L'ex-femme et complice du meurtrier pédophile Marc Dutroux a bénéficié d'une libération anticipée en dépit des protestations des familles des victimes. La Cour de cassation belge a donné son feu vert mardi après-midi à sa libération conditionnelle. Elle avait entre autres laissé mourir de faim Julie et Mélissa, âgées de 8 ans.
L'ex-détenue est arrivée mardi soir vers 22h30 à bord d'un véhicule de police chez les soeurs clarisses de Malonne, près de Namur, dans le sud de la Belgique. Elles ont accepté de l'héberger pour une durée indéterminée malgré les critiques qui ont fusé de toutes parts. Ni l'ex-détenue ni les soeurs n'ont fait la moindre déclaration alors que la police surveillait étroitement les abords du monastère.
Maintenues à l'écart, une cinquantaine de personnes ont exprimé leur hostilité, criant "A mort!" ou "protégeons nos enfants", a constaté un journaliste de l'AFP. Près de vingt ans après les faits, cette femme est toujours considérée comme "la plus haïe" du pays. La décision de la justice a provoqué de vives réactions dans un pays durablement marqué par "l'affaire Dutroux", la pire affaire criminelle de son histoire récente qui, au-delà de l'horreur des faits, avait mis en lumière de profonds dysfonctionnements au sein de la police et de la justice.
Réinsertion au couvent
Les soeurs clarisses qui ont une longue tradition d'accueil des personnes vulnérables ont été convaincues par son projet de réinsertion. L'ex-femme de Marc Dutroux "est un être humain capable, comme pour nous tous, du pire et du meilleur (...) Nous croyons donc que tabler sur le meilleur d'elle-même n'est pas de l'inconscience de notre part", a justifié soeur Christine, l'abbesse du couvent.
L'ex-détenue ne fera pas partie intégrante de la communauté mais elle devrait participer aux tâches communes. Elle pourra sortir du couvent, avec toutefois l'interdiction de se rendre dans les deux régions où elle a vécu avec son ex-mari. Elle devra reprendre la thérapie entamée en prison et sera obligée d'indemniser ses victimes, chose qu'elle n'a pas encore faite.
Recours balayés
Conformément aux prévisions des sources judiciaires, la Cour de cassation a suivi l'avis de l'avocat général, Raymond Loop qui a estimé "irrecevable" ou "non fondé" les deux recours introduits contre la décision prise le 31 juillet par le Tribunal d'application des peines de Mons.
Ce dernier a autorisé la complice du pédophile à quitter, sous conditions, la prison après avoir purgé 16 des 30 années auxquelles elle avait été condamnée pour sa participation aux crimes commis par son ex-mari.
L'un de ces recours avait été introduit par Jean-Denis Lejeune, le père de Julie, l'une des fillettes victimes de Dutroux, et par Laetitia Delhez, qui avait été kidnappée par le pédophile. Il s'est dit "sous le choc". Un autre père de victime, Paul Marchal, s'est déclaré "anéanti" par cette libération.
La quinquagénaire avait été arrêtée à l'été 1996, en même temps que Marc Dutroux, dont elle a divorcé en 2003. Ce dernier a été condamné à la perpétuité pour l'enlèvement, la séquestration et le viol, entre juin 1995 et août 1996, de six fillettes et adolescentes, ainsi que de la mort de quatre d'entre elles.
agences/jgal/boc
Des manifestations hostiles
L'annonce de la remise en liberté de l'ex-femme de Dutroux avait provoqué la colère des familles des jeunes victimes du pédophile et relancé le débat sur l'opportunité de rendre incompressibles les peines des crimes les plus graves.
Des manifestations hostiles avaient notamment été organisées devant le couvent où l'ancienne institutrice devrait se retirer.
Les graffitis jaune fluorescent disant non à la venue de l'ex-femme de Dutroux ont été effacés, mais, au pied d'une statue religieuse érigée près du portail de l'établissement, deux ours en peluche encadrent toujours une photo de deux des victimes.
"Honte aux soeurs" clarisses d'accueillir cette meurtrière, peut-on aussi lire sur une pancarte.