans les eaux territoriales syriennes, à environ 10 km des côtes. Les recherches se poursuivent pour retrouver les deux pilotes de l'appareil.

"Les radars syriens ont détecté vendredi vers 11h40 une cible non-identifiée ayant pénétré dans l'espace aérien syrien à grande vitesse et à basse altitude. (...) La défense anti-aérienne a alors reçu l'ordre d'ouvrir le feu", a indiqué un porte-parole de l'armée syrienne.

Appel au calme

Alors que la presse turque était unanime samedi à tirer à boulets rouges contre le régime syrien à cause de cet incident, le vice-Premier ministre Bülent Arinç a adopté une position modérée. "Nous devons rester calme. Ne nous laissons pas aller à des déclarations et attitudes de provocation", a-t-il déclaré, cité par l'agence Anatolie. Il a ajouté que la Turquie attendait une explication de la Syrie.

Pour commencer, les autorités turques vont établir les circonstances exactes de l'incident, a souligné le président turc. "Notre enquête s'attachera à déterminer si l'avion a été abattu à l'intérieur de nos frontières ou non", a-t-il dit.

Il arrive régulièrement que des avions de chasse volant à très grande vitesse violent brièvement l'espace aérien d'autres pays, a précisé  le président turc Abdullah Gül. "Ce sont des incidents de routine", a-t-il insisté. Ils "ne sont pas intentionnels et se produisent en raison de la vitesse" des appareils.

L'appareil, un F-4 non armé, n'était pas un avion de combat mais de reconnaissance. Les forces turques et syriennes tentent de retrouver les deux membres d'équipage portés disparus.

Une riposte possible

Le président turc Abdullah Gül a néanmoins prévenu que le pays prendrait les "mesures nécessaires" en fonction des résultats de l'enquête. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a assuré pour sa part qu'il agirait "avec détermination".

"Même en admettant qu'il y ait eu une violation de l'espace aérien syrien -bien que la situation ne soit pas encore claire- la réponse syrienne ne pouvait pas être d'abattre l'avion", a estimé le ministre du Travail et de la Sécurité sociale Faruk Celik. Estimant l'incident "inacceptable", ce ministre a précisé que le pays riposterait "soit dans le champ diplomatique, soit apporterait d'autres types de réponse".

Samedi, le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davuoglu a présidé une réunion avec les responsables de l'armée pour discuter des actions possibles.

agences/ptur/bri

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Nouveau gouvernement syrien

En Syrie, un nouveau gouvernement a été annoncé. Il inclut pour la première fois un portefeuille de "réconciliation nationale".

Ali Haïdar, qui dirige ce nouveau portefeuille, et Qadri Jamil, nommé au Commerce intérieur, sont deux membres de l'opposition basée à Damas mais qui n'appelle pas au départ du président Bachar al-Assad, comme le Conseil national syrien, la principale formation de l'opposition qui a son siège à l'étranger.

Le "faucon" de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a préservé son poste ainsi que le ministre de l'Intérieur Mohammad Ibrahim al-Chaar et son homologue de la Défense Daoud Rajha sous le coup de sanctions américaines pour son rôle présumé dans la répression de la révolte lancée le 15 mars 2011.

Quoiqu'il en soit, ce nouveau cabinet n'a aucune incidence sur la gestion de la crise. Les clés du pouvoir restent tenues par le puissant clan de Bachar al-Assad, qui ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation et l'assimile à du "terrorisme".

Presque 200 morts en deux jours

Au moins 97 personnes, en majorité des civils, ont été tués samedi dans le pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Un bénévole du Croissant-Rouge arabe syrien a notamment succombé à ses blessures par balles, a annoncé samedi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Presque cent personnes (96 précisément) avaient déjà péri la veille, dont 15 soldats et 26 partisans du régime dans une embuscade dans la province d'Alep (nord), toujours selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Vendredi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre le régime du président, en particulier dans la province d'Idleb (nord-ouest).

Des liens distendus entre Ankara et Damas

Depuis la répression par le régime syrien du mouvement de contestation, les rapports économiques et politiques entre les administrations turque et syrienne n'ont cessé de se dégrader. La Turquie réclame le départ du régime syrien.

La Turquie abrite sur son sol environ 32'000 réfugiés et des soldats rebelles et accueille le Conseil national syrien (CNS), principal rassemblement de l'opposition politique syrienne.

L'incident pourrait provoquer une dangereuse escalade, la Turquie étant allié de l'Otan et des Etats-Unis, l'autre, et la Syrie étant allié de l'Iran et de la Russie.

La Turquie a prévenu récemment qu'elle pourrait invoquer l'article 5 du traité de l'Otan, qui prévoit une action de tout les membres de l'Alliance atlantique, pour protéger sa frontière avec la Syrie, après des tirs des forces syriennes vers le territoire turc. Mais l'Otan a annoncé qu'elle n'envisageait pas d'intervenir en Syrie.

L'ONU appelle au calme

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a préconisé une attitude de retenue.

Il suit de près la situation et espère que ce grave incident sera abordé avec calme par les deux parties via des canaux diplomatiques, a-t-il fait savoir dans un communiqué samedi.